Un Panino. Due Panini.

Je ne t’en veux pas si tu dis « un panini », je ne t’en veux pas parce que le mot a été francisé. Comme beaucoup de mots français ont été italianisés. Donc je ne t’en veux pas.

Mais sache que ça me pique autant les yeux et les oreilles que si tu entendais un Italien dire « Les hôpitals. » Et que ça m’énerve. Mais passons.

Pourquoi je te dis ça ? Pourquoi je tiens autant à expliquer d’où vient notre gastronomie italienne ? Pourquoi suis-je si attachée à la justesse des appellations et au respect de « la règle de l’art » ? Je me suis posée la question, plusieurs fois, c’est vrai. Après tout, l’important c’est que ce soit bon, non ? Le reste on s’en fiche ?

Il y a quelques soirs, je discutais avec un professeur de l’Università degli Studi di Scienze Gastronomiche – oui, ça existe, (ah la la ces Italiens…). Rien que ça. Et j’ai compris pourquoi je prenais tant de plaisir à partager ces histoires autour de la gastronomie italienne, et plus généralement autour de l’Italie. Et pourquoi je le faisais avec tant de… ferveur – parlons de ferveur.

« On naît grâce a un acte de plaisir – le sexe. Et on grandit, on vit, tous les jours grâce à un acte de plaisir – manger. »

La gastronomie, la cuisine, cache donc cette chose formidable qui est la recherche du plaisir. Plaisir décuplé grâce au savoir. Et c’est vrai, je prends énormément plus de plaisir quand j’entame un repas dont je connais l’histoire. Quand cette table me raconte quelque chose. Quand les cinq sens sont éveillés. Ces histoires qu’on raconte ensuite, qu’on partage, parce qu’on aime bien voir pétiller les yeux. On aime bien confier des secrets. C’est bon de se sentir appartenir à quelque chose.

Rien n’empêche la créativité ensuite.

Mais le savoir. Pour comprendre d’où on vient. C’est essentiel.

Même si c’est juste un panino.

Un panino donc (singulier), et non pas un panini (pluriel).
Je vais te le dire tout de suite, comme ça, plus ça va vite, moins c’est douloureux.

Le « panini » qu’on te vend en France – soit-disant typiquement italien… il n’existe pas.

C’est une invention – encore une fois – de petits fourbes qui se servent de l’Italie pour te vendre du rêve à prix d’or. Pourquoi c’est une invention ? Parce qu’un panino, c’est tout simplement… un sandwich. N’importe lequel. Un hamburger ? C’est un panino. Une baguette jambon-beurre ? C’est un panino aussi. C’est le sandwich que ta mère te faisait quand tu partais toute la journée en balade avec l’école. C’est n’importe quoi entre deux tranches de pain, quel que soit ce pain et quelle que soit la garniture.

Tu comprends où je veux en venir ? Quand je vois en France des boulangeries ou des soit-disant bars-branchouilles qui te vendent un « panini » à 8 euros, avec du pain fade, de la mozzarella en plastique et parfois tartiné de… pesto (?!), le tout forcément toasté, je m’étrangle. Je m’étrangle parce qu’en Italie, n’importe qui te fait un panino pour trois fois rien.

Et quand je dis n’importe qui. C’est vraiment n’importe qui.

Un bar, une boulangerie, une pizzeria, un supermarché, une épicerie.

Un restaurant.

N’importe qui.

Les Italiens aiment les panini, tous, ils adorent. Moi aussi. Tu sais pourquoi ? Parce qu’encore une fois, c’est simple et c’est bon. Et c’est pas cher.

Déjà, il en existe des milliers de sortes différentes. En Emilie-Romagne, il faut absolument que tu goûtes la piadina romagnola qui est une sorte de pizza avec très peu de levain, donc très fine, qu’on farcit avec ce qu’on veut, et qu’on roule ou qu’on plie en deux. [Note d’un lecteur, Christophe : « La grande différence avec la pâte à pizza est qu’on ajoute de l’huile d’olive à la préparation- mais l’authentique est faite avec du Saindoux, lo strutto – pour lui conférer cette texture si particulière.« ]

Et – puisque je sais que maintenant, tu sais – tu peux la faire chez toi, en variante de la pizza bianca. J’en mangerais tous les jours (le premier qui me dit que ça ressemble à une tortilla je lui arrache un ongle).

Et devine quoi. Si tu es dans une pizzeria, ils te font la piadina sur le moment. Hop, en 10 minutes à peine, elle sort du four, Mario la place sur la trancheuse à jambon, et il dépose la dentelle de prosciutto à peine tranchée dessus. De la dentelle. Qui fond.

Et tu peux même être créatif, oui. Choisis de la focaccia pour ton panino. Tranchée dans l’épaisseur, farcie avec de la mortadella très fine. Ou de la porchetta. Ou de la spalla cotta. Ou du speck. Avec un peu de pecorino stagionato. Et tartiné avec de la tapenade d’olives. Quand je me balade en Italie avec les amis, on arrête les gens pour leur demander :

« Envoie-nous là où on mange le meilleur panino de la ville. »

… avec le regard entendu qui va bien. Vraiment, fais-le. Tu vas découvrir des endroits incroyables. On va couper les tomates bien rouges sous tes yeux. Fraîches.

Sans parler de la fameuse « paninoteca » – là où tu ne mangeras, comme son nom l’indique, que des panini.

Tu vas faire un autre truc quand tu te baladeras en Italie aussi. Tu ne vas pas choisir dans la carte. Tu vas – assieds-toi – dire au serveur exactement ce que tu veux dedans. Inventer ton panino. C’est très courant en Italie, il suffit de savoir que c’est une pratique normale. Et tu vas t’inspirer des spécialités régionales. Choisir la charcuterie et le fromage du coin.

Ou demander qu’on te fasse un panino « Made in [insérer le nom du serveur] ».

Les Italiens adorent qu’on leur demande leur avis. Surtout quand il s’agit de bien manger, et de s’imprégner de la culture locale. L’autre chose qui indique à quel point le « panini » français est un crime sans nom ? Arrête-toi sur n’importe laquelle des autoroutes italiennes. Quand les Italiens partent en voyage, ils sont contents de faire une pause pour manger sur les aires d’autoroutes. Parce qu’on y mange des EXCELLENTS panini. Le « Bufalino » (prosciutto crudo, rucola, mozzarella di bufala) ou le « Rustichella » (prosciutto cotto, mozzarella, pomodoro) des AutoGrills italiens sont connus et reconnus de tous. On s’arrête EXPRÈS pour les manger.

Je – m’arrête exprès pour les manger.

Je – ne fais pas ça en France. Ou dans n’importe quel autre pays où j’ai été. Entendons-nous. A moins que j’aie envie d’expier une faute.

Alors écoute-bien, la prochaine fois que tu seras en Italie, souviens-toi, fais comme les italiens. Le midi, tu vas manger un panino. Et pour ne pas te planter, tu vas t’arrêter dans ce bar là, qui ne paye pas de mine, mais qui tranche la charcuterie sur le moment – autrement dit, à peu près tous les bars. Je vais même plus loin, tu peux entrer dans un mini supermarché, une épicerie, aller jusqu’au rayon charcuterie, et demander au type qui est là, de te faire un panino. Je ne plaisante pas. Tu choisis ton fromage qu’il va couper sur le moment, ton jambon qu’il tranchera frais, et ton pain. Et en avant.

C’est d’ailleurs ce que tu vas ABSOLUMENT faire si tu te rends dans une ville extrêmement touristique – type Venise. Surtout Venise.

Un peu comme un Subway.

Les excellents produits en plus.

Les escrocs en moins.

Bon, pas un Subway, donc.

L’Enfer pour moi serait donc cet endroit HORRIBLE où on mange des sandwichs Subway et on boit des café Nespresso.

LA PUNITION.

Une contrefaçon du Paradis où tout serait beau, bon, simple, et accessible à tous.

L’ITALIE.

Et tiens, cadeau, il panino [Made in Floriana] : piadina / pomodorino fresco / rucola / mozzarella di bufala / prosciutto crudo.

Un bacione !

@flonot