Tiramisù. Tu mi porti sù.

Tiramisu

Les Italiens.

Ils ne peuvent rien faire sans un minimum d’éclat. Je comprends que tu puisses trouver ça fatigant, parfois. Rien en Italie n’est fait pour aller vite. Tout semble être né pour être apprécié. Tout. Un simple caffè. Trancher du prosciutto fraîchement. Regarder avec bienveillance ses farfalle bondir et rebondir dans l’eau.

L’éloge de la lenteur.
Et du chaos aussi – certes. C’est d’ailleurs assez fou, cette manière qu’ils ont eu – et ont toujours – de systématiquement évoluer dans le chaos, dans l’excessivité, dans le vacarme, pour au final s’entourer de choses… toutes plus divines les unes que les autres. Avec génie et talent. Et folie destructrice aussi.

« Si sta bene in Italia. E’ il Bel Paese !« . Voilà. L’amour-haine.

LA PASSION.

Rien ne se fait de manière anodine en Italie, rien. Tout a une histoire. Tout ce qui t’entoure a une anecdote à raconter. La plus petite des églises peut cacher de sombres et tragiques histoires d’amour, la fontaine la plus ordinaire peut révéler à tout instant le récit de rivalités sanglantes entre deux vieilles familles, deux quartiers, deux artistes… Les Italiens aiment te raconter leurs légendes. Ces légendes-là te frôlent lorsque tu te perds dans les rues. Elles vivent là.

C’est précisément ça, qui est magique, en Italie !

Tiens, par exemple. Tu connais le Tiramisù ? Ce dessert célèbre, crémeux, riche, qui réunit deux des produits les plus emblématiques en Italie – mascarpone et caffè. Tu t’es déjà demandé ce que Tiramisù pouvait bien vouloir dire ?

Tira-mi… sù.

Et tu n’oublies pas l’accent sur le « ù ».

Littéralement : « Tire-moi vers le haut« . Quand tu découvres ça tu aurais presque envie de t’envoler et de sautiller de nuage en nuage non ?

OH OUI, EMMENE-MOI DONC LA-HAUT.

ANCORA PIU SU’.

Les histoires et légendes italiennes les plus tenaces, les plus discutées, vivent des relations épistolaires et libertines avec la gastronomie italienne. Alors, quand un dessert comme le Tiramisù devient un drapeau – una bandiera – de la pâtisserie italienne dans le monde, on frise la passe d’armes entre ceux qui se disputent sa paternité.

Aujourd’hui les Italiens ne se sont pas encore complètement décidés sur l’origine du tiramisù.
Si le plus grand nombre semble se mettre d’accord pour dire que c’est un Chef de Trévise qui l’a inventé peu après la deuxième guerre mondiale, ce n’est pas tout à fait l’avis des Siennois.

On raconte à Sienne en Toscane, ville célèbre pour sa tradition pâtissière – et elles sont peu nombreuses en Italie, JE VEUX BIEN L’ADMETTRE – que ce dessert aurait été créé au XVIIe siècle en hommage au Grand Duc de Toscane qui se rendait à Sienne pour la première fois. Évidemment, ce seul évènement méritait à lui tout seul que les pâtissiers siennois décident d’inventer purement et simplement un dolce. Il fallait qu’il ait un gout prononcé, caractérisé, espiègle, comme ce Grand Duc à la personnalité forte, tout en utilisant des ingrédients simples. Et ce Grand Duc, donc, aurait particulièrement apprécié ce dessert pour ses effets… aphrodisiaques… et l’aurait par conséquent baptisé de ce petit nom.

Je te fais un dessin ?

Tiramisù ?

C’est bon tu as compris ?

(C’est vraisemblablement les Trévisiens qui ont raison, mais je trouve l’histoire des Siennois bien plus mutine et malicieuse)

Le tiramisù n’est pas – non, il n’est pas ! – le dessert écœurant que tu vas souvent trouver dans les restaurants italiens en France… et en Italie. Lui aussi est beaucoup trop martyrisé et mérite d’être dorloté. D’ailleurs tu te dois de punir à grand renfort de gifles à l’italienne ceux qui le préparent avec de la… crème anglaise (?!) et/ou qui le noient sous deux tonnes et demie de mauvais cacao en poudre. Pleurs et frissons. Je ne commande jamais un tiramisù au restaurant. La seule fois où c’est arrivé, le serveur est allé chercher la mamma qui était aux fourneaux, elle est venue à ma table, les mains sur les hanches, et me menaçant de me sortir de la trattoria manu militari si je ne daignais pas goûter le sien. J’ai cédé sous la pression et je n’ai pas regretté.

Depuis je soupçonne quand même fortement ceux qui disent ne pas aimer le tiramisù de n’en avoir jamais goûté un vrai.

Un vrai ! Le Casanova des tiramisù. Gentiluomo.

Elégant, raffiné, espiègle et malicieux.

Celui qui n’est pas lourd, pas écœurant, mais qui au contraire est subtil et fondant.

Celui qui rend hommage au mascarpone ET au caffè, qui révèle la douceur et la force de ces délicieux produits qu’il semblerait complètement improbable d’allier dans un même dessert. Celui qui te fait gambader de nuage en nuage. Celui que tu ne peux pas éconduire, séduisant et irrésistible comme Giacomo Casanova.

Alors qu’entre nous, tu viens tout juste de compléter le grand chelem antipasto-primo-secondo et tu jurais une seconde avant que non – non, non et non – tu ne pouvais plus rien avaler, même sous la torture. Combien de fois je t’ai vu le faire…

JE TE CONNAIS.
Tu vas remettre le couvert illico avec Giacomo.

J’aimerais te dire que je sais faire le tiramisù. Mais non. Je ne sais pas le faire aussi bien que les mamme italiane. Alors j’ai proposé à Simona, une jolie maman toscane, de bien vouloir m’aider à répandre la bonne parole, afin que cesse la calomnie honteuse au sujet de ce merveilleux dessert. Simona aussi adore cuisiner et partager, ici. Elle nous livre la recette rigoureusement traditionnelle du gentiluomo tiramisù. Attention, tu vas en prendre soin, parce que c’est une caresse malicieuse – una coccola maliziosa – qui arrive tout droit d’Italie.

Pour un tiramisù version Casanova, il te faut :

Petit a : 200g de mascarpone

Petit b : 2 œufs bien frais

Petit c : 2 cuillères à soupe de sucre

Petit d : des biscuits à la cuiller

Petit e : du cacao

Petit f : du caffè.

Après tout ce que je t’ai expliqué, je te préviens, si tu t’amuses à me balancer du Nespresso dans le tiramisù de Simona, je t’enterre vivant.

Avant toute chose, tu vas faire du sirop de sucre. C’est pour pasteuriser tes œufs, que tu vas utiliser crus. Et tu verras, ce sera même plus léger. Dans une casserole tu mets le sucre avec un peu d’eau et tu portes à ébullition. Tu remues parce que tu ne veux pas que ça accroche au fond, là.

Dans un récipient – de préférence étroit et haut – tu mets les jaunes et la moitié de ton sirop de sucre. Ça va les chauffer sans les cuire. Tu montes tout ça longuement, jusqu’à ce qu’ils deviennent mousseux, c’est ça le secret. N’hésite pas. Il faut qu’ils deviennent blancs. C’est le nuage vaporeux sur lequel tu vas sautiller allègrement. Ensuite tu ajoutes le mascarpone et tu continuer de monter.

Dans un autre récipient tu montes les blancs en neige (avec un petit peu de sel, pour aider) puis tu incorpores le reste de ton sirop de sucre et tu continues de fouetter le mélange.

Une fois que tes blancs sont fermes comme les seins de la Vénus de Botticelli, tu les ajoutes doucement à ton mélange jaune d’œufs + mascarpone. Et tu remues délicatement. Tu écoutes. Et tu caresses. Tu veux que ce soit subtil on a dit !

Pendant ce temps tu as préparé le caffè et la petite mélodie de la Moka se fait entendre.

Tu prends des biscuits et tu les baignes dans le caffè. Tu ne les laisses pas tremper, compris ? Tu les imprègnes légèrement, juste pour leur donner la saveur, le parfum qui donnera son petit caractère à ton tiramisù.

Le caffè dans le tiramisù, c’est l’espièglerie à peine dissimulée de Giacomo Casanova derrière son élégance et son raffinement. C’est l’Italie !

Et ensuite tu vas pouvoir faire un vrai petit chef d’œuvre. Sandro Botticelli, c’est toi. Tu disposes les biscuits entiers dans des verres – sans les écrabouiller pour l’amour du ciel – et tu verses ton nuage par-dessus. Tu fais en sorte en tapotant légèrement le verre sur ta main que la crème de mascarpone coule bien partout. Et tu saupoudres légèrement de cacao… Hop, juste pour colorer.

Et tu laisses reposer au moins 3h au frigo.

Et après… aaah après, c’est Casanova lui-même qui t’offre una coccola… espiègle et malicieuse. Ça glisse et ça fond. C’est frais et ça fait du bien. Ça croustille et ça murmure l’Italie quand tu plonges ta cuillère. C’est doux et c’est fort. Une autre cuillère et tu pourrais presque chanter en italien des poèmes à la gloire de Simona, un genou à terre et vêtu du maillot des Azzurri. Ça bouscule. Je t’avais prévenu que c’était aphrodisiaque. Mais tiens-toi quand même, hein. Les Italiennes, elles ne succombent pas si facilement. Elles ont en vu d’autres… bien d’autres.

« Tiramisù » ça veut aussi dire… « Donne moi de l’énergie« , « Remonte-moi le moral« … Ils sont forts ces Italiens.

Des oeufs, du mascarpone, du caffè. Et un peu de magie.

Et voilà, tu sais maintenant.
Un autre secret à garder entre nous.

La coccola maliziosa che ti porta sù ;)

Un bacione,

@flonot

Quando le cose son diventate normali e le diamo quasi per scontate, non siamo più capaci di guardarle con l’occhio giusto ! Così è successo a me, dopo aver riflettuto sul Tiramisù, uno dei dolci più Italiani in assoluto ! Ringrazio Floriana, per questo scambio di mails e messaggi, per aver avuto voglia di ricercare la ricetta, tradurla per voi, raccontarci qualcosa del nostro Paese tanto colorato quanto confusionario! La cucina è quella parte della cultura che ci lega un po’ tutti, gli ingredienti che finiscono nei nostri piatti hanno fatto il giro del mondo e quello che mangiamo oggi è spesso frutto di una lunga evoluzione ed è buffi vedere come cerchiamo di ricreare i sapori di un altro paese con quello che abbiamo nel nostro ! Questo Tiramisù ne è un esempio ed è il mio saluto a voi « cugini francesi » ! :-)

 

 

Le’ Pan’ de Toni

Panettone

Allez, on oublie tout.

On ne garde que le meilleur. Que le plus simple. Que les bons moments à partager.

L’Italie qui se fait pardonner, qui te fait sourire, qui te cajole et te fait mordre la vie à pleines dents. Celle qui te caresse, te console, celle qui nous rapproche. Elle te ferait oublier tous ses défauts, tiens. Elle calmerait toutes les rages. Parfois je me dis que c’est pour ça, qu’elle tient bon. Tout cet amour, partout, dans tout ce que tu vois, entends, touches, goûtes, c’est de la colle forte, ça se faufile sous ta peau et tu ne peux plus t’en passer. Italia jusque dans la peau.

Je le saluais déjà en souriant, ce vieux « signore » qui boit son caffè ristretto tous les matins dans le même bar que moi, mais en ce moment on se serre la main et on se souhaite de bons « Auguri« .

L’Italie qui rapproche les gens. L’Italie abondante et généreuse, comme son panettone.

Encore une histoire invraisemblable que celle du panettone, encore une histoire qui raconte l’Italie, sa richesse, sa bienveillance, son amour des choses simples. Et pourtant, s’il y a bien une chose impossible à faire chez soi sans devenir complètement fou, c’est le panettone.

De la farine, des oeufs, du lait, du beurre, du sucre, des raisins secs, des fruits confits, de la levure… rien de bien sorcier. Et pourtant si, c’est tout ce qu’il y a de plus sorcier, un panettone. Un panettone traditionnel aurait besoin de 72h et une double lévitation naturelle, sans parler du fait que tu es censé réaliser ton levain de pain toi-meme, sinon c’est le désastre assuré. Aujourd’hui et depuis 2005, la dénomination « panettone » est protégée par une loi italienne qui stipule la liste de ses ingrédients et le procédé rigoureux pour le réaliser.

N’est pas panettone qui veut.

C’est le cadeau par excellence en Italie. On l’offre à ses employés, à ses voisins, à ses professeurs, à son médecin, à ses cousins, on l’apporte à la table de Noël de la mamma ou de la nonna, il trône, toujours, au milieu de tous les autres desserts italiens traditionnels – les abricots secs, le torrone, les dattes, les struffoli, le pandoro,… c’est lui, le roi de Noël en Italie. Dans les rues à partir de la mi-novembre, les Italiens se baladent avec au bout des doigts cette drôle de boite ni carrée ni rectangulaire.

J’aime l’idée du panettone, parce qu’il se partage, parce qu’il est gros, parce qu’il n’est pas prétentieux, parce qu’il est moelleux, parce qu’il se trempe dans le cappuccino ou il se grille légèrement au four, parce qu’il peut se recycler dans un autre dessert, parce qu’il se mange au petit-déjeuner, le jour de Noël, quand le sol est encore jonché de rubans et de papiers-cadeaux déchirés, le sapin qui clignote, tout le monde en pyjama, la Moka triomphante et fumante sur la table, cette atmosphère douce et chaleureuse, celle qui efface toutes les tensions de l’année, celle qui réconcilie les membres de la famille, comme à la fin d’un marathon, quand tu es tellement heureux d’être là que tu débordes d’amour pour tout le monde. Même quand ta nièce de 8 ans te demande de résoudre le casse-tete qu’elle a reçu la veille et que tu galères pour ne pas la décevoir. Et redonne-moi une tranche de panettone.

Tu erres l’après-midi dans la cuisine, il est toujours là.

Et le soir, tu ne veux pas dîner parce que tu n’en peux plus, mais un petit morceau de panettone devant la cheminée, ça ne se refuse pas.

Ce que j’ai toujours trouvé d’extraordinaire avec la gastronomie italienne, c’est qu’elle est née avant l’Italie. Réfléchis. Les Italiens ont d’abord inventé la pasta (12 siècles avant Marco Polo quand même), le tiramisù, le parmigiano reggiano, la mozzarella di bufala, le gelato, la pizza margherita, l’olio d’oliva, etc. et ENSUITE, ils ont créé l’Italie. Comme s’ils avaient attendu patiemment d’avoir une base solide avant de faire leur pays. Puis ces merveilleux produits ont voyagé à travers la botte, et ce sont eux qui ont réellement fait le lien entre les régions en Italie. De la Lombardie jusqu’en Sicile, ce pain riche est sur toutes les tables.

Il est Milanais, et a été vraisemblablement inventé vers la fin du XVème siècle, lors d’un banquet donné par Ludovico Sforza – il Moro – descendant des Visconti. La légende raconte que la veille du banquet, le petit Toni, sous-fifre du chef, avait pour mission de surveiller la cuisson du dessert. Il s’est endormi. Le dessert a brûlé. Panique totale dans la cuisine des Visconti. Toni a pris ce qu’il trainait de levain, de beurre, de sucre, de fruits confits, de raisins secs – et paf ! – il en est sorti ce pain plus riche qu’à l’accoutumée et que les convives ont adoré. Suite à cet « incident », les Visconti-Sforza en ont fait un dessert traditionnel de leurs banquets, et l’ont baptisé « Le’ Pan di Toni » devenu par la suite ce bon « panettone« …

Depuis, et pendant des siècles, les Italiens ne se sont jamais lassés de ce gâteau, dans toutes ses variantes (chocolat, à l’orange, au marsala, au mascarpone, au blé complet,…) et dans toutes ses formes (basso, alto, mini,…). Il était même de coutume de rompre le panettone, d’en distribuer à chaque membre de la famille, et de garder une part pour l’année suivante. Pour la continuité, pour la prospérité. Superstitieux, si peu !

Le panettone est de bonne augure, il porte bonheur, alors ne te prive pas d’Italie, va te chercher un panettone (type Baulì, maison italienne et familiale) et partage-le avec ceux que tu aimes, ceux qui en ont besoin, ceux à qui ça fera plaisir.

Et une fois n’est pas coutume, je m’adresse à toi, lecteur de ce blog, et je t’envoie mes meilleurs « auguri » à toi et tous ceux qui te sont chers, merci d’avoir lu Mangiare Ridere en 2013, merci d’avoir partagé, merci d’avoir commenté, merci de m’avoir fait rire, de m’avoir émue, de m’avoir écrit sur le mail du blog,  merci d’aimer mon Italie autant que je l’aime.

On continue en 2014 avec autant de passion, d’excessivité et un soupçon de mauvaise foi.

Puis finissons l’année avec Adriano :

« Ma questa Italia qua,
Se lo vuole sa,
Che ce la farà…
E il sistema c’è,
Quando pensi a te…
Pensa anche un po’ per me »

Tanti cari auguri a tutti.
@flonot

PS : et 2014, surtout, c’est la coupe du monde, mais vivement – vivement ! – je n’en peux plus d’attendre, FORZA AZZURRI, je vais faire des réserves de panettone pour leur porter chance… :)