Avant toute chose. Sache que ce plat typiquement sicilien – mais très répandu dans le sud de l’Italie – compte pas moins d’une quarantaine de variantes en Sicile elle-même. C’est pourquoi tu ne t’attireras pas les foudres de la mamma siciliana, ni les miennes, si tu te laisses aller à un peu de créativité. Mais attention, ne prends pas tes aises, ce plat est une éloge au mezzogiorno italien, donc ne va pas me mettre n’importe quoi dedans.
Il faut que la caponata respire les oliviers de la Puglia, il faut qu’elle chante Syracuse, il faut qu’elle murmure les secrets de Stromboli, il faut qu’elle rayonne du soleil de la Calabria.
Je veux voir l’Etna dans ce plat. Pas moins.
Alors ne va pas t’amuser à me mettre du soja ou des cornichons, sinon je te coupe la main.
A la mode de chez nous.
Tu vois, ce genre de plat, dans le sud de l’Italie, ça te réconcilie avec les légumes. Tout simplement. C’est une révélation. Tu penses à tout ce temps perdu avant d’avoir goûté pour de vrai des aubergines, des courgettes, des tomates, des câpres… Quand les Italiens du Nord viennent dans le mezzogiorno, eux-mêmes n’en reviennent pas de ces parfums, de ces saveurs.
La caponata.
Le plat du pauvre ?
Le plat de la mamma, surtout, qui avec un peu de magie, sublimait tout ce qui poussait dans les terres alentours. Et qui, aujourd’hui, avec beaucoup d’amour va choisir ses légumes et menacer du doigt le maraîcher s’il essaye de lui refourguer autre chose que le meilleur de son potager. Une acheteuse impitoyable. Je ne plaisante pas. Si l’aubergine n’est pas au top, le maraîcher va passer un sale quart d’heure. Quiconque a essuyé la colère d’une mamma sait de quoi je parle.
Bien.
CE N’EST PAS UNE RATATOUILLE.
Enfin si. Mais en bien meilleur. D’autres questions ?
Alors pour une caponata chantante il te faut :
Petit a : Du céleri, des aubergines, des courgettes, des oignons, des tomates mures.
Petit b : De l’Huile d’Olive extra-vierge, du vinaigre blanc, des câpres de Lampedusa. Bon, si tu n’as pas des câpres de Lampedusa, ça me rend très triste pour toi, mais tu peux faire avec d’autres câpres.
Petit c : Des olives vertes, des raisins secs, des pignons, des pistaches.
Petit d : Du sel, du poivre, du sucre, du basilic.
Dans un premier temps, tu prends tes aubergines, tes courgettes, ton céleri, des tomates, et tu me coupes tout ça en petits cubes. J’ai vu un chef italien le faire devant mes yeux, alors je te livre quelques-unes de ses techniques :
L’aubergine : Tu la pèles, mais pas complètement. Tu alternes une grosse partie sans peau, une grosse partie avec peau. Elle doit être « rayée ». Pourquoi ? Parce que ça permet de la maintenir, elle ne s’écroulera pas dans ta poêle.
La courgette : Tu ne la pèles pas, mais tu fais en sorte de retirer la partie spongieuse. Le cœur, quoi. Ça permet d’avoir un légume bien croquant à la cuisson.
Le céleri : Tu aplatis la branche avec le plat de ton couteau, pour lui retirer cette forme de « demi-cercle ». C’est plus facile pour couper en petits cubes.
Dans une poêle à feu doux, tout doux, tu fais revenir les oignons blancs coupés en julienne dans de l’huile d’olive – SANS LES COLORER. Juste tu les étouffes un peu. Tu sales, tu poivres, et tu déglaces avec un peu de vinaigre blanc.
Dans une autre poêle à feu moyen, toujours avec de l’huile d’olive, tu fais revenir le céleri, la courgette, la tomate en les gardant croquants. Tu fais sauter tout ça d’un joli coup de poignet – hop hop hop. Heureux comme un Italien qui gagne la Coupe du Monde contre la France et qui chante « Azzurro… Il pomeriggio è troppo azzurro e lungo… per me… »
Caponata 1 – 0 Ratatouille
C’est gratuit. De rien.
Pour les aubergines, tu vas faire un truc un peu fou-fou. Tu vas les frire légèrement. Donc tu les farines et tu les plonges quelques instants dans de l’huile bouillante. Puis tu les essuies un peu pour ôter le trop plein d’huile et tu les ajoutes en fin de cuisson aux autres légumes, avec tes olives dénoyautées et coupées, les raisins secs, et les câpres. Une pincée de sucre pour parachever le chef-d’œuvre, tel Michelangelo donnant son dernier coup de pinceau au plafond de la capella Sistina.
Une fois que tout ça, ça sent bon la terre et les figuiers du mezzogiorno, une fois que c’est coloré, joyeux, et parfumé, tu déposes dans les assiettes et tu parsèmes avec des pignons toastés et des petites pistaches. Tu dégustes ça chaud, froid, en antipasto, en contorno avec une viande ou un poisson, c’est délicieux.
Ça réchauffe le cœur et ça transporte sans escale sous un olivier argenté de la Puglia.
Benvenuti a casa.
A presto !
@flonot