Le One-Pot-Pasta n’est pas (du tout) une recette italienne.

Longtemps, j’ai fait semblant d’ignorer le phénomène. Je me suis dit que la mode allait passer et que vous alliez tous progressivement revenir à la raison. Mais il va falloir que je me rende à l’évidence, la tendance du «one-pot-pasta» ne faiblit pas; au contraire, pire, elle s’amplifie! Ce qui m’amène à conclure deux choses: soit vous êtes tous complètement tombés sur la tête, soit on vous drogue. J’espère qu’on vous drogue.

Capture d'écran du site marthastewart.com

Vraiment, j’ai cru à une plaisanterie. J’aurais pu parfaitement continuer à l’ignorer. Puis vous êtes venus la gueule enfarinée m’expliquer que le«one-pot-pasta», des pâtes bazardées dans l’eau froide avec toutes sortes d’autres trucs, cuites sur le feu pendant vingt, trente, quarante-cinq minutes, c’était génial et qu’en plus ça venait des Pouilles…

Des Pouilles.

De la plus belle région d’Italie.

DE CHEZ MOI.

Donc je résume: une Américaine nommée Martha et sortie de nulle part répète à qui veut bien l’entendre qu’elle a fait la découverte du siècle avec le «one-pot-pasta» en s’inspirant des recettes du sud de l’Italie. Et vous, parce que ça vient d’Amérique, parce que ça porte un nom stylish, parce que c’est la nouvelle tendance à New York, paf! vous vous êtes jetés dessus comme la vérole sur le bas clergé et vous avez décrété que c’était une révolution.

Foutre brutalement les pâtes crues avec des ingrédients crus dans de l’eau froide et balancer ça sur le feu pendant vingt minutes, c’est ça votre révolution? Les Français, fins gastronomes, délicats, sophistiqués et chics, se laisseraient dicter la révolution dans l’assiette PAR LES AMÉRICAINS? Et vous avez toujours le droit de vote? Vous me faites peur.

Assurer que le «one-pot-pasta» est une invention extraordinaire et révolutionnaire, c’est comme expliquer à un Italien que, boire du Tang, c’est bien meilleur que boire un jus d’oranges siciliennes pressées à l’instant. Dans le meilleur des cas, tu passes pour un comique; dans le pire, tu finis au fin fond de la Méditerranée accroché à un parpaing.

J’aimerais donc mettre les points sur les i une bonne fois pour toutes: vous pouvez bien tenter d’empoisonner qui vous voulez dans votre cuisine mais laissez l’Italie, les Pouilles, ses étendues d’oliviers argentés, ses champs de blé blonds et dorés, sa mer turquoise, ses poissons, ses trulli, ses fruits de mer et ses falaises blanches, Padre Pio, ses pêches juteuses et ses figues de barbarie en dehors de ce délire général.

Et si seulement cette mode s’était arrêtée aux blogs, mais ils en ont faitdes livres de recettes. Des livres de recettes! Mais vous avez vraiment besoin d’une recette pour faire ce truc? Parce que, «flanquer dans la casserole tout ce qui te passe sous la main», ce n’était pas suffisant comme explication? Il faut un LIVRE DE RECETTES? C’est quoi la prochaine étape? une bande dessinée? une sitcom? la légion d’honneur au «one-pot-pasta»?

Martha est sans doute allée dans les Pouilles, et il est même fort possible qu’elle ait vu des pâtes cuire dans un bouillon avec d’autres ingrédients. Sauf que Martha (le soleil d’Alberobello a du lui taper sur le système) n’a strictement rien compris à ce qu’elle a vu, et vous raconte n’importe quoi depuis des mois désormais. Le «one-pot-pasta» deviendra un exemple d’hérésie collective dans les livres d’histoires, vous verrez. Vos petits-enfants vous jugeront.

Donc je veux bien déchiffrer ce que Martha a vu dans les Pouilles et qui pourrait expliquer cette perversion qu’est le «one-pot-pasta», mais il va falloir promettre de ne plus jamais insinuer que cette horreur vient des Pouilles, sinon je jure que je viendrai vous chercher dans ta cuisine et vous traînerai jusque chez ma mère pour que vous lui demandiez pardon.

Plusieurs possibilités, soit elle a vu une pastina in brodo –soupe de pâtes dans un bouillon–, soit elle a vu une pasta risottata ou semi-risottata –façon risotto–, soit elle a vu une sorte de minestrone, soit elle se drogue –ce qui me semble encore l’option la plus vraisemblable.

Pour la soupe de pâtes, c’est très simple, il faut faire un bouillon avec des légumes, de la viande, ou un fumet de poissons, puis une fois que l’eau bouillonne à grands plocs-plocs, on fait cuire la pastina —petites pâtes— genre langues d’oiseaux, coquillettes, petits papillons. On sert la pastina dans une assiette creuse avec deux louches de bouillon, un petit tourbillon de parmigiano reggiano ou de pecorino, et on déguste la pastina in brodo bien chaude un soir d’hiver. Si vous êtes un peu enrhumé, c’est encore meilleur, ça guérit tout.

Pour la pasta risottata, ça demande un peu plus de concentration. Les pâtes sont effectivement préparées avec les autres ingrédients, ceux que vous voulez, mais sont cuites tel un risotto, quelques minutes seulement, et à l’aide de louches de bouillon ajoutées progressivement jusqu’à obtenir des pâtes al dente. Pas d’eau froide, et surtout pas vingt minutes de cuisson. On peut faire aussi une pasta semi-risottata, en faisant la sauce d’une part, les pâtes dans l’eau bouillante d’autre part, qu’on retire trois-quatre minutes avant le temps indiqué pour finir la cuisson dans la sauce, en y ajoutant petit à petit de l’eau de cuisson des pâtes. C’est ce qu’on appelle la mantecatura, ça donnera un résultat extraordinaire: des pâtes al dente et une sauce bien crémeuse.

Et pour finir, le minestrone, recette sacralisée par Pellegrino Artusi au XIXe siècle dans l’ouvrage de référence de la cuisine italienne La scienza della cucina e l’arte di mangiare bene –un chef-d’œuvre– se réalise grace à un «soffritto» de carottes, céleris et oignons revenus dans de l’huile d’olive et du beurre, puis successivement tous les autres légumes, un par un, lentement et chacun leur tour, jusqu’à les couvrir d’eau et les laisser harmonieusement cuire tous ensemble pendant une bonne trentaine de minutes. Dans les Pouilles, on aime à la fin de la cuisson ajouter dans le minestrone bien chaud des petites pâtes ou du riz, afin d’en faire un plat unique, riche, copieux, nourrissant, et qui calme les faims les plus gargantuesques.

Vous voyez: de l’eau froide nulle part, des pâtes al dente et du bonheur partout.

Non, parce que, les Italiens, ça fait quoi? dix mille ans qu’on explique que les pâtes se cuisent dans l’eau bouillante pour qu’elles soient bien al dente? Parce que c’est plus digeste et moins calorique. Qu’est-ce qu’il faut qu’on fasse pour être pris au sérieux? Il faut qu’on engage Oprah Winfrey? Barack Obama? Vous imaginez Andrea Pirlo manger des pâtes trop cuites, vous?

Vous cuisez trop les pâtes et ensuite vous vous étonnez d’être allergiques au gluten, à l’air, à la joie, à la vie. Si vous avez mal au bide en mangeant des pâtes, ce n’est pas à cause du gluten, c’est parce que vous bouffez vos pâtes trop cuites. Si vous grossissez en mangeant des pâtes, ce n’est pas à cause des pâtes, c’est PARCE QUE VOUS BOUFFEZ VOS PÂTES TROP CUITES.

Que je ne vous y reprenne plus. Je ne plaisante pas avec la food culture.

A presto.
Floriana

Article publié sur Slate.fr

Tu Si’ ‘Na Cosa Grande.

 Oliviers

Ici, les mots sont cabossés et torturés comme les chemins sinueux qui s’enfoncent dans la foret du Gargano.

Ici, les corps sont tordus et pliés comme les oliviers centenaires qui se penchent sur toi pour veiller sur ta sieste.

Ici, les peaux sont lustrées et polies par le soleil comme les rochers sur lesquels il mare Adriatico vient se briser dans une écume tumultueuse, épaisse et moelleuse.

Ici, la vie se lamente et se savoure à l’instant. Comme la « provolina » qu’on est allé chercher tout en haut de la montagne et qu’on a croqué comme une pomme.

Ici, c’est le Gargano.

Quand tu viens ici, tu ne veux plus aller ailleurs. C’est comme s’il te possédait soudain, et rendait insipide et incolore et insignifiant le reste du monde. Il Gargano. Tout juste si l’Italie se sauve et trouve grâce à tes yeux. De San Giovanni Rotondo a Rodi Garganico, de Peschici à Vieste, de Vieste à Matinatella, des villes soignées et des paysages sauvages à couper le souffle. Une faune et une flore reconnues comme étant les plus variées et les plus riches en Europe, avec la Sicile. Cette terre et cette mer qui ont tant donné et donnent tant, pour les yeux, pour le nez, pour les papilles.

Moi qui pensais le connaitre, moi qui pensais que le Gargano n’avait plus aucun secret à me révéler, qui pensais que mes origines m’avaient déjà tout transmis, et qui en réalité ne connais rien de lui.

Redevenir infiniment petite devant l’infinie beauté. La beauté corpulente des lieux, la beauté mélancolique de la population, la beauté stupéfiante de ce qui t’arrive dans l’assiette, quoiqu’il arrive dans l’assiette. Des tomates comme des rubis, des olives comme des émeraudes et du pain bon comme un lit douillet. Et directement dans la bicoque de Giovanni sur la plage pour quelques piécettes. La quintessence de la simplicité, tout le Gargano là, le sel de la mer, le saut depuis le rocher dans l’eau turquoise, le soleil de plomb sur la piazzetta, les gesticulations et les décibels abrutissants, l’origan qui a séché des heures durant sur les terrasses, l’accent radieux et intact de ceux qui n’ont jamais quitté cette terre, l’accent bizarre de ceux qui en revanche, sont partis, et qui désormais cherchent, confus, leurs mots pour s’exprimer. Tout est là.

Les heures, les heures qui s’étirent longuement jusqu’à n’en plus finir, les journées qui commencent si tot pour éviter la chaleur et finissent si tard autour d’un repas fumant. Pas besoin de se forcer à déconnecter, le monde extérieur devient dérisoire quand on est ici, in Puglia.

Une bouffée d’oxygène et d’huile d’olive qui te ressort par tous les pores, une piscine de mozzarelle telles des pépites, ce poulpe longtemps battu contre le rocher pour qu’il soit bien tendre une fois arrivé dans la past’pu’polp’. Une envie de tout plaquer, courir se faire enseigner par le Mastro Ricottaio le procédé antique pour produire de la ricotta di bufala, et de s’en aller au milieu des bufflonnes se faire oublier par le monde entier, tout en saluant de loin les imposteurs, les manipulateurs et les fossoyeurs de bon gout et de simplicité.

L’authenticité silencieuse, telle un monument, qui est là, invulnérable, intouchable, grandiose, sacro-saint et surtout rassurant. Tout ici transpire le vrai, l’origine et la terre.

Tu arrives et tu te dépouilles de ta carapace, tu embrasses la nature et le naturel, tu es beau et tu es belle comme ça, sans rien, juste parce que tu as mangé une olive ce midi comme si c’était la première que tu mangeais de ta vie et que tu as vu Pino et sa brouette de tomates à l’abri de son camion de melons jaunes. Et lui aussi il est beau.

Tu ferais confiance au premier venu parce que tous ici, du plus jeune au plus ancien, tous, strictement tous, connaissent le véritable gout des choses. Il gusto. Il sapore. La cosa grande. L’authentique, l’originel, sans artifices, sans sophistication, simplement il sapore. Celui qui te fait exploser les papilles et le coeur. Tout rigoureusement tout. Du pain, jusqu’aux crustacés, du caciocavallo jusqu’aux peches, des tomates evidemment jusqu’à la salsiccia, du poulpe jusqu’à l’huile d’olive, tout est simplement meilleur.

La variété et la richesse – Tu si’ ‘na cosa grande – la Puglia est grande parce qu’elle est riche, riche de ses paysages incroyables, de ses forets denses et impénétrables et de ses etendues arides ou seuls les cactus semblent pouvoir survivre, de ces falaises blanches comme la craie qui tombent dans la mer, la mer bleue, bleue, encore bleue, de tous les bleus, j’ai gardé les yeux grands ouverts tout le temps, pour capter un maximum de bleu, ce bleu, cet infini bleu, qui me remplissait d’une béatitude complète. Cette mer bleu royal en offrande pour une terre quasi-oubliée des grands de ce monde. Et aujourd’hui je ferme les yeux et je vois ce bleu incroyable, riche, abondant et profond.

Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau, d’aussi complètement beau, d’aussi authentiquement beau, et d’aussi infiniment beau dans les moindres détails. Il parait que ce sont les détails qui font la différence. Alors ce sont peut-etre ces pierres noires comme un volcan qui pavent les rues antiques des villes. Ce sont peut-etre ces façades blanches et fissurées mais pas forcément immaculées. Ou alors ces assiettes écorchées dans lesquelles un serveur en tongs me sert des seiches et du poulpe pechés le matin meme et grillés bruyamment par son pote Antonio derrière la cabane. Ou bien cette veuve en noir qui remonte lentement les rues, rompue par le soleil lourd, avec son petit sacs de courses, un peu de mozzarella fondante, un peu de prosciutto, un po’ di pesce, la pasta, et peut-etre se fera-t-elle simplement due spaghi al pomodoro ce midi, vue qu’elle est toute seule, ses enfants sont partis vivre dans le Nord. Mais ça pourrait etre aussi ce vieux monsieur, surement un ouvrier, qui enfile en soupirant son beau marcel blanc et bien repassé, des chaussures qu’il a cirées lui-meme, et qui passe chez le barbier Girolamo histoire d’etre présentable pour aller à la messe de 18h et prier Padre Pio. Ou ces bottes d’origan qui sèchent au-dessus des bouteilles de limoncello, de nocino, et de cherry, tutto fatto in casa. Tout. Tout est beau.

Inexplicablement beau.

Chaotiquement beau.

Ne viens pas ici si tu ne peux pas abandonner tout ce que tu connais et recommencer à nouveau. Ne viens pas ici si tu ne peux pas saisir cette main invisible qu’il te tend et qui va te faire virevolter de baie en baie, de Vignanotica à Baia delle Zagare, de Vieste a Peschici.

Depuis 30 ans la colère d’en etre séparée laisse comme une plaie béante en moi, qui guérit chaque fois que  je m’y rends à nouveau.

Il Gargano.

« Tu si’ ‘na cosa grande pe’ mme
‘na cosa ca me fa nnammura' »

Pour ceux qui savent.

Vignanotica

 Baci,
@flonot

 

 

 

Lettre ouverte à Bill.

pizza margherita

Bill, mon grand Bill,

Mais qu’est-ce qu’il t’a pris ? Toi l’Américain d’origine italienne fraîchement nommé maire de la prestigieuse New York, l’orgueil du pays, celui grâce à qui les Italiens ont gonflé le torse et levé la tête pendant quelques jours ? Le « sogno americano » en chair et en os, c’est toi ! Tu viens de chez nous !

(Aussi ridicule que ça puisse paraître, les Italiens ont oublié que tu n’étais pas né en Italie, que tu étais issu de l’immigration, que c’est ton grand-père qui est né à Benevento.)

Alors j’essaye de te trouver des circonstances atténuantes : c’était peut-être une étourderie, un moment d’égarement, mais tu as voulu préciser :

« In my ancestral homeland it is more typical to eat with a fork and knife. »

Pardon ? Sorry ? Pronto ?

Tu as bien dit, là : « Dans la patrie de mes ancêtres, la coutume veut qu’on mange avec une fourchette et un couteau » ?

Bill, Mamma mia ! Range ta fourchette, assieds-toi, il faut qu’on parle, sinon tu vas finir dans un mortier en marbre à la place du basilic.

Pour lire la suite rendez-vous ici :)

 

@flonot

 

Le’ Pan’ de Toni

Panettone

Allez, on oublie tout.

On ne garde que le meilleur. Que le plus simple. Que les bons moments à partager.

L’Italie qui se fait pardonner, qui te fait sourire, qui te cajole et te fait mordre la vie à pleines dents. Celle qui te caresse, te console, celle qui nous rapproche. Elle te ferait oublier tous ses défauts, tiens. Elle calmerait toutes les rages. Parfois je me dis que c’est pour ça, qu’elle tient bon. Tout cet amour, partout, dans tout ce que tu vois, entends, touches, goûtes, c’est de la colle forte, ça se faufile sous ta peau et tu ne peux plus t’en passer. Italia jusque dans la peau.

Je le saluais déjà en souriant, ce vieux « signore » qui boit son caffè ristretto tous les matins dans le même bar que moi, mais en ce moment on se serre la main et on se souhaite de bons « Auguri« .

L’Italie qui rapproche les gens. L’Italie abondante et généreuse, comme son panettone.

Encore une histoire invraisemblable que celle du panettone, encore une histoire qui raconte l’Italie, sa richesse, sa bienveillance, son amour des choses simples. Et pourtant, s’il y a bien une chose impossible à faire chez soi sans devenir complètement fou, c’est le panettone.

De la farine, des oeufs, du lait, du beurre, du sucre, des raisins secs, des fruits confits, de la levure… rien de bien sorcier. Et pourtant si, c’est tout ce qu’il y a de plus sorcier, un panettone. Un panettone traditionnel aurait besoin de 72h et une double lévitation naturelle, sans parler du fait que tu es censé réaliser ton levain de pain toi-meme, sinon c’est le désastre assuré. Aujourd’hui et depuis 2005, la dénomination « panettone » est protégée par une loi italienne qui stipule la liste de ses ingrédients et le procédé rigoureux pour le réaliser.

N’est pas panettone qui veut.

C’est le cadeau par excellence en Italie. On l’offre à ses employés, à ses voisins, à ses professeurs, à son médecin, à ses cousins, on l’apporte à la table de Noël de la mamma ou de la nonna, il trône, toujours, au milieu de tous les autres desserts italiens traditionnels – les abricots secs, le torrone, les dattes, les struffoli, le pandoro,… c’est lui, le roi de Noël en Italie. Dans les rues à partir de la mi-novembre, les Italiens se baladent avec au bout des doigts cette drôle de boite ni carrée ni rectangulaire.

J’aime l’idée du panettone, parce qu’il se partage, parce qu’il est gros, parce qu’il n’est pas prétentieux, parce qu’il est moelleux, parce qu’il se trempe dans le cappuccino ou il se grille légèrement au four, parce qu’il peut se recycler dans un autre dessert, parce qu’il se mange au petit-déjeuner, le jour de Noël, quand le sol est encore jonché de rubans et de papiers-cadeaux déchirés, le sapin qui clignote, tout le monde en pyjama, la Moka triomphante et fumante sur la table, cette atmosphère douce et chaleureuse, celle qui efface toutes les tensions de l’année, celle qui réconcilie les membres de la famille, comme à la fin d’un marathon, quand tu es tellement heureux d’être là que tu débordes d’amour pour tout le monde. Même quand ta nièce de 8 ans te demande de résoudre le casse-tete qu’elle a reçu la veille et que tu galères pour ne pas la décevoir. Et redonne-moi une tranche de panettone.

Tu erres l’après-midi dans la cuisine, il est toujours là.

Et le soir, tu ne veux pas dîner parce que tu n’en peux plus, mais un petit morceau de panettone devant la cheminée, ça ne se refuse pas.

Ce que j’ai toujours trouvé d’extraordinaire avec la gastronomie italienne, c’est qu’elle est née avant l’Italie. Réfléchis. Les Italiens ont d’abord inventé la pasta (12 siècles avant Marco Polo quand même), le tiramisù, le parmigiano reggiano, la mozzarella di bufala, le gelato, la pizza margherita, l’olio d’oliva, etc. et ENSUITE, ils ont créé l’Italie. Comme s’ils avaient attendu patiemment d’avoir une base solide avant de faire leur pays. Puis ces merveilleux produits ont voyagé à travers la botte, et ce sont eux qui ont réellement fait le lien entre les régions en Italie. De la Lombardie jusqu’en Sicile, ce pain riche est sur toutes les tables.

Il est Milanais, et a été vraisemblablement inventé vers la fin du XVème siècle, lors d’un banquet donné par Ludovico Sforza – il Moro – descendant des Visconti. La légende raconte que la veille du banquet, le petit Toni, sous-fifre du chef, avait pour mission de surveiller la cuisson du dessert. Il s’est endormi. Le dessert a brûlé. Panique totale dans la cuisine des Visconti. Toni a pris ce qu’il trainait de levain, de beurre, de sucre, de fruits confits, de raisins secs – et paf ! – il en est sorti ce pain plus riche qu’à l’accoutumée et que les convives ont adoré. Suite à cet « incident », les Visconti-Sforza en ont fait un dessert traditionnel de leurs banquets, et l’ont baptisé « Le’ Pan di Toni » devenu par la suite ce bon « panettone« …

Depuis, et pendant des siècles, les Italiens ne se sont jamais lassés de ce gâteau, dans toutes ses variantes (chocolat, à l’orange, au marsala, au mascarpone, au blé complet,…) et dans toutes ses formes (basso, alto, mini,…). Il était même de coutume de rompre le panettone, d’en distribuer à chaque membre de la famille, et de garder une part pour l’année suivante. Pour la continuité, pour la prospérité. Superstitieux, si peu !

Le panettone est de bonne augure, il porte bonheur, alors ne te prive pas d’Italie, va te chercher un panettone (type Baulì, maison italienne et familiale) et partage-le avec ceux que tu aimes, ceux qui en ont besoin, ceux à qui ça fera plaisir.

Et une fois n’est pas coutume, je m’adresse à toi, lecteur de ce blog, et je t’envoie mes meilleurs « auguri » à toi et tous ceux qui te sont chers, merci d’avoir lu Mangiare Ridere en 2013, merci d’avoir partagé, merci d’avoir commenté, merci de m’avoir fait rire, de m’avoir émue, de m’avoir écrit sur le mail du blog,  merci d’aimer mon Italie autant que je l’aime.

On continue en 2014 avec autant de passion, d’excessivité et un soupçon de mauvaise foi.

Puis finissons l’année avec Adriano :

« Ma questa Italia qua,
Se lo vuole sa,
Che ce la farà…
E il sistema c’è,
Quando pensi a te…
Pensa anche un po’ per me »

Tanti cari auguri a tutti.
@flonot

PS : et 2014, surtout, c’est la coupe du monde, mais vivement – vivement ! – je n’en peux plus d’attendre, FORZA AZZURRI, je vais faire des réserves de panettone pour leur porter chance… :)

Parmigiano Per Tutti !

Parmigiano Reggiano D.O.P.

 

En toute objectivité, c’est le roi des fromages.

Je n’ai pas l’intention de tergiverser pendant des plombes. Il n’y a pas de matchs possible. C’est le marbre des dieux. Il est à nos papilles gustatives, ce que Elvis est au rock, ce que la Joconde est au Louvre, ce que le champagne est à la France, ce que l’Italie est à l’univers, ce que le soleil est à l’été français.

Surprenant mais jamais irritant, magnifique mais jamais envahissant. Simple mais jamais lassant. Et surtout quand il manque, nos vies sont froides, ternes, insipides et sans intérêt.

Et en plus il est beau, ce héros de la cuisine. Le gendre idéal.

Qui a fait connaître Parme et l’Emilie-Romagne dans le monde entier.

Un chef d’oeuvre tous les jours depuis neuf siècles.

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Pasta Caput Mundi

Une nouvelle page est née chez mangiareridere.com et c’est une carte collaborative qui est dédiée au #CarbonaraClub !

Tu la trouves dans le menu tout en haut de cette page d’accueil.

J’attends tes adresses.

Un bacione.
@flonot

Gelato. Sei nell’Anima.

Il y a de ces choses que tu ne trouveras jamais ailleurs. Tu auras beau y mettre toute la bonne volonté de ce monde, respecter les règles de l’art, suivre pas à pas les instructions et y mettre du cœur, tu ne retrouveras jamais la même sensation. J’estime que c’est une bonne chose, par ailleurs, que la magie d’un instant soit liée à un endroit et pas un autre. C’est pour que son souvenir vive en toi comme une petite bulle, que tu y repenses avec émotion, et que l’envie de le revivre te ramène sur tes pas, là où tu y as gouté la première fois. Comme un pèlerinage.

Il gelato.

Il gelato all’italiana.

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Le Bordel de la Puttanesca.

Ah, les élections italiennes. Une sorte de gigantesque Commedia dell’Arte mais en version série Z, sans rires ni art, juste avec les mauvais acteurs, la mauvaise intrigue, et le mauvais dénouement. Un exercice démocratique au sujet duquel les Italiens se déchirent pendant des semaines, sans jamais débattre ni avancer une quelconque nouvelle idée ou solution. Ce sera à qui insultera l’autre le plus fort.

Ces insultes permanentes par médias interposés, cette démagogie et ce populisme oppressants, ce foutage de gueule quasi-impuni, tous les jours, partout. L’Italie qui d’ordinaire cultive si bien le bon goût, l’élégance, le raffinement, la culture, tous les jours, dans les moindres recoins de ses villes, villages, collines, montagnes et littoraux, qui aime s’extasier des choses les plus simples, une olive, une tomate, le soleil, une boule de pain, se métamorphose.

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Les Lasagnes. FAI DA TE.

Je constate que l’Europe, les Anglais, les médias, les pseudos-fabricants de plats italiens 100% made in Italia avec des vraies vaches grattant leurs mandolines en chantant O Sole Mio mais qui n’ont jamais vu un cm2 d’herbe italienne et la terre entière se sont donc ligués pour ce vaste complot visant à l’anéantissement du patrimoine gastronomique italien.

Désolée, mais ce coup-là, je le prends encore personnellement. Voilà, paf, des Roumains ont mis des restes de chutes de canassons dans une lasagne 100% bœuf, et ça y est, c’est de nouveau le visage de l’Italie qui est piétiné et traîné dans la boue.

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Mozzarella. La Principessa.

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« Quand tu viendras à Milan, je t’emmènerai au Mozzarella Bar, tu verras c’est merveilleux ! »

Je me souviens encore ce que m’a répondu mon amie française.
Une très bonne amie en plus, que je connais depuis longtemps, et jamais en reste pour ce qui est de bien manger. Le genre d’amie qui te fait plaisir quand tu vas au restaurant, qui, comme toi, s’extasie d’un rien, a envie de goûter dans les assiettes de tout le monde, et surtout tient à découvrir les us et coutumes locaux en termes de gastronomie. D’autant plus qu’elle me fait confiance et me laisse choisir pour elle les yeux fermés tout ce qu’elle doit goûter sur la carte italienne. Autant te dire qu’elle, l’Italie, et moi, ce sont chaque fois de grands moments de bonheur gustatif que nous vivons. L’organisation de nos weekends commence toujours par « Bon, qu’est-ce qu’on mange, là-bas ?« .

Vraiment, une bonne amie.

« Comment ça un « mozzarella » bar, mais un bar à mozzarella, y’en a plusieurs de mozzarella ? Mais pourquoi faire, ça n’a pas de goût la mozza ! »

Je ne sais pas si tu te rends bien compte, mais ça m’a tellement scié les jambes que j’ai failli pleurer.

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Tutta l’Italia Che Ho.

« Floriana, tu es française ou italienne ? »

Une fois par jour au moins, c’est la posologie. C’est vrai, après tout, je suis née en France, j’ai un prénom on ne peut plus italien, je vis en Italie, j’ai un caractère un peu méditerranéen. Un peu.

« Je suis franco-italienne. Enfin je suis née en France. Donc techniquement je suis française sur le papier. Et dans le cœur aussi évidemment. Mais je suis d’origine Italienne. Enfin je suis la 1ère génération de français dans ma famille. Donc j’ai l’Italie dans le cœur et les veines. Bref je suis franco-italienne. »

Que celui qui n’a jamais souhaité cultiver sa différence me jette la première pizza.

Et là, la question impossible à esquiver. Je ne peux pas la contourner, les gens le sentent.

« Mais tu te sens plus italienne ou française ? Non, mais je veux dire… Par exemple, tu supportes qui si y’a Italie-France ? »

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Moka. Buongiorno Italia.

Shkrshhskrhhkrrffff

La symphonie de la moka. Un petit opéra le matin, Giuseppe Verdi dans ta tasse, la petite fumée qui embaume la cuisine, et les notes qui coulent dans la tazzina.

Ou après le déjeuner, quand repus après un grand chelem à l’italienne, tu vois arriver la majestueuse moka, celle qui a vu naître tout le monde dans la famille, de tes grands-parents jusqu’au petit dernier. Elle est là.

Triomphante mais discrète.

Elle a le succès humble cette moka, comme l’Italie.

L’odeur entêtante, comme une mélodie dont tu n’arrives pas à te passer. Obsédante. Sa silhouette trapue en fer, élégante, cette cafetière si italienne, tellement italienne. Ce petit monument dans toutes, toutes les maisons italiennes, en Italie et à l’étranger.

L’aria di casa. Lire la suite

Pasta Diva. Hai Del Sole Il Bel Calore.

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Il est fascinant ce coffre aux trésors, maintenant qu’on a trouvé la clef, toi et moi.

Et comme tous les trésors, on va le chérir, le défendre, l’aimer, lui pardonner quand il nous déçoit – si, ça peut arriver – l’encenser, et le célébrer en prenant exemple sur ces Italiens qui s’y emploient tous les jours, du nord au sud.

Où que tu ailles en Italie, les mammas – mais les italiens en général aussi – mettent le même amour, la même passion, la même rigueur à cuire la pasta et préparer des repas… dantesques. Pour eux, c’est un cadeau, une preuve d’affection, un réconfort pour la famiglia. Comme partout dans le monde probablement, quand il s’agit de cuisiner (sauf peut-être aux Pays-Bas, là-bas ils doivent prouver leur affection autrement que par la cuisine, mais passons). Mais ce que j’ai toujours trouvé fabuleux en Italie, que tu te trouves à Trento ou à Reggio di Calabria, que tu te balades à Torino ou à Lecce, que tous ces Italiens, qu’ils soient pauvres, riches, cultivés ou non, connus ou pas,  portent tous le même respect profond et éternel à la pasta.

Absolument tous.

Chacun d’entre eux.

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La Pasta. La Caccia al Tesoro.

Je réalise que je fais tout à l’envers. Je dois probablement penser que la situation n’est pas si désespérée que ça, et qu’au fond tu n’es pas une cause perdue. Parce qu’il y a certaines choses que – tout de même – je n’imaginais pas devoir expliquer, tant elles tombent sous le sens.

J’ai commencé à m’énerver – un peu, si peu – contre toi parce que tu faisais n’importe quoi avec la Carbonara alors qu’en fait, la situation est bien pire. BIEN BIEN PIRE. Un peu comme quand tu commences à gratter la croûte d’un gâteau brûlé pour essayer de récupérer la situation mais en réalité c’est irrécupérable. Tu le sais mais tu insistes, tu persistes, tu gardes toujours un peu espoir.
Je gratte, je gratouille, et là je découvre avec stupeur mais surtout avec effroi, que les pâtes, ben pour toi, c’est « toutes les mêmes ».

Longues, courtes, lisses, rayées, farcies, aux œufs, au blé dur,… toutes les mêmes ?

TOUTES LES MÊMES ?

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La Pizza Margherita. Buona. Bella. Dolce. Vera.

Laisse-moi te présenter Margherita.

Elle te dit quelque chose, non ? Tu as l’impression de l’avoir déjà croisée, comme une sensation de « déjà-vu ».

Mouais.

Sauf que toi, celle que tu connais, c’est « Margarita ». Elle doit être sympa, Margarita – je ne dis pas, je ne la connais pas – mais pour te tromper et t’amadouer, elle se fait passer pour une belle Italienne et ça m’agace.

Sournoise. Sordide. Fausse.

Laisse-moi te dire qu’elle n’a STRICTEMENT RIEN d’une Italienne. Elle n’en a ni la classe, ni la douceur, ni la saveur, ni l’odeur.

Elle n’en a pas L’HISTOIRE.

Et pourtant toi – PAF ! – tu te fais avoir à chaque fois. Elle te fait les yeux doux, et tu fonces. A chaque fois. Et au lieu d’effeuiller et de croquer dans Monica Bellucci, tu te retrouves face à Rossy de Palma. J’ai envie de te dire, tant pis pour toi, hein.

Margherita, c’est une reine. C’est même la première reine d’Italie. L’Italie unifiée. Du nord au sud. Tu comprends ce que ça représente ? Tu comprends que Margarita, avec tout le respect que je lui dois – c’est-à-dire aucun – ne mérite que mon plus sombre mépris ?

Margherita, elle emballait les foules. Elle était charismatique. Elle se baladait dans toute l’Italie, allait à la rencontre du peuple et avait à cœur de montrer à quel point chacun de ses habitants faisait partie d’un seul et même pays : l’Italie.

L’Italia. Buona. Bella. Dolce. Vera.

Elle était très populaire, Margherita. Un jour, en juin 1889, elle s’est rendue à Napoli. Événement. Toute la cité in fibrillazione. Tu les imagines, les Napolitains, accueillant la toute première reine d’Italie ? Ils ont dû sortir leurs plus beaux atours. Mettre les plus belles nappes. Gesticuler dans tous les sens pendant des jours. Sortir la mandoline et composer des poésies d’amour à la gloire de la regina. Ils ont dû en faire DES TONNES, ces excessifs. Ils ont dû en parler des jours durant, avant. Et des jours durant, après.

Et puis il y a Raffaele. Raffaele Esposito. Dans sa petite boulangerie napolitaine. Qui se demande comment il allait bien pouvoir exprimer sa gratitude à la reine qui leur rendait visite pour la première fois. Comment il pourrait montrer toute la fierté qui était sienne d’être Italien dans une Italie tout juste unifiée. Et comment il aurait aussi, avec orgueil et pour la reine, rendu sa belle Napoli connue dans le monde entier.

DANS LE MONDE ENTIER.

On devrait tous avoir une petite icône de Raffaele dans nos portefeuilles. En mémoire. Pour le remercier.

Il n’avait pas grand-chose à disposition Raffaele. Il n’était pas très riche. Mais il avait envie de faire partie de la fête, à sa manière. Alors avec beaucoup d’amour et un peu de magie, Raffaele, il a pris une boule de son plus beau pain. Il l’a étalée devant lui et a composé son poème dédié à l’Italie.

Tomates. Mozzarella. Basilic.

La drapeau italien. Les tomates les plus juteuses de sa Campania. Sa mozzarella di bufala qu’il allait choisir lui-même là-haut dans la montagne. Son basilic le plus précieux, le plus chatoyant. Rien n’était trop beau pour l’Italie et pour Margherita.

Il a surveillé son œuvre dans le four à bois, fait dorer et l’a déposée dans sa vitrine, en nettoyant bien tout autour, pour que ce soit beau.

Et quand Margherita s’est arrêtée devant ce merveilleux éloge à l’Italie unifiée, elle en a saisi un morceau avec les doigts. Tu le vois, Raffaele, les bras sur les hanches, tout écarlate de fierté ? Même la regina Margherita mangeait sa pizza napoletana avec les mains !

Cette pizza, c’était son cadeau pour Margherita, pour Napoli, pour l’Italia.

La pizza margherita était née. Et elle allait devenir le symbole le plus triomphal de l’Italie dans le monde. Une explosion de simplicité.

Bien chaude, bien croustillante, coulante de ces tomates si savoureuses qu’on en redécouvre le goût à chaque fois. Filante de sa mozzarella di bufala. Embaumant le basilic. Quelques bijoux pour la première reine d’Italie.

Alors écoute-moi bien attentivement.

Tu vas cesser de souiller et travestir la margherita. Tu vas fracasser la tête du restaurateur qui veut te servir une « margarita ». Personnellement, la seule Margarita que je connais, elle est sucrée, dans mon verre, et elle me fait danser debout sur la table malgré moi.

Tu vas te souvenir de l’histoire de Raffaele Esposito, dans sa petite boulangerie napolitaine. Et tu vas, toi aussi, refuser la fatalité et redonner à Margherita et Raffaele tout le respect et l’estime qu’ils méritent.

Tu ne pourras plus te tromper à l’avenir. Tu ne DOIS plus te tromper à l’avenir. Tu n’as PLUS LE DROIT, parce que c’est l’histoire de l’Italie tout entière qui est entrée un peu dans ton cœur et qui est dorénavant entre tes mains.

Alors, souviens-toi.

Margherita.

Buona. Bella. Dolce. Vera.

Comme l’Italie.

Grazie Raffaele. Grazie di cuore.

@flonot

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