Le One-Pot-Pasta n’est pas (du tout) une recette italienne.

Longtemps, j’ai fait semblant d’ignorer le phénomène. Je me suis dit que la mode allait passer et que vous alliez tous progressivement revenir à la raison. Mais il va falloir que je me rende à l’évidence, la tendance du «one-pot-pasta» ne faiblit pas; au contraire, pire, elle s’amplifie! Ce qui m’amène à conclure deux choses: soit vous êtes tous complètement tombés sur la tête, soit on vous drogue. J’espère qu’on vous drogue.

Capture d'écran du site marthastewart.com

Vraiment, j’ai cru à une plaisanterie. J’aurais pu parfaitement continuer à l’ignorer. Puis vous êtes venus la gueule enfarinée m’expliquer que le«one-pot-pasta», des pâtes bazardées dans l’eau froide avec toutes sortes d’autres trucs, cuites sur le feu pendant vingt, trente, quarante-cinq minutes, c’était génial et qu’en plus ça venait des Pouilles…

Des Pouilles.

De la plus belle région d’Italie.

DE CHEZ MOI.

Donc je résume: une Américaine nommée Martha et sortie de nulle part répète à qui veut bien l’entendre qu’elle a fait la découverte du siècle avec le «one-pot-pasta» en s’inspirant des recettes du sud de l’Italie. Et vous, parce que ça vient d’Amérique, parce que ça porte un nom stylish, parce que c’est la nouvelle tendance à New York, paf! vous vous êtes jetés dessus comme la vérole sur le bas clergé et vous avez décrété que c’était une révolution.

Foutre brutalement les pâtes crues avec des ingrédients crus dans de l’eau froide et balancer ça sur le feu pendant vingt minutes, c’est ça votre révolution? Les Français, fins gastronomes, délicats, sophistiqués et chics, se laisseraient dicter la révolution dans l’assiette PAR LES AMÉRICAINS? Et vous avez toujours le droit de vote? Vous me faites peur.

Assurer que le «one-pot-pasta» est une invention extraordinaire et révolutionnaire, c’est comme expliquer à un Italien que, boire du Tang, c’est bien meilleur que boire un jus d’oranges siciliennes pressées à l’instant. Dans le meilleur des cas, tu passes pour un comique; dans le pire, tu finis au fin fond de la Méditerranée accroché à un parpaing.

J’aimerais donc mettre les points sur les i une bonne fois pour toutes: vous pouvez bien tenter d’empoisonner qui vous voulez dans votre cuisine mais laissez l’Italie, les Pouilles, ses étendues d’oliviers argentés, ses champs de blé blonds et dorés, sa mer turquoise, ses poissons, ses trulli, ses fruits de mer et ses falaises blanches, Padre Pio, ses pêches juteuses et ses figues de barbarie en dehors de ce délire général.

Et si seulement cette mode s’était arrêtée aux blogs, mais ils en ont faitdes livres de recettes. Des livres de recettes! Mais vous avez vraiment besoin d’une recette pour faire ce truc? Parce que, «flanquer dans la casserole tout ce qui te passe sous la main», ce n’était pas suffisant comme explication? Il faut un LIVRE DE RECETTES? C’est quoi la prochaine étape? une bande dessinée? une sitcom? la légion d’honneur au «one-pot-pasta»?

Martha est sans doute allée dans les Pouilles, et il est même fort possible qu’elle ait vu des pâtes cuire dans un bouillon avec d’autres ingrédients. Sauf que Martha (le soleil d’Alberobello a du lui taper sur le système) n’a strictement rien compris à ce qu’elle a vu, et vous raconte n’importe quoi depuis des mois désormais. Le «one-pot-pasta» deviendra un exemple d’hérésie collective dans les livres d’histoires, vous verrez. Vos petits-enfants vous jugeront.

Donc je veux bien déchiffrer ce que Martha a vu dans les Pouilles et qui pourrait expliquer cette perversion qu’est le «one-pot-pasta», mais il va falloir promettre de ne plus jamais insinuer que cette horreur vient des Pouilles, sinon je jure que je viendrai vous chercher dans ta cuisine et vous traînerai jusque chez ma mère pour que vous lui demandiez pardon.

Plusieurs possibilités, soit elle a vu une pastina in brodo –soupe de pâtes dans un bouillon–, soit elle a vu une pasta risottata ou semi-risottata –façon risotto–, soit elle a vu une sorte de minestrone, soit elle se drogue –ce qui me semble encore l’option la plus vraisemblable.

Pour la soupe de pâtes, c’est très simple, il faut faire un bouillon avec des légumes, de la viande, ou un fumet de poissons, puis une fois que l’eau bouillonne à grands plocs-plocs, on fait cuire la pastina —petites pâtes— genre langues d’oiseaux, coquillettes, petits papillons. On sert la pastina dans une assiette creuse avec deux louches de bouillon, un petit tourbillon de parmigiano reggiano ou de pecorino, et on déguste la pastina in brodo bien chaude un soir d’hiver. Si vous êtes un peu enrhumé, c’est encore meilleur, ça guérit tout.

Pour la pasta risottata, ça demande un peu plus de concentration. Les pâtes sont effectivement préparées avec les autres ingrédients, ceux que vous voulez, mais sont cuites tel un risotto, quelques minutes seulement, et à l’aide de louches de bouillon ajoutées progressivement jusqu’à obtenir des pâtes al dente. Pas d’eau froide, et surtout pas vingt minutes de cuisson. On peut faire aussi une pasta semi-risottata, en faisant la sauce d’une part, les pâtes dans l’eau bouillante d’autre part, qu’on retire trois-quatre minutes avant le temps indiqué pour finir la cuisson dans la sauce, en y ajoutant petit à petit de l’eau de cuisson des pâtes. C’est ce qu’on appelle la mantecatura, ça donnera un résultat extraordinaire: des pâtes al dente et une sauce bien crémeuse.

Et pour finir, le minestrone, recette sacralisée par Pellegrino Artusi au XIXe siècle dans l’ouvrage de référence de la cuisine italienne La scienza della cucina e l’arte di mangiare bene –un chef-d’œuvre– se réalise grace à un «soffritto» de carottes, céleris et oignons revenus dans de l’huile d’olive et du beurre, puis successivement tous les autres légumes, un par un, lentement et chacun leur tour, jusqu’à les couvrir d’eau et les laisser harmonieusement cuire tous ensemble pendant une bonne trentaine de minutes. Dans les Pouilles, on aime à la fin de la cuisson ajouter dans le minestrone bien chaud des petites pâtes ou du riz, afin d’en faire un plat unique, riche, copieux, nourrissant, et qui calme les faims les plus gargantuesques.

Vous voyez: de l’eau froide nulle part, des pâtes al dente et du bonheur partout.

Non, parce que, les Italiens, ça fait quoi? dix mille ans qu’on explique que les pâtes se cuisent dans l’eau bouillante pour qu’elles soient bien al dente? Parce que c’est plus digeste et moins calorique. Qu’est-ce qu’il faut qu’on fasse pour être pris au sérieux? Il faut qu’on engage Oprah Winfrey? Barack Obama? Vous imaginez Andrea Pirlo manger des pâtes trop cuites, vous?

Vous cuisez trop les pâtes et ensuite vous vous étonnez d’être allergiques au gluten, à l’air, à la joie, à la vie. Si vous avez mal au bide en mangeant des pâtes, ce n’est pas à cause du gluten, c’est parce que vous bouffez vos pâtes trop cuites. Si vous grossissez en mangeant des pâtes, ce n’est pas à cause des pâtes, c’est PARCE QUE VOUS BOUFFEZ VOS PÂTES TROP CUITES.

Que je ne vous y reprenne plus. Je ne plaisante pas avec la food culture.

A presto.
Floriana

Article publié sur Slate.fr

Buon Natale a tutti.

cotechino

Comment ne pas littéralement chérir la période de Noël  en Italie. Je me fiche d’être sans doute trop romantique, trop sensible, trop naïve, mais moi, voir tous ces gens emmitouflés dans les rues, sous les lumières clignotantes des sapins et des vitrines, le panettone dans une main, le pandoro dans l’autre, ça m’émeut infiniment. C’est le seul moment de l’année où l’Italie est kitsch. Classe, mais kitsch, alors autant ne pas en perdre une miette de torrone.

Et puis les Italiens, quoiqu’ils en disent, adorent Noël .

Ils aiment se plaindre ironiquement des repas dantesques à ingurgiter en souriant, ils râlent avec affection au sujet de la famille à supporter, ils grommellent en pensant à tous les auguri à souhaiter et les panettone à offrir, ils adorent en fin de compte s’asseoir à table le 24 au soir et enchainer non pas un, ni deux, ni trois, mais bien cinq gigantesques repas de Noël. Oui, parce qu’en Italie, on fête la “vigilia” (la veille), “Natale” (Noël)  et “Santo Stefano” (fête de la Saint Etienne, jour férié en Italie). Sans compter tous les presque-repas-de-Noël  jusqu’au 6 janvier, jour de l’épiphanie et de la “Befana”, la sorcière et ses haillons qui se rend dans les maisonnées la nuit et se charge de couvrir de charbon les enfants qui n’ont pas été sages.

Bref, à Noël , les Italiens font ce qu’ils savent faire de mieux : L’INTERMINABLE REPAS DE FAMILLE.

Dès que l’été commence à balbutier et s’évanouit lentement au rythme des arbres qui se colorent, les Italiens commencent à bavarder au sujet de Noël . Plus précisément en Emilie-Romagne, l’organisation du repas de Noël  relève de la préparation du G20. A partir de début Novembre, les Italiens du Parmense, du Reggiano, du Modenese, et du Bolognese, commencent à préparer leurs plats pour le repas du 25 décembre.

Deux mois avant, tu as bien lu.

C’est à dire que réaliser de A à Z quelques 1000, 1200, 1500 anolini ou cappelletti (ravioli à la viande), ça prend du temps et surtout ça demande une logistique sans faille. Tout le monde s’y met, des petits-enfants aux grands-parents, toute la famille et les amis réunis pour impastare (faire la pâte), tirare la sfoglia (laminer la pâte), et farcir les cappelletti. Une tradition indéboulonnable qui revient systématiquement tous les ans, souvent sous la baguette et l’oeil avisé de la nonna qui détient bien entendu la seule et unique recette véritable des cappelletti. Ils seront ensuite congelés et dégustés la veille de Noël , flottant dans le brodo (bouillon) jusqu’à l’Epiphanie. D’ailleurs dans le coin on les appelle les “galleggianti” – les flottants. Et comme bien entendu rien ne se perd, les restes seront précieusement conservés jusqu’au repas de Pâques.

Un brodo et des cappelletti, dans le froid acéré et le brouillard compact de la pianura padana, c’est sincère, c’est délicat, divin et doux, ça se partage, ça réchauffe les cœurs les plus tristes. Pour comprendre il ne te reste désormais et selon toute évidence plus qu’à rappliquer à Parme entre décembre et février, et ce, tous les hivers que le ciel fera.

Tu ne seras pas déçu du voyage, parce que l’autre plat traditionnel d’Emilie-Romagne en période de Noël , c’est le cotechino con le lenticchie.

L’Italie n’a rien inventé de plus rustique que le cotechino con le lenticchie.

Ca ressemble un peu au « petit salé aux lentilles » auvergnat, puisque c’est aussi un morceau de porc bien bien BIEN gras accompagné de fines lentilles revenues dans de l’huile d’olive, quelques aromates, et un peu de pulpe de tomates.

Personnellement, j’en rafole.

Mais alors, qu’est-ce que le cotechino ?

« Del maiale non si butta via niente » est la version italienne du « Dans le cochon tout est bon », et Dieu sait combien les Italiens ne rigolent pas avec le cochon. Eux, ils te prennent les restes du cochon, et ils t’en font du caviar.

DU CAVIAR TU M’ENTENDS ?

Finir dans un cotechino à Parme tous les cochons en rêvent!

Le cotechino est le plat des pauvres de la campagne modenese au XVIIIe. On le mangeait avec une bonne zuppa di legumi – soupe de légumineux – ou bien pour accompagner le minestrone. Ou même entre deux tranches de pain pour un panino venu tout droit du paradis de Dante.

C’est au siècle suivant qu’il a acquis une certaine noblesse en devenant le plat de l’aristocratie parmesane et en recueillant les faveurs des chefs et critiques les plus renommés de l’époque, notamment Pellegrino Artusi, célèbre gastronome qui a inscrit dans le marbre LA recette du minestrone.

Donc revenons à mon cochon, le cotechino c’est tout simplement les « restes » de viandes maigres et grasses comme la “spalla” (l’épaule), le “guanciale” (la joue) et la “pancetta” (la poitrine) dont personne de la haute ne voulait. Et évidemment beaucoup de “lardo” (le saindoux). Les paysans hachaient la viande, et l’assaisonnaient abondamment de sel, poivre, noix de muscade, et clous de girofle. Le mix d’épices est en fait le secret bien gardé de chaque « salumiere », c’est ce qui caractérise chaque cotechino. Ensuite il suffisait d’insaccare dans la peau du cochon (on me dit que le terme technique est l’embossage), recoudre, et voilà, le cotechino et ton taux de cholestérol sont prêts !

Mais cessons la technique, parce que le cotechino, c’est surtout de l’émoi jusqu’à l’ivresse et de la simplicité jusqu’à la plénitude.

On le fait bouillir pendant deux heures dans de l’eau non salée – crois-moi, ça ne sert à rien de saler le cotechino – avec des feuilles de laurier, des clous de girofle, et si tu veux, une carotte, une branche de céleri, un oignon. Puis tu le découpes en tranches bien épaisses et tu le sers avec des lentilles.

Les lentilles. Chez nous on fait les meilleures, on ne va quand même pas s’excuser : la bien nommée précieuse “Lenticchia di Castelluccio di Norcia” dont l’origine géographique est protégée (IGP). Elle est cultivée depuis toujours à 1500m d’altitude, dans le parc national des Monti Sibillini, entre l’Ombrie et les Marche, au coeur des Appenins, là où la terre peut se reposer en hiver, couverte et à l’abri sous un épais manteau de neige. Le centre de l’Italie, cette région méconnue des touristes, préservée, et magnifique.

Ces petites pépites que tu auras sagement laissé reposer dans l’eau pendant au moins douze heures, et que tu auras fait revenir dans de l’huile d’olive avec une gousse d’ail et un peu de pulpe de tomates. Tu termines par une louche de bouillon du cotechino. Tu les sales à la fin sinon elles seront dures, alors que toi, tu veux qu’elles fondent dans la bouche comme une crème.

En plus de faire lit douillet du cotechino, elles te porteront chance pour l’année qui vient. Comme autant de petites pièces de bonne augure, d’abondance et de prospérité.

En tous cas l’Italie te le souhaite. Elle y a mis tout son savoir faire, sa générosité, son abondance et son authenticité.

La tradition pour ne pas oublier d’où on vient, parce qu’à Noël , quand ta table sera remplie de toutes ces petites merveilles, tu penseras à ceux qui, il y a longtemps, n’avaient rien que des restes de cochons et quelques lentilles pour fêter en famille la fin de l’année.

On accompagnera ce plat du bon conseil de Sand.

On finira par une tranche de panettone, ou de pandoro, pas de jaloux.

Et on sera rassasié et heureux.

Gras, mais heureux.

Buon natale a tutti.
@flonot

Arrabbiata.

Il se trouve que dernièrement, j’ai beaucoup de mal à écrire sur ce pays que d’ordinaire je flagorne avec adoration et exagération, en considérant a priori comme irrecevable toute critique à son encontre, qu’elle soit construite, provocatrice, ou simplement trollesque. Et j’adore le faire, j’aime déifier l’Italie, je raffole de sa Dolce Vita, je me complais dans ses défaillances et parfois, souvent, contre toute attente, j’en redemande. Comme un amoureux à qui je pardonnerais tous ses défauts, trop aveuglée que je suis par mon amour passionnel envers l’Italie, je refuse ne serait-ce que l’éventualité qu’elle pourrait me décevoir.

Mais voilà, après quelques années en Italie, la colère remue mes sentiments transi-amoureux. Je ne trouve plus à lui pardonner. Je n’ai plus l’énergie de lui pardonner. Il ne s’agit pas de la colère qui a accompagné la défaite de l’Italie en finale contre l’Espagne, le penalty raté de Baggio en finale contre le Brésil, le but en or de Trezeguet. Non.

Je suis vraiment en colère.

En colère contre ce pays qu’on dit ingouvernable. Une génération entière jetée à la poubelle. Vingt années passées à offrir une place, des régions, des ministères à un Berlusconi délinquant et ses alliés d’extrême droite, à banaliser ses idées les plus abjectes, à transformer la télévision en réceptacle à Italiennes à poil.

Et là maintenant qu’il gît, le râle au bout du souffle, après avoir mis le pays à genoux, avoir menacé une nouvelle fois de tout faire éclater, pour finalement se raviser à la dernière seconde, histoire de ridiculiser un peu plus ce pays, qu’est-ce que les Italiens ont fait? Ils ont donné du pouvoir à un clown démago aux discours qui n’ont rien à envier aux extrémistes.

Je suis en colère.

En colère contre nous, les Italiens, qui ne sommes pas capables, en 2013, de voter une loi anti-homophobie, et ce, au nom de la “liberté d’expression”. Oui, tu as bien lu. Les Italiens veulent avoir tout le loisir de tabasser du pédé. Je pensais avoir tout lu et entendu lors du débat sur le mariage pour tous en France, c’était sans compter sur le coming-out homophobe de mes compatriotes italiens.

En colère contre nous, les Italiens, qui lançons des cris de singe dans les stades quand Mario Balotelli, un enfant de notre propre pays, touche le ballon. Ou des bananes à notre ministre de l’intégration Cecile Kyenge.

En colère contre nous, les Italiens, qui ne trouvons rien de mieux à faire que de poursuivre en justice les survivants de Lampedusa, coupables d’avoir survécu à l’horreur, coupables de ne pas être morts pendant la traversée. Parce que nous avons laissé des politiques voter le “délit de clandestinité”.

En colère contre nous, les Italiens, qui avons traversé les mers, les océans pendant des siècles, animés par le même espoir d’une vie meilleure et d’un futur joyeux et esclavagisons les survivants de la traversée pour ramasser nos tomates. C’est la rage qui me tord la gorge maintenant.

En colère contre nous, les Italiens, qui laissons pourrir notre jeunesse, qui tuons son enthousiasme, lui donnant les conditions de travail les plus précaires et les plus indignes d’un pays développé, en y insérant parfois des clauses de salaire maximum à 5.000 euros par an.

En colère contre nous, les Italiens, qui tuons à petit feu toutes les merveilles que l’Histoire nous a léguée, qui ne réalisons pas cette chance inouïe que nous avons de grandir et de vivre au milieu des signes les plus nobles de notre culture. Pompei a traversé les millénaires au rythme des éruptions du Vésuve, mais aujourd’hui c’est l’UE qui doit la sauver, elle ne survivrait pas aux Italiens du XXIe siècle.

Et je suis en colère, car je sais bien que tant que les Italiens auront du pain et la pasta sur la table, il ne se passera jamais rien dans ce pays, qu’il faudra des années et des années avant de voir les infimes changements positifs dans les mentalités et dans la société.

Oui, j’ai la rage. Une rage italienne. Une colère qui sue jusque dans notre cuisine. L’arrabbiata. L’enragée. Il n’y a vraiment que les Italiens pour cuisiner un sentiment. Les penne all’arrabbiata. Les pennes de la colère. Pour donner vraiment vie aux ingrédients. Pour leur donner un sens. Ça, je dois admettre que je ne pourrai jamais l’enlever aux Italiens. Au moins, ça, on sait le faire.

Comme pour me dire : pazienza, comme une vieille nonna qui me dirait “l’Italie finit toujours par s’en sortir, tu verras, on en a vu d’autres – mammamia, tu trouveras de nouvelles ressources pour lui pardonner. En attendant, mange tes pâtes.

C’est peut-etre meme bien par là qu’arrivera notre salut. Chissà.

Deux ou trois piments pour avoir une raison de devenir tout rouge – au cas où on n’en avait pas assez, coupés en rondelles, qu’on fait revenir avec une ou deux gousses d’ail dans de l’huile d’olive. Quand l’ail a coloré, tu retires les gousses et tu verses une boite de tomates pelées préalablement mixées ou émiettées dans ta poêle. Un peu de sel, un peu de poivre, ¼ d’heure à feu doux/moyen.

Puis des penne al dente, sautées dans la poêle.

Du pecorino romano. Ou du parmigiano reggiano, éventuellement, mais ne le dis pas aux Romains, tu vas nous les énerver encore plus.

Il parait que la réussite de ce plat dépend uniquement de l’ingrédient fondamental : le degré de colère de son cuisinier, et toutes les grossièretés qu’il va proférer.

Je crois que je vais pouvoir cuisiner la meilleure arrabbiata de ma vie.

Et buon appetito.
@flonot

[Article publié sur slate.fr]

Spaghetti del Mare alla Enzo Molinari

Enzo Molinari, je l’adore.

1988, « Le Grand Bleu », j’ai 7 ans, la France découvre la douceur et la poésie de l’Italie du Sud et les couleurs du tempérament sicilien de Enzo et sa famille.

Enzo est beau. Impulsif, excessif, sensible, fort, généreux, épicurien, égoïste, fragile, et affectueux. Il exagère, il recommence, il plonge, il revient, il caresse, il blesse, il regrette, il pardonne et se fait pardonner.

C’est Enzo, c’est le reflet caricaturé de l’Italien, comme on l’imagine, à tort et à raison, celui qui nous fascine et qui nous agace. Quand j’étais petite et qu’autour de moi on s’extasiait sur « Le Grand Bleu », je me disais dans mon for intérieur : « Oui, et Enzo, il est ITALIEN. Il pourrait être mon ONCLE. D’ailleurs, j’ai un oncle, il est comme ENZO ». Ma petite revanche personnelle sur la vie et les moqueries à base de tortue ninjas. Tout le monde voulait être comme Enzo, avoir son charisme, son rire, sa prestance, son allure.

Sa tchatche.

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Insalata caprese e penne alla crudaiola !

Caprese2013.

L’année où le printemps nous a été volé. Je ne vais pas m’étendre davantage sur le comment du pourquoi, mais le fait est que, même en Italie, le ciel ne nous a pas régalé de son bleu azur imperturbable et de ses rayons de soleil si chaleureux. On nous a volé le printemps… pire, l’été est à risques. D’habitude on est là, déjà tous dorés qu’on est au mois de juin, à twitter nos photos d’aperitivi et à se moquer des Français qui non seulement ont perdu la coupe du monde mais en plus se tapent la pluie tous les jours.

Mais le voilà qu’il est revenu, en Italie et en France aussi. Nous n’y croyions plus et étions certains qu’il était prêt à se dérober à tous moments pour laisser place à la pluie, le vent, les nuages gris et les incantations désespérées des Italiens: «Ma perché ?! BASTA LA PIOGGIA, BASTA !»

Le plus triste, le plus abattu de ces Italiens, c’est le vendeur de fruits et légumes. Qui tous les matins d’ordinaire sort fièrement ses étalages sur le trottoir, sifflote et te souhaite une bonne journée avec un sourire large jusqu’aux oreilles.

Des abricots, des pêches, des cerises, des pastèques, des melons, en veux-tu en voilà, toute l’Italie dans ces cagettes, tout le soleil des Pouilles et de la Campanie sous tes yeux, un tableau de maître, Arcimboldo lui-même n’en croirait pas ses pinceaux.

Et des tomates. Des tomates par dizaines, de toutes les formes, de tous les tons de rouge, pour tous les goûts.

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Parmigiano Per Tutti !

Parmigiano Reggiano D.O.P.

 

En toute objectivité, c’est le roi des fromages.

Je n’ai pas l’intention de tergiverser pendant des plombes. Il n’y a pas de matchs possible. C’est le marbre des dieux. Il est à nos papilles gustatives, ce que Elvis est au rock, ce que la Joconde est au Louvre, ce que le champagne est à la France, ce que l’Italie est à l’univers, ce que le soleil est à l’été français.

Surprenant mais jamais irritant, magnifique mais jamais envahissant. Simple mais jamais lassant. Et surtout quand il manque, nos vies sont froides, ternes, insipides et sans intérêt.

Et en plus il est beau, ce héros de la cuisine. Le gendre idéal.

Qui a fait connaître Parme et l’Emilie-Romagne dans le monde entier.

Un chef d’oeuvre tous les jours depuis neuf siècles.

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Pasta Caput Mundi

Une nouvelle page est née chez mangiareridere.com et c’est une carte collaborative qui est dédiée au #CarbonaraClub !

Tu la trouves dans le menu tout en haut de cette page d’accueil.

J’attends tes adresses.

Un bacione.
@flonot

Le Bordel de la Puttanesca.

Ah, les élections italiennes. Une sorte de gigantesque Commedia dell’Arte mais en version série Z, sans rires ni art, juste avec les mauvais acteurs, la mauvaise intrigue, et le mauvais dénouement. Un exercice démocratique au sujet duquel les Italiens se déchirent pendant des semaines, sans jamais débattre ni avancer une quelconque nouvelle idée ou solution. Ce sera à qui insultera l’autre le plus fort.

Ces insultes permanentes par médias interposés, cette démagogie et ce populisme oppressants, ce foutage de gueule quasi-impuni, tous les jours, partout. L’Italie qui d’ordinaire cultive si bien le bon goût, l’élégance, le raffinement, la culture, tous les jours, dans les moindres recoins de ses villes, villages, collines, montagnes et littoraux, qui aime s’extasier des choses les plus simples, une olive, une tomate, le soleil, une boule de pain, se métamorphose.

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Les Lasagnes. FAI DA TE.

Je constate que l’Europe, les Anglais, les médias, les pseudos-fabricants de plats italiens 100% made in Italia avec des vraies vaches grattant leurs mandolines en chantant O Sole Mio mais qui n’ont jamais vu un cm2 d’herbe italienne et la terre entière se sont donc ligués pour ce vaste complot visant à l’anéantissement du patrimoine gastronomique italien.

Désolée, mais ce coup-là, je le prends encore personnellement. Voilà, paf, des Roumains ont mis des restes de chutes de canassons dans une lasagne 100% bœuf, et ça y est, c’est de nouveau le visage de l’Italie qui est piétiné et traîné dans la boue.

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Mozzarella. La Principessa.

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« Quand tu viendras à Milan, je t’emmènerai au Mozzarella Bar, tu verras c’est merveilleux ! »

Je me souviens encore ce que m’a répondu mon amie française.
Une très bonne amie en plus, que je connais depuis longtemps, et jamais en reste pour ce qui est de bien manger. Le genre d’amie qui te fait plaisir quand tu vas au restaurant, qui, comme toi, s’extasie d’un rien, a envie de goûter dans les assiettes de tout le monde, et surtout tient à découvrir les us et coutumes locaux en termes de gastronomie. D’autant plus qu’elle me fait confiance et me laisse choisir pour elle les yeux fermés tout ce qu’elle doit goûter sur la carte italienne. Autant te dire qu’elle, l’Italie, et moi, ce sont chaque fois de grands moments de bonheur gustatif que nous vivons. L’organisation de nos weekends commence toujours par « Bon, qu’est-ce qu’on mange, là-bas ?« .

Vraiment, une bonne amie.

« Comment ça un « mozzarella » bar, mais un bar à mozzarella, y’en a plusieurs de mozzarella ? Mais pourquoi faire, ça n’a pas de goût la mozza ! »

Je ne sais pas si tu te rends bien compte, mais ça m’a tellement scié les jambes que j’ai failli pleurer.

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Pasta Diva. Hai Del Sole Il Bel Calore.

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Il est fascinant ce coffre aux trésors, maintenant qu’on a trouvé la clef, toi et moi.

Et comme tous les trésors, on va le chérir, le défendre, l’aimer, lui pardonner quand il nous déçoit – si, ça peut arriver – l’encenser, et le célébrer en prenant exemple sur ces Italiens qui s’y emploient tous les jours, du nord au sud.

Où que tu ailles en Italie, les mammas – mais les italiens en général aussi – mettent le même amour, la même passion, la même rigueur à cuire la pasta et préparer des repas… dantesques. Pour eux, c’est un cadeau, une preuve d’affection, un réconfort pour la famiglia. Comme partout dans le monde probablement, quand il s’agit de cuisiner (sauf peut-être aux Pays-Bas, là-bas ils doivent prouver leur affection autrement que par la cuisine, mais passons). Mais ce que j’ai toujours trouvé fabuleux en Italie, que tu te trouves à Trento ou à Reggio di Calabria, que tu te balades à Torino ou à Lecce, que tous ces Italiens, qu’ils soient pauvres, riches, cultivés ou non, connus ou pas,  portent tous le même respect profond et éternel à la pasta.

Absolument tous.

Chacun d’entre eux.

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La Pasta. La Caccia al Tesoro.

Je réalise que je fais tout à l’envers. Je dois probablement penser que la situation n’est pas si désespérée que ça, et qu’au fond tu n’es pas une cause perdue. Parce qu’il y a certaines choses que – tout de même – je n’imaginais pas devoir expliquer, tant elles tombent sous le sens.

J’ai commencé à m’énerver – un peu, si peu – contre toi parce que tu faisais n’importe quoi avec la Carbonara alors qu’en fait, la situation est bien pire. BIEN BIEN PIRE. Un peu comme quand tu commences à gratter la croûte d’un gâteau brûlé pour essayer de récupérer la situation mais en réalité c’est irrécupérable. Tu le sais mais tu insistes, tu persistes, tu gardes toujours un peu espoir.
Je gratte, je gratouille, et là je découvre avec stupeur mais surtout avec effroi, que les pâtes, ben pour toi, c’est « toutes les mêmes ».

Longues, courtes, lisses, rayées, farcies, aux œufs, au blé dur,… toutes les mêmes ?

TOUTES LES MÊMES ?

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Tiramisù. Tu mi porti sù.

Tiramisu

Les Italiens.

Ils ne peuvent rien faire sans un minimum d’éclat. Je comprends que tu puisses trouver ça fatigant, parfois. Rien en Italie n’est fait pour aller vite. Tout semble être né pour être apprécié. Tout. Un simple caffè. Trancher du prosciutto fraîchement. Regarder avec bienveillance ses farfalle bondir et rebondir dans l’eau.

L’éloge de la lenteur.
Et du chaos aussi – certes. C’est d’ailleurs assez fou, cette manière qu’ils ont eu – et ont toujours – de systématiquement évoluer dans le chaos, dans l’excessivité, dans le vacarme, pour au final s’entourer de choses… toutes plus divines les unes que les autres. Avec génie et talent. Et folie destructrice aussi.

« Si sta bene in Italia. E’ il Bel Paese !« . Voilà. L’amour-haine.

LA PASSION.

Rien ne se fait de manière anodine en Italie, rien. Tout a une histoire. Tout ce qui t’entoure a une anecdote à raconter. La plus petite des églises peut cacher de sombres et tragiques histoires d’amour, la fontaine la plus ordinaire peut révéler à tout instant le récit de rivalités sanglantes entre deux vieilles familles, deux quartiers, deux artistes… Les Italiens aiment te raconter leurs légendes. Ces légendes-là te frôlent lorsque tu te perds dans les rues. Elles vivent là.

C’est précisément ça, qui est magique, en Italie !

Tiens, par exemple. Tu connais le Tiramisù ? Ce dessert célèbre, crémeux, riche, qui réunit deux des produits les plus emblématiques en Italie – mascarpone et caffè. Tu t’es déjà demandé ce que Tiramisù pouvait bien vouloir dire ?

Tira-mi… sù.

Et tu n’oublies pas l’accent sur le « ù ».

Littéralement : « Tire-moi vers le haut« . Quand tu découvres ça tu aurais presque envie de t’envoler et de sautiller de nuage en nuage non ?

OH OUI, EMMENE-MOI DONC LA-HAUT.

ANCORA PIU SU’.

Les histoires et légendes italiennes les plus tenaces, les plus discutées, vivent des relations épistolaires et libertines avec la gastronomie italienne. Alors, quand un dessert comme le Tiramisù devient un drapeau – una bandiera – de la pâtisserie italienne dans le monde, on frise la passe d’armes entre ceux qui se disputent sa paternité.

Aujourd’hui les Italiens ne se sont pas encore complètement décidés sur l’origine du tiramisù.
Si le plus grand nombre semble se mettre d’accord pour dire que c’est un Chef de Trévise qui l’a inventé peu après la deuxième guerre mondiale, ce n’est pas tout à fait l’avis des Siennois.

On raconte à Sienne en Toscane, ville célèbre pour sa tradition pâtissière – et elles sont peu nombreuses en Italie, JE VEUX BIEN L’ADMETTRE – que ce dessert aurait été créé au XVIIe siècle en hommage au Grand Duc de Toscane qui se rendait à Sienne pour la première fois. Évidemment, ce seul évènement méritait à lui tout seul que les pâtissiers siennois décident d’inventer purement et simplement un dolce. Il fallait qu’il ait un gout prononcé, caractérisé, espiègle, comme ce Grand Duc à la personnalité forte, tout en utilisant des ingrédients simples. Et ce Grand Duc, donc, aurait particulièrement apprécié ce dessert pour ses effets… aphrodisiaques… et l’aurait par conséquent baptisé de ce petit nom.

Je te fais un dessin ?

Tiramisù ?

C’est bon tu as compris ?

(C’est vraisemblablement les Trévisiens qui ont raison, mais je trouve l’histoire des Siennois bien plus mutine et malicieuse)

Le tiramisù n’est pas – non, il n’est pas ! – le dessert écœurant que tu vas souvent trouver dans les restaurants italiens en France… et en Italie. Lui aussi est beaucoup trop martyrisé et mérite d’être dorloté. D’ailleurs tu te dois de punir à grand renfort de gifles à l’italienne ceux qui le préparent avec de la… crème anglaise (?!) et/ou qui le noient sous deux tonnes et demie de mauvais cacao en poudre. Pleurs et frissons. Je ne commande jamais un tiramisù au restaurant. La seule fois où c’est arrivé, le serveur est allé chercher la mamma qui était aux fourneaux, elle est venue à ma table, les mains sur les hanches, et me menaçant de me sortir de la trattoria manu militari si je ne daignais pas goûter le sien. J’ai cédé sous la pression et je n’ai pas regretté.

Depuis je soupçonne quand même fortement ceux qui disent ne pas aimer le tiramisù de n’en avoir jamais goûté un vrai.

Un vrai ! Le Casanova des tiramisù. Gentiluomo.

Elégant, raffiné, espiègle et malicieux.

Celui qui n’est pas lourd, pas écœurant, mais qui au contraire est subtil et fondant.

Celui qui rend hommage au mascarpone ET au caffè, qui révèle la douceur et la force de ces délicieux produits qu’il semblerait complètement improbable d’allier dans un même dessert. Celui qui te fait gambader de nuage en nuage. Celui que tu ne peux pas éconduire, séduisant et irrésistible comme Giacomo Casanova.

Alors qu’entre nous, tu viens tout juste de compléter le grand chelem antipasto-primo-secondo et tu jurais une seconde avant que non – non, non et non – tu ne pouvais plus rien avaler, même sous la torture. Combien de fois je t’ai vu le faire…

JE TE CONNAIS.
Tu vas remettre le couvert illico avec Giacomo.

J’aimerais te dire que je sais faire le tiramisù. Mais non. Je ne sais pas le faire aussi bien que les mamme italiane. Alors j’ai proposé à Simona, une jolie maman toscane, de bien vouloir m’aider à répandre la bonne parole, afin que cesse la calomnie honteuse au sujet de ce merveilleux dessert. Simona aussi adore cuisiner et partager, ici. Elle nous livre la recette rigoureusement traditionnelle du gentiluomo tiramisù. Attention, tu vas en prendre soin, parce que c’est une caresse malicieuse – una coccola maliziosa – qui arrive tout droit d’Italie.

Pour un tiramisù version Casanova, il te faut :

Petit a : 200g de mascarpone

Petit b : 2 œufs bien frais

Petit c : 2 cuillères à soupe de sucre

Petit d : des biscuits à la cuiller

Petit e : du cacao

Petit f : du caffè.

Après tout ce que je t’ai expliqué, je te préviens, si tu t’amuses à me balancer du Nespresso dans le tiramisù de Simona, je t’enterre vivant.

Avant toute chose, tu vas faire du sirop de sucre. C’est pour pasteuriser tes œufs, que tu vas utiliser crus. Et tu verras, ce sera même plus léger. Dans une casserole tu mets le sucre avec un peu d’eau et tu portes à ébullition. Tu remues parce que tu ne veux pas que ça accroche au fond, là.

Dans un récipient – de préférence étroit et haut – tu mets les jaunes et la moitié de ton sirop de sucre. Ça va les chauffer sans les cuire. Tu montes tout ça longuement, jusqu’à ce qu’ils deviennent mousseux, c’est ça le secret. N’hésite pas. Il faut qu’ils deviennent blancs. C’est le nuage vaporeux sur lequel tu vas sautiller allègrement. Ensuite tu ajoutes le mascarpone et tu continuer de monter.

Dans un autre récipient tu montes les blancs en neige (avec un petit peu de sel, pour aider) puis tu incorpores le reste de ton sirop de sucre et tu continues de fouetter le mélange.

Une fois que tes blancs sont fermes comme les seins de la Vénus de Botticelli, tu les ajoutes doucement à ton mélange jaune d’œufs + mascarpone. Et tu remues délicatement. Tu écoutes. Et tu caresses. Tu veux que ce soit subtil on a dit !

Pendant ce temps tu as préparé le caffè et la petite mélodie de la Moka se fait entendre.

Tu prends des biscuits et tu les baignes dans le caffè. Tu ne les laisses pas tremper, compris ? Tu les imprègnes légèrement, juste pour leur donner la saveur, le parfum qui donnera son petit caractère à ton tiramisù.

Le caffè dans le tiramisù, c’est l’espièglerie à peine dissimulée de Giacomo Casanova derrière son élégance et son raffinement. C’est l’Italie !

Et ensuite tu vas pouvoir faire un vrai petit chef d’œuvre. Sandro Botticelli, c’est toi. Tu disposes les biscuits entiers dans des verres – sans les écrabouiller pour l’amour du ciel – et tu verses ton nuage par-dessus. Tu fais en sorte en tapotant légèrement le verre sur ta main que la crème de mascarpone coule bien partout. Et tu saupoudres légèrement de cacao… Hop, juste pour colorer.

Et tu laisses reposer au moins 3h au frigo.

Et après… aaah après, c’est Casanova lui-même qui t’offre una coccola… espiègle et malicieuse. Ça glisse et ça fond. C’est frais et ça fait du bien. Ça croustille et ça murmure l’Italie quand tu plonges ta cuillère. C’est doux et c’est fort. Une autre cuillère et tu pourrais presque chanter en italien des poèmes à la gloire de Simona, un genou à terre et vêtu du maillot des Azzurri. Ça bouscule. Je t’avais prévenu que c’était aphrodisiaque. Mais tiens-toi quand même, hein. Les Italiennes, elles ne succombent pas si facilement. Elles ont en vu d’autres… bien d’autres.

« Tiramisù » ça veut aussi dire… « Donne moi de l’énergie« , « Remonte-moi le moral« … Ils sont forts ces Italiens.

Des oeufs, du mascarpone, du caffè. Et un peu de magie.

Et voilà, tu sais maintenant.
Un autre secret à garder entre nous.

La coccola maliziosa che ti porta sù ;)

Un bacione,

@flonot

Quando le cose son diventate normali e le diamo quasi per scontate, non siamo più capaci di guardarle con l’occhio giusto ! Così è successo a me, dopo aver riflettuto sul Tiramisù, uno dei dolci più Italiani in assoluto ! Ringrazio Floriana, per questo scambio di mails e messaggi, per aver avuto voglia di ricercare la ricetta, tradurla per voi, raccontarci qualcosa del nostro Paese tanto colorato quanto confusionario! La cucina è quella parte della cultura che ci lega un po’ tutti, gli ingredienti che finiscono nei nostri piatti hanno fatto il giro del mondo e quello che mangiamo oggi è spesso frutto di una lunga evoluzione ed è buffi vedere come cerchiamo di ricreare i sapori di un altro paese con quello che abbiamo nel nostro ! Questo Tiramisù ne è un esempio ed è il mio saluto a voi « cugini francesi » ! :-)

 

 

La Pizza Margherita. Buona. Bella. Dolce. Vera.

Laisse-moi te présenter Margherita.

Elle te dit quelque chose, non ? Tu as l’impression de l’avoir déjà croisée, comme une sensation de « déjà-vu ».

Mouais.

Sauf que toi, celle que tu connais, c’est « Margarita ». Elle doit être sympa, Margarita – je ne dis pas, je ne la connais pas – mais pour te tromper et t’amadouer, elle se fait passer pour une belle Italienne et ça m’agace.

Sournoise. Sordide. Fausse.

Laisse-moi te dire qu’elle n’a STRICTEMENT RIEN d’une Italienne. Elle n’en a ni la classe, ni la douceur, ni la saveur, ni l’odeur.

Elle n’en a pas L’HISTOIRE.

Et pourtant toi – PAF ! – tu te fais avoir à chaque fois. Elle te fait les yeux doux, et tu fonces. A chaque fois. Et au lieu d’effeuiller et de croquer dans Monica Bellucci, tu te retrouves face à Rossy de Palma. J’ai envie de te dire, tant pis pour toi, hein.

Margherita, c’est une reine. C’est même la première reine d’Italie. L’Italie unifiée. Du nord au sud. Tu comprends ce que ça représente ? Tu comprends que Margarita, avec tout le respect que je lui dois – c’est-à-dire aucun – ne mérite que mon plus sombre mépris ?

Margherita, elle emballait les foules. Elle était charismatique. Elle se baladait dans toute l’Italie, allait à la rencontre du peuple et avait à cœur de montrer à quel point chacun de ses habitants faisait partie d’un seul et même pays : l’Italie.

L’Italia. Buona. Bella. Dolce. Vera.

Elle était très populaire, Margherita. Un jour, en juin 1889, elle s’est rendue à Napoli. Événement. Toute la cité in fibrillazione. Tu les imagines, les Napolitains, accueillant la toute première reine d’Italie ? Ils ont dû sortir leurs plus beaux atours. Mettre les plus belles nappes. Gesticuler dans tous les sens pendant des jours. Sortir la mandoline et composer des poésies d’amour à la gloire de la regina. Ils ont dû en faire DES TONNES, ces excessifs. Ils ont dû en parler des jours durant, avant. Et des jours durant, après.

Et puis il y a Raffaele. Raffaele Esposito. Dans sa petite boulangerie napolitaine. Qui se demande comment il allait bien pouvoir exprimer sa gratitude à la reine qui leur rendait visite pour la première fois. Comment il pourrait montrer toute la fierté qui était sienne d’être Italien dans une Italie tout juste unifiée. Et comment il aurait aussi, avec orgueil et pour la reine, rendu sa belle Napoli connue dans le monde entier.

DANS LE MONDE ENTIER.

On devrait tous avoir une petite icône de Raffaele dans nos portefeuilles. En mémoire. Pour le remercier.

Il n’avait pas grand-chose à disposition Raffaele. Il n’était pas très riche. Mais il avait envie de faire partie de la fête, à sa manière. Alors avec beaucoup d’amour et un peu de magie, Raffaele, il a pris une boule de son plus beau pain. Il l’a étalée devant lui et a composé son poème dédié à l’Italie.

Tomates. Mozzarella. Basilic.

La drapeau italien. Les tomates les plus juteuses de sa Campania. Sa mozzarella di bufala qu’il allait choisir lui-même là-haut dans la montagne. Son basilic le plus précieux, le plus chatoyant. Rien n’était trop beau pour l’Italie et pour Margherita.

Il a surveillé son œuvre dans le four à bois, fait dorer et l’a déposée dans sa vitrine, en nettoyant bien tout autour, pour que ce soit beau.

Et quand Margherita s’est arrêtée devant ce merveilleux éloge à l’Italie unifiée, elle en a saisi un morceau avec les doigts. Tu le vois, Raffaele, les bras sur les hanches, tout écarlate de fierté ? Même la regina Margherita mangeait sa pizza napoletana avec les mains !

Cette pizza, c’était son cadeau pour Margherita, pour Napoli, pour l’Italia.

La pizza margherita était née. Et elle allait devenir le symbole le plus triomphal de l’Italie dans le monde. Une explosion de simplicité.

Bien chaude, bien croustillante, coulante de ces tomates si savoureuses qu’on en redécouvre le goût à chaque fois. Filante de sa mozzarella di bufala. Embaumant le basilic. Quelques bijoux pour la première reine d’Italie.

Alors écoute-moi bien attentivement.

Tu vas cesser de souiller et travestir la margherita. Tu vas fracasser la tête du restaurateur qui veut te servir une « margarita ». Personnellement, la seule Margarita que je connais, elle est sucrée, dans mon verre, et elle me fait danser debout sur la table malgré moi.

Tu vas te souvenir de l’histoire de Raffaele Esposito, dans sa petite boulangerie napolitaine. Et tu vas, toi aussi, refuser la fatalité et redonner à Margherita et Raffaele tout le respect et l’estime qu’ils méritent.

Tu ne pourras plus te tromper à l’avenir. Tu ne DOIS plus te tromper à l’avenir. Tu n’as PLUS LE DROIT, parce que c’est l’histoire de l’Italie tout entière qui est entrée un peu dans ton cœur et qui est dorénavant entre tes mains.

Alors, souviens-toi.

Margherita.

Buona. Bella. Dolce. Vera.

Comme l’Italie.

Grazie Raffaele. Grazie di cuore.

@flonot

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La Caponata. Il Mezzogiorno Italiano.

Avant toute chose. Sache que ce plat typiquement sicilien – mais très répandu dans le sud de l’Italie – compte pas moins d’une quarantaine de variantes en Sicile elle-même. C’est pourquoi  tu ne t’attireras pas les foudres de la mamma siciliana, ni les miennes, si tu te laisses aller à un peu de créativité. Mais attention, ne prends pas tes aises, ce plat est une éloge au mezzogiorno italien, donc ne va pas me mettre n’importe quoi dedans.

Il faut que la caponata respire les oliviers de la Puglia, il faut qu’elle chante Syracuse, il faut qu’elle murmure les secrets de Stromboli, il faut qu’elle rayonne du soleil de la Calabria.

Je veux voir l’Etna dans ce plat. Pas moins.

Alors ne va pas t’amuser à me mettre du soja ou des cornichons, sinon je te coupe la main.

A la mode de chez nous.

Tu vois, ce genre de plat, dans le sud de l’Italie, ça te réconcilie avec les légumes. Tout simplement. C’est une révélation. Tu penses à tout ce temps perdu avant d’avoir goûté pour de vrai des aubergines, des courgettes, des tomates, des câpres… Quand les Italiens du Nord viennent dans le mezzogiorno, eux-mêmes n’en reviennent pas de ces parfums, de ces saveurs.

La caponata.

Le plat du pauvre ?

Le plat de la mamma, surtout, qui avec un peu de magie, sublimait tout ce qui poussait dans les terres alentours. Et qui, aujourd’hui, avec beaucoup d’amour va choisir ses légumes et menacer du doigt le maraîcher s’il essaye de lui refourguer autre chose que le meilleur de son potager. Une acheteuse impitoyable. Je ne plaisante pas. Si l’aubergine n’est pas au top, le maraîcher va passer un sale quart d’heure. Quiconque a essuyé la colère d’une mamma sait de quoi je parle.

Bien.

CE N’EST PAS UNE RATATOUILLE.
Enfin si. Mais en bien meilleur. D’autres questions ?

Alors pour une caponata chantante il te faut :

Petit a : Du céleri, des aubergines, des courgettes, des oignons, des tomates mures.

Petit b : De l’Huile d’Olive extra-vierge, du vinaigre blanc, des câpres de Lampedusa. Bon, si tu n’as pas des câpres de Lampedusa, ça me rend très triste pour toi, mais tu peux faire avec d’autres câpres.

Petit c : Des olives vertes, des raisins secs, des pignons, des pistaches.

Petit d : Du sel, du poivre, du sucre, du basilic.

Dans un premier temps, tu prends tes aubergines, tes courgettes, ton céleri, des tomates, et tu me coupes tout ça en petits cubes. J’ai vu un chef italien le faire devant mes yeux, alors je te livre quelques-unes de ses techniques :

L’aubergine : Tu la pèles, mais pas complètement. Tu alternes une grosse partie sans peau, une grosse partie avec peau. Elle doit être « rayée ». Pourquoi ? Parce que ça permet de la maintenir, elle ne s’écroulera pas dans ta poêle.

La courgette : Tu ne la pèles pas, mais tu fais en sorte de retirer la partie spongieuse. Le cœur, quoi. Ça permet d’avoir un légume bien croquant à la cuisson.

Le céleri : Tu aplatis la branche avec le plat de ton couteau, pour lui retirer cette forme de « demi-cercle ». C’est plus facile pour couper en petits cubes.

Dans une poêle à feu doux, tout doux, tu fais revenir les oignons blancs coupés en julienne dans de l’huile d’olive – SANS LES COLORER. Juste tu les étouffes un peu. Tu sales, tu poivres, et tu déglaces avec un peu de vinaigre blanc.

Dans une autre poêle à feu moyen, toujours avec de l’huile d’olive, tu fais revenir le céleri, la courgette, la tomate en les gardant croquants. Tu fais sauter tout ça d’un joli coup de poignet – hop hop hop. Heureux comme un Italien qui gagne la Coupe du Monde contre la France et qui chante « Azzurro… Il pomeriggio è troppo azzurro e lungo… per me… »

Caponata 1 – 0 Ratatouille

C’est gratuit. De rien.

Pour les aubergines, tu vas faire un truc un peu fou-fou. Tu vas les frire légèrement. Donc tu les farines et tu les plonges quelques instants dans de l’huile bouillante. Puis tu les essuies un peu pour ôter le trop plein d’huile et tu les ajoutes en fin de cuisson aux autres légumes, avec tes olives dénoyautées et coupées, les raisins secs, et les câpres. Une pincée de sucre pour parachever le chef-d’œuvre, tel Michelangelo donnant son dernier coup de pinceau au plafond de la capella Sistina.

Une fois que tout ça, ça sent bon la terre et les figuiers du mezzogiorno, une fois que c’est coloré, joyeux, et parfumé, tu déposes dans les assiettes et tu parsèmes avec des pignons toastés et des petites pistaches. Tu dégustes ça chaud, froid, en antipasto, en contorno avec une viande ou un poisson, c’est délicieux.

Ça réchauffe le cœur et ça transporte sans escale sous un olivier argenté de la Puglia.

Benvenuti a casa.

A presto !
@flonot