La Pizza. Semplicemente Pizza.

Tu vas oublier tout ce que tu sais sur la pizza. Tout.

La pizza c’est le symbole absolu de la culture populaire Italienne dans le monde entier.

DANS LE MONDE ENTIER.

Plus que tout, la Pizza, c’est un triomphe Italien.
C’est un feu d’artifice de simplicité – la semplicità -, assortie d’une grande exigence – l’esigenza.

Tout ce qui fait l’Italie. Tout. Je pèse mes mots. Rien ne rend plus heureux qu’une véritable pizza napoletana. Rien n’est plus convivial. Rien ne respire autant cette Italie qui chante.

Rien ne réunit autant la famiglia qu’une belle pizza qui donne le sourire.

Aaah. La pizza. Depuis que je vis en Italie, je pourrais en manger tous les soirs si je m’écoutais.

Depuis que je vis en Italie.

Oui parce qu’avant de vivre en Italie je n’acceptais de manger que la pizza de ma mère. La mamma. Certains ont eu la chance d’y goûter. Depuis je les soupçonne d’être amis avec moi juste pour ne pas perdre le privilège de venir manger la pizza de ma mère. A la fois, je les comprends.

Des années que j’essaye de faire la même. Des années.
Des fois à côté d’elle, avec la même farine, le même sel, la même levure, la même eau, le même four.

Mais ce n’est pas la même.

Des années et des années que ces mains pétrissent la pâte, d’une manière inconsciente, mécanique, automatique, avec douceur, énergie, fermeté. Amour. Sans y penser. Les mêmes gestes. Sans regarder. Ces mains touchent la pâte et savent. Immédiatement. Et moi je les observe attentivement, les mains de ma mère, je note même dans quel sens elles pétrissent la pâte, pour ensuite reproduire à l’identique et je me demande comment c’est possible.

COMMENT C’EST POSSIBLE QUE MA PIZZA NE SOIT JAMAIS AUSSI PARFAITE.

Simple et parfaite. Comme celle de ma mère.

Croustillante et moelleuse. Aérienne mais ferme. Et si savoureuse. On pourrait juste manger la pâte comme ça.

C’est d’ailleurs ce que tu vas faire. Toi et moi on va revenir aux fondamentaux. Parce que tu as exagéré avec la pizza, je le sais, je t’ai vu. Pour je ne sais quelle mauvaise raison tu crois que plus on met de garniture sur la pizza, plus elle est bonne.

Que plus tu vas noyer la pâte sous une montagne de tomates, poivrons, oignons, jambon, anchois, ketchup, fromage, foie gras, olives, ananas, frites, steak hachés, merguez, crevettes, béchamel,… et plus tu vas te régaler.

Laisse-moi te dire que tu es un criminel de la pizza. Et que je t’aurai. Je vous aurai tous, les uns après les autres.

Donc tu vas revenir aux fondamentaux. Apprécier la pizza pour ce qu’elle est. Le plat des pauvres. Un plat de pauvres, avec un peu de magie dessus. Parce que les Italiens tu vois, ils sont heureux avec un rien. Une pizza blanche avec un peu de romarin et d’huile d’olive, et ils t’en font tout un poème. C’est ça que j’aime chez les Italiens, toute cette fantaisie qu’ils mettent dans les choses les plus simples. Et la pizza, à l’origine, est un plat fait avec trois fois rien – de la farine, de la levure, de l’eau. Et quand on a pas d’argent mais qu’on aime manger, on essaye d’ajouter ce petit truc qui fait la différence pour redorer tout ça : huile d’olive et romarin.

Voilà. Je te la présente : la pizza bianca.

La mère de toutes les pizzas.

Et oui. Blanche. Pas de tomates, pas de mozzarella, rien. Pratiquement, rien.

Le jour où tu goûteras la vraie pizza bianca tu comprendras toutes ces pizzas gâchées. Tu t’en voudras je le sais, je n’aurai même pas besoin de forcer pour te convaincre. Tu goûteras, j’attendrai, et tu sauras. Tu lèveras les yeux et PEUT-ÊTRE MÊME BIEN QUE TU PLEURERAS.

La pizza bianca.

La base, c’est la pâte. C’est elle qui donne tout ce goût, les ingrédients que tu ajoutes pour la garnir, ce sont juste des bijoux. Pour décorer, sublimer ce goût. Mais au fond, la pâte, c’est le corps de Monica Bellucci. Ou de Andrea Pirlo. Le reste c’est de l’artifice. Certes, succulent, mais entre toi et moi, Andrea Pirlo et Monica Bellucci, on sait qu’on aimerait bien avoir juste l’essentiel.

L’ESSENTIEL.

Tu comprends ?

Alors allons-y.
Mais attention, il faut de la patience, de l’entraînement, et de la dextérité. Plus tu feras la pizza, et plus elle sera bonne, parce que tu trouveras les gestes – tes gestes – grâce auxquels ça marchera à tous les coups. La mienne, je la perfectionne à chaque fois. Je suis assez fière de celle de la photo. Je savais qu’elle était réussie, là, en la voyant onduler pour venir accueillir l’huile d’olive en son sein.

Allora… andiamo ?

Pour une pizza bianca version Monica Bellucci, il te faut :

Petit a : De la farine de blé dur. 250-300g.

Petit b : De la levure de boulanger. En cube. Fraîche. 1/3 de ton cube doit suffire.

Petit c : Du sel, du poivre.

Petit d : De l’eau tiède.

Je vais te livrer tout ce que je sais sur la pizza. Tout. Prends en soin. Mi raccomando.

Donc, dans un saladier tu vas verser l’intégralité de ta farine. Tu fais un petit puits. Attention, tu ne pétris pas la pâte à deux mains, tu choisis une main, l’autre elle te sert pour tenir le saladier et prendre les ingrédients. Je sais déjà que tu n’écouteras pas ce conseil et que tu ne pourras pas t’empêcher d’utiliser tes deux mains. Et je rigolerai bien quand je te verrai galérer les mains pleines de pâte et de farine pour attraper ton saladier.

Dans le puits, tu émiettes la levure. Tu ne mets surtout pas le sel dessus. Ne me demande pas pourquoi on fait comme ça, on m’a toujours dit de faire comme ça, des fois les secrets ça ne s’explique pas. Ce sel, tu vas le mettre directement dans l’eau tiède et tu vas bien mélanger pour qu’il fonde. Ne me demande pas les quantités. Il faut que ton eau soit salée. Comme la mer qui longe la Costa Amalfitana.

Tu verses un tout petit peu d’eau dans ce puits et tu mélanges avec la levure, mais pas encore avec la farine. Quand ta levure a fondu, tu commences doucement à intégrer la farine, de l’intérieur vers l’extérieur. Tu rajoutes de l’eau AU FUR ET A MESURE. Au début, ta pâte doit être presque liquide, n’y intègre pas trop de farine sinon tu ne t’en sortiras jamais. Donc au fur et à mesure l’eau.

Ah oui ce n’est pas facile, jamais dit que c’était facile. Petit à petit. Dis-toi qu’en procédant par petites étapes, surtout au début, tu prends moins de risques. Tu peux encore te rattraper si besoin.

Une fois que la farine, la levure, l’eau ne font plus qu’un, tu commences à pétrir. Énergiquement. Plus tu vas la pétrir, et plus ta pâte sera bonne. Pendant AU MOINS 15 minutes.

Tu la bats, tu la frappes, tu la retournes, tu ne la lâches pas, tu continues, tu la prends par en-dessous, au-dessus, tu la fais tournoyer dans le saladier, puis tu recommences. Fermement. Il faut que tes gestes soient répétitifs. Tu rajoutes un peu de farine de temps en temps pour t’aider si elle attache trop, mais n’exagère pas trop sur la farine, sinon tu vas le regretter.

Je le sais, je me fais avoir – presque – à chaque fois. Je te laisse faire cette erreur, comme ça tu comprendras.

Une fois que tu sens que ta pâte est ferme mais souple, elle ne colle presque plus, et quand tu cesses de la pétrir elle prend doucement la forme de ton saladier, c’est bon. Bonne chance.

C’est infernal, crois-moi. Beaucoup de sueur, et de muscles dans le bras. La mamma Italienne, elle a élevé des farandoles d’enfants à bout de bras. Ça forge. Mais ne te décourage pas.

Tu jettes un petit tourbillon de farine et tu la laisses se reposer. Après tout ce que tu lui as mis, elle mérite bien un peu de repos. Un lent repos. Au moins 1h et jusqu’à ce qu’elle ait doublé de volume. Tu la bordes, tu la recouvres d’un torchon et tu la laisses, tu sors doucement sur la pointe des pieds et tu éteins la lumière. Ou tu peux rester à coté et lui chanter des chansons d’Adriano Celentano.

Tu la berces.

Puis tu la prendras délicatement et tu la déposeras dans un écrin. Cet écrin tu l’auras badigeonné d’huile. Tu verras comme elle va être croustillante. Et doucement, avec tes 10 doigts, tu vas l’étaler. Si tu l’as réussie, elle est un peu élastique, elle revient se recroqueviller sur elle-même. Elle s’étale mais ne se déchire pas. Des années d’expérience je te dis. Doucement, tu la masses en l’étalant. C’est le moment de la dorloter. Une fois étalée dans son écrin, tu la recouvres de nouveau et tu la laisses reposer.

Oui. Monica Bellucci, son secret de beauté, c’est le repos. Je le sais.

Tu verras, elle va prendre ses aises. Quand tu auras le dos tourné, elle va s’étaler de tout son long et prendre toute la place dans son écrin. Un peu comme en hiver quand tu t’enroules dans ta couette. Et une fois qu’elle sera bien belle là, dans son écrin, tu peux lui offrir ses petits bijoux. Un filet d’huile d’olive, un peu de sel, un peu de poivre, quelques branches de romarin.

A-t-elle besoin de plus ? Franchement ? Est-ce que Monica Bellucci a besoin de plus qu’un discret bijou dans le creux de son cou pour être sublime ? Est-ce qu’Andrea Pirlo a besoin de mettre une énorme frappe dans la lucarne contre Joe Hart pour être classe ? Non, il met une Panenka, Monsieur Andrea Pirlo, il met une Panenka tout en douceur qui scotche tout le monde. Et qui fait hurler de plaisir toute l’Italie. VOILA.

Tu la mets dans le four une petite demie-heure et tu surveilles. Quand elle est dorée dessus-dessous elle est prête.

Tu vois, la pizza, c’est ça.

Che bella cosa è na jurnata ’e sole,
n’aria serena doppo na tempesta!
Pe’ ll’aria fresca para già na festa…
Che bella cosa na jurnata ’e sole.

Quand je mange une pizza, j’entends cette chanson. O Sole Mio. Un soleil dans ton assiette. Il réchauffe. Le corps et le cœur. Je vois les petits vieux qui jouent aux cartes à l’ombre dans les rues pavées des villages du Sud de l’Italie. Sous ce soleil torride. Je vois des bruyantes tablées d’amis, les uns sur les autres, et la fumée des pizzas qui trouble leurs rires. Les parts de pizza qui vont d’assiette en assiette, parce que le bonheur ça se partage. Je vois le pizzaiolo, celui en marcel blanc, qui fait tournoyer la pâte. Il est recouvert de farine, mais c’est un virtuose. Je vois une famille, tendue, qui regarde un match de notre Nazionale. Qui crie, qui jure, qui pleure.

Alors, prends-en soin. C’est notre bonheur, à nous les Italiens. Et les Franco-Italiens. Et les Français amoureux de l’Italie.

Et tu sais ce qui est magnifique ? On ne regrette jamais une vraie Pizza.

On en redemande.

Ancora… Ancoraaa !

@flonot

PS : Et regarde ça. Lève le son. C’est trop bon.

[youtube=http://youtu.be/khHvMdzsW2c]

38 responses to “La Pizza. Semplicemente Pizza.

  1. George Kaplan

    Brava, brava ! Maitenant, j’attends avec impatience l’histoire de la margherita. Avec du basilic, bien évidemment :-p

  2. Le sel, en contact direct avec la levure freine la montée de la pâte. Chimie. Comme le sucre, dans une moindre mesure :)

    • Vincent

      En fait, le sel va ralentir l’activité fermentaire de la levure(en absorbant l’eau de la levure, donc si tu mets le sel avec la levure, c’est simple, ta levure meurt) et le sucre au contraire accèlère la fermentation (en gros c’est la nourriture de la levure). Dans les deux cas, mieux vaut éviter de mettre ces ingrédients au même moment dans le pétrissage si on veut que le pâte développe bien. Parole de boulanger…

  3. Merci…merci de m’avoir réveillée en ce dimanche matin avec des mots qui me font penser à ma Nonna. Et merci pour l’envie que tu nous donnes de cuisiner.

  4. François

    Je ne comprends pas, plus je lis ce blog, plus j’aime l’Italie…même l’impression d’avoir une (jolie) italienne prête à m’arracher un oeil à chaque fois que je fais des pâtes ne m’est pas désagréable…

    A quand le billet sur le gelato?

  5. Il existe de nombreuses excellentes gelaterie… il suffit de savoir les reconnaître ! Mais je vois que vous vous débrouillez parfaitement ;)

  6. Oh la la….quel magnifique article éducatif et appétissant a la fois! Wow…
    Merci!

  7. Génial ! On essaye la bianca bientôt !

  8. Oh mon dieu, c’est tellement beau que j’ai envie de pleurer ! Merci !!!!!

  9. valerie

    Bonjour

    je viens de tester et je pense m’être trompée dans la temperature du four… a combien faut il le mettre s’il te plait ? bravo pour ton site !

  10. Agnès M.

    La Pizza Bianca …. à toutes les saisons, entre amis, en amoureux, pour une bonne occasion, pour remonter le morale. Bref TA pizza bianca, c’est une tuerie en toute simplicité. Depuis que tu me l’as fait découvrir, quand je la sors du four, tous les visages rayonnent et les pupilles se mettent au taquet! La pizza bianca di Floriana, est une des rares recettes qui se transmet de génération en génération.

  11. Kochise

    Pour le sel sur la levure, la raison, c’est que la levure meure sous l’asseau du sel, donc elle ne peut plus se diviser et produire ce petit gaz qui fait monter la pâte.

  12. Et bien voilà, le style c’est tout. En cuisine ? oui aussi, mais surtout en écriture, et ces textes ont un style, une vie une âme qui fait qu’on ne lit pas tout à fait une recette, mais on lit plus que ça, l’Italie tout simplement.
    C’est un peu Boccace au pays des normands ce blog, et c’est juste du bonheur. L’Italia sara sempre l’Italia ? Sûrement tant qu’il existera des textes comme ça pour nous la faire vivre.

  13. henrythe8

    Je fais un ptit cours vite fait, mais ça a été dit par Kochise.
    La levure de boulanger – ou levure de bière que l’on appelle pour faire les malins en société « Saccharomyces cerevisiae » est un champignon unicellulaire. Son rôle dans la panification (qui est le même pour la Pizzification :-) ) est – en l’absence d’oxygène comme c’est le cas dans la pâte – de se nourrir de l’amidon de la farine et donc de dégager de l’éthanol (oui, de l’alcool ! ) et du Gaz Carbonique. Ça s’appelle la fermentation.
    Voila ce qui explique l’odeur caractéristique de la pâte levée (éthanol) et du pourquoi elle lève (Gaz Carbonique).
    C’est la raison pour laquelle on utilise de la levure de boulanger et non pas de la levure chimique qui n’est qu’une vulgaire réaction chimique qui dégage du CO2. Et pas d’éthanol. Et pas d’arôme. Pas de vie.

    Comme notre pâte à pain très française, la pâte à pizza est le fruit de la rencontre de l’eau, du blé et de la levure. Un peu de sel. Une allégorie de la vie dans nos plats de base. De la magie simple et toujours renouvelée.

    Bon par contre quand j’en fais à la maison, je verse la petite cuillère d’huile d’olive dans la pâte, c’est pas parceque c’est simple qu’on a pas le droit de faire son « Monsieur Plus ». :-)

  14. Rétrolien : Salé | Pearltrees

  15. Mag à l'eau

    Pour la pâte, je croyais que le secret était de lui chanter une « nanni nanna » :-)

  16. Sam

    Bonjour Floriana,

    Super ton blog, j’adore les gens si passionnés par la cuisine !

    voici une superbe adresse pour apprendre a faire les pizzas comme un vrai pizzaiolo !

    http://forum.hardware.fr/hfr/Discussions/Cuisine/unique-pizza-maison-sujet_28563_1.htm

    Bonne continuation,

    Sam

  17. Robin

    J’adore ce blog! J’adore tous ses petits vices (orgueil et exagération en tête) parfaitement assumés. Mais là, je viens de tomber sur un paragraphe qui contient les mots pizza, Andrea Pirlo, Monica Bellucci.Et je suis obligé de m’incliner… Je n’aurais jamais pensé qu’il était possible de réunir trois choses aussi merveilleuses (pour des raisons différentes, qu’on soit bien d’accord!) dans un intervalle de mots aussi court. Mes hommages, Madame.

  18. Lo Woodsky

    Fabuleux blog!!!! Merci, merci pour ce petit bout d’Italie tout en soleil et sourire! Juste une petite question: quelle quantité d’eau faut-il ajouter?

  19. Rétrolien : Pizze | Pearltrees

  20. Rétrolien : Pizzas | Pearltrees

  21. corrieri

    bravo viva l italia e la pizza

  22. Rétrolien : PIZZAS | Pearltrees

  23. bernard

    bonjour,
    pourtant j’ai toujours entendu dire que les meilleures pizzeria
    etaient celles qui avaient le four le plus chaud possible…

    merci pour ce blog…aimons l’italia elle le merite…

  24. Pizza mi amore !!!!!!!!!!!!!!!!

  25. Rétrolien : Pain, pizza, fougasse | Pearltrees

Répondre à François Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>