Je voudrais Ragù avec vous*

Tu as saisis toute la beauté du Ragù. Tu sais maintenant que c’est une mini-oeuvre d’art (designed by Michelangelo).

Donc écoute bien ce que Sand te conseille de boire avec et pourquoi.

Tu ne vas pas en croire tes papilles.

@flonot

PS: Tu l’écoutes sur le Pinard, tu l’ignores sur l’Andouillette. Parce que toi et moi on sait que l’Andouillette C’est La Vie.

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lapinardotheque:

* je m’appelle Emilie jolie, je voudrais Ragù avec vous sur l’air de la comédie musicale, donc.

Quand j’étais jeune -et sotte, note que je le suis toujours un peu- rien ne me réjouissait plus que de manger les spaghettis bolo du vendredi soir. Ne me juge pas, je te parle d’un temps que les moins de vingt ans, tu connais la suite, c’est une époque où le seul vin qui avait inondé mon gosier était le Liebfraumilch. Si ce mot ne t’évoque rien, je t’en conjure ne GOOGLE pas. Crois moi, il vaut mieux laisser cette affreuse… chose dans les profondeurs de l’internet et de quelques caves mal famées. Et allemandes. Je ne te dis pas ça pour le simple bonheur de commettre un suicide social, mais aussi pour te prouver qu’on peut très bien partir de très loin (plus loin que ça j’étais sur la grande muraille) et quand même quelques années plus tard devenir une activiste du Bon, du Beau, et de l’Authentique. Hé ouais. Y a de l’espoir pour toi aussi. Je te sens rasséréné là non? Alors let’s go.

Maintenant JE SAIS. Que le liebfraumilch c’est dégueulasse. Et que les spaghettis bolo n’existent PAS. Si tu veux confirmation, demande à Flo. Regarde, elle t’explique tout très bien.

Tu l’as compris, ma mission c’est de t’aider à trouver LE flacon qui va mettre ton Ragù en valeur. Parce que mettons nous d’accord, quand tu as passé un certain nombre d’heures en cuisine, à suer sans et eau (mais pas dans la marmite hein, c’est pas hygiénique) tu ne voudrais pas tout foutre par terre en y accolant un vin qui ne va pas SUBLIMER** ton plat? Hein? HEIN QUE TU VEUX PAS.

Répète après moi: je veux sublimer mon plat.

Voilà. c’est bien, je te sens au taquet là.

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Il Ragù. L’Unico.

Tagliatelle al ragù

Comment te dire.

Je sais que ça va être difficile à entendre. J’ai beaucoup hésité.

Ce n’est peut être pas entièrement de ta faute. Mais il va falloir que je te le dise. Il faudra un peu de temps à t’en remettre. De la force et du courage. Mais tu t’en sortiras parce que je vais t’aider.

Tu sais le plat de pâtes que tu penses être le plat typiquement Italien ? Celui que tous les pseudos-restaurants Italiens te servent en France ? Celui que tu cuisines tout fier, en pensant à tes ancêtres Italiens – on en a tous – qui doivent te couver d’un œil bienveillant ?

Je te vois, là, gonflé d’orgueil quand tu le sers à table en te disant que tu fais honneur à la gastronomie de la Botte. Mais oui, tu sais bien…

… les “Spaghetti Bolognaise”.

Ou pire. Les “Spaghetti Bolo”.

Quand tu cuisines ça, tes ancêtres Italiens te tournent le dos en sanglotant, je te jure.

Je vais donc devoir sévir à nouveau. Mais gentiment cette fois. Je serai douce, c’est promis.

Parce que je me rends bien compte que ce que je vais t’annoncer est une nouvelle aussi retentissante que lorsque tu as appris que le Père-Noel était une invention des capitalistes.

Les “Spaghetti Bolognaise”…

…N’EXISTENT PAS.

Non, non.

Vas-y, je te laisse un peu de temps pour googler les meilleurs sites gastronomiques Italiens, tu ne trouveras aucune trace de tes “Spaghetti Bolo”, fais-moi confiance.

Je sais c’est dur d’être désemparé comme ça. C’est un vrai pilier de ta cuisine qui s’écroule là. Je t’ai déjà dit de balancer par la fenêtre tes lardons en plastique et d’enterrer ta crème fraîche, et maintenant je te dis de ranger tes spaghetti… c’est cruel.

Je te vois penser, un sourcil levé, que pourtant, le Clochard, bah il séduit la Belle grâce à des “spaghetti bolo”.

Oui mais non.

Et dire que tu avais presque compris comment cuire ta pasta al dente

Bon.

Si tu es prêt à entendre la vérité, si tu promets d’être patient et de mettre en œuvre tous les efforts nécessaires, je te garantis que ta vie va changer là-dessus. Tu vas goûter le plat originel, celui qui, de la Sicilia jusqu’au Trentino met tous les Ritals d’accord. Et en plus, je te laisserai être un peu créatif.

C’est pas beau, ça.

Oui parce qu’il y a une origine aux “Spaghetti Bolo” :

Le Ragù alla Bolognese (n’oublie pas l’accent sur le “ù”, hein).

Le rubis Italien. La meilleure manière possible de faire honneur à ce légume (fruit ?) que toute l’Italie vénère : Il Pomodoro (la tomate). Du rubis, je te dis.

Ici aussi je ne m’explique pas comment on est passé de ce plat si savoureux, qui chante l’Italie, a cette sorte de plat de nouilles à la viande hachée et aux tomates pas cuites.

J’ai cessé d’essayer de comprendre, ça me colle la migraine.

Le Ragù alla Bolognese, c’est donc la sauce. Comme son nom l’indique, ça vient de Bologne, en Emilie-Romagne.

Le coeur de la gastronomie Italienne. Et toi, tu vas le faire battre.

Tu ne peux pas la servir avec des spaghetti. Tu ne peux juste pas. C’est interdit. C’est comme ça.

Elle se sert avec des Tagliatelle, des Papardelle, ou des pâtes courtes comme les Mezze-Maniche, les Penne Rigate,… Mes préférées : les Tortiglioni ! Siiiiii… Mammamia que c’est bon !

Attention, on va monter de plusieurs niveaux d’un coup par rapport à la Carbonara.

Il faut des années d’expérience pour réussir parfaitement un Ragù. Il faut de la patience. Mais un jour le Ragù te le rendra au quintuple.

D’ailleurs c’est un des plats que seule la Mamma sait faire mieux que tout le monde. Les Italiens ne plaisantent pas avec le Ragù. Je pense même que c’est le sujet de dispute conjugale le plus répandu en Italie : “Celui de ma mère est meilleur que le tien, Dio Bono !

Bon ils ont tout faux, c’est bien entendu ma mère Giovanna qui fait le meilleur ragù alla bolognese de la Terre. C’est sans aucun doute le plat de pâtes le plus représentatif en Italie. Et tu sais pourquoi ? Parce qu’on le fait tous avec amore. Parce qu’on se sent porté par la grandeur de l’Italie toute entière quand on soulève le couvercle et qu’on voit ce magnifique Sugo rouge-orangé mijoter doucement et calmement. Parce que tout le monde aime. Parce qu’en Italie, toutes les cuisines sentent bon le Ragù.

Et bientôt dans ta propre cuisine. Alors, c’est parti.

Les ingrédients :

Petit a : Des tomates. Celles-ci. Des BELLES tomates. Bien rouges.

Alors, si tu n’as pas une Mamma qui durant l’été en ramène 100kg d’Italie pour ensuite les préparer avec passion et en faire des conserves (et ici, les Franco-Italiens savent de quoi je parle… on s’est tous cassé le bras à mouliner des tomates en Septembre), et bien, tu peux prendre des tomates pelées ENTIÈRES en conserve. Pas n’importe lesquelles. En France, les conserves Mutti peuvent faire l’affaire. Il va falloir les essayer et trouver tes préférées.

Petit b : Du concentré de tomate.

Petit c : De la viande hachée 100% pur boeuf.

Petit d : De la viande de porc. Moi j’aime bien la saucisse, mais il ne faut pas qu’elle soit aromatisée. Nature.

Petit e : Un oignon. UN SEUL.

Petit f : Du céleri. CHUT ! Je ne veux rien entendre, tu notes.

Petit g : Une carotte.

Petit h : Du sel, du poivre, du laurier, de l’Huile d’Olive extra vierge, du vin rouge, du Parmigiano Reggiano

Petit i : La Pasta. Allez, on prend tous son paquet de Tagliatelle Barilla (ou Voiello, pour les faillots) et on y va.

Il te faut minimum 1 heure devant toi. Le Ragù, ça se prépare avec beaucoup de patience, pour que tous les ingrédients puissent s’exprimer dans un concert harmonieux. Ouais, la recette est longue. Mais c’est un marathon de joie.

Seuls les vrais arrivent au bout. Mais après ce que tu as pris avec la Carbonara, je sais maintenant que tu es un vrai, toi.

Carotte, céleri, oignon. Tu coupes tout ça en petits cubes très petits, ça cuit mieux.

Tu prends une casserole et tu fais chauffer l’Huile d’Olive. Quand l’huile est bien chaude, tu mets les légumes et tu fais les fais bien cuire. Avec le laurier. Pour parfumer. A feu moyen.

Bon tu remues hein, on veut pas que ça brûle. Quand tu vois que c’est bien cuit, tu fais saisir la viande et la saucisse (que tu auras émiettée avant).

La viande doit presque devenir croustillante, donc surtout tu fais bien évaporer toute l’eau. SANS FAIRE BRÛLER. Tu remues (avec une cuillère en bois s’il te plait, j’ai la colonne vertébrale qui se raidit quand j’entends crisser ta fourchette contre la casserole, brrr)

Une fois que tout ça, ça sent bon, et qu’il n’y a plus d’eau, tu verses un peu de vin rouge et tu laisses évaporer tout ça joyeusement. Tiens, télécharge Volare de Domenico Modugno, ça fera plaisir à ton Ragù.

Une fois que tu ne voies plus de traces ni d’eau, ni de vin, tu mets une cuillère à café (ou deux, selon) de concentré de tomates. Juste ce qu’il faut pour bien aromatiser la viande et les légumes.

Puis ton pot de tomates (que tu auras bien mixé avant, faut vraiment que je te dise tout ?!).

Pas trop de tomates je t’en prie. Il faut juste COLORER la sauce. Ne pas noyer la pasta. Non. Jamais. Pour aucune raison.

CE N’EST PAS UNE SOUPE ! (Je t’ai pratiqué, BoloTroll, tu le sais.)

Tu laisses mijoter tout ça pendant une quarantaine de minutes… Ca va faire ploc-ploc et si tout va bien, et ta sauce prendra une magnifique couleur rouge-orangé, ni trop liquide, ni trop épaisse.

Tu remues de temps en temps. Tu surveilles. Comme un bébé.

Tu goûtes.

Oui cette fois je te laisse goûter, j’avais dit que je serai douce. Et tu ajustes de sel et de poivre.

Allez, là c’est facile tu connais la suite. Tu prends une grande casserole et tu mets l’eau à bouillir. Tiens, je te donne même les proportions exactes : 1/10/100. 1 litre d’eau pour 10 grammes de sel pour 100 grammes de Pasta. Avec ça si tu te plantes, franchement, laisse tomber, déménage en Italie et viens manger chez moi, ce sera encore plus simple.

Évidemment, cette fois-ci, tu ne t’es pas laissé avoir et tu as du gros sel (eheh).

Évidemment, tu ne mets toujours pas d’huile dans l’eau. Jamais, en fait.

Tu fais tout bien comme on a dit, tu remues tes tagliatelle de temps en temps et tu retires une minute au temps indiqué sur la boite. Si tu vois que ta sauce a trop réduit, ça marche aussi ici, hop ! Une petite lichette d’eau des pâtes dans la sauce.

Je me laisserais presque amadouer en te laissant goûter.

Mais j’ai peur que tu jettes ta tagliatelle contre le carrelage de ta cuisine. Je sais qu’on t’a dit de le faire. Cette personne te voulait du mal, vraiment. A toi, et à moi, et aux Italiens.

Il faut les dorloter tes tagliatelle.

Tu en prends une ou deux, 1m30 avant la fin de la cuisson.

Tu la touches. Elle doit être soyeuse.

Tu souffles doucement. Tu la regardes. Tu vois comme elle brille comme de l’Or ?

Tu la goûtes. C’est tellement bon que tu pourrais les manger comme ça, sans rien. Elle est al dente si elle résiste un peu sous la dent.

Je sais… Il te faut encore quelques essais.

Mais tu es sur la bonne voie, ne te décourage pas.

Tu égouttes tes tagliatelle et tu les remets immédiatement dans la casserole.

Et là, juste pour les colorer, tu prends une louche de sauce et tu la verses dans les pâtes. Tu remues pour que tes tagliatelle s’imprègnent bien.

AVEC UNE PINCE, tu les saisis et tu les déposes dans tes assiettes, et tu rajoutes de la sauce sur chacune d’entre elles.

Et pour terminer le chef d’œuvre, une bonne poignée de parmesan fraîchement râpé, comme ferait la Mamma, avec la main, un petit tourbillon de fromage qui se pose délicatement sur tes tagliatelle.

Je suis douce mais je ne suis jamais bien loin à te menacer de ma fourchette.

Regarde. Ca fond.

Là.

Là, tes ancêtres te regardent avec fierté.

Tu devrais voir le Colosseo dedans. Ou le Duomo de Firenze. Ou les Volcans de Sicile. Ou les ruelles de Parme et de Bologne. Ou les grands lacs Italiens. Ou les falaises du Gargano. Ou les collines Toscanes. Ou…

… Ca y est ! Tu es dans un film de Ettore Scola.

Tu as mis une serviette autour de ton cou, dans ton verre il y a ce bon conseil de Sand, et tu tournes tes tagliatelle le nez dans l’assiette.

Ca fait du bien ?

;-)

Mais de rien !

@flonot