Mangiare Ridere On Tour – Il Tartufo Bianco!

C’est le diamant du Piémont et il vaut bien la peine de parcourir plusieurs centaines de kilomètres à la fin de l’automne afin de le déguster et de s’émerveiller de toutes les facettes. La truffe blanche – son nom originel est le Tuber Magnatum – est la plus précieuse, la plus prestigieuse et la plus délicate des truffes. Son parfum est envoûtant et entêtant, sans jamais être envahissant, tout en étant d’une finesse virevoltante.

Une pure merveille née du hasard de la nature.

Elle change en or tous les plats les plus simples imaginés : de l’oeuf au plat aux pâtes au beurre, du gratin de légumes au fromage fondu, elle se dépose telle quelle, un pétale, soigneusement, délicatement, juste avant d’être dégustée, ses saveurs sont subtiles et éphèmères.

Il Tartufo Bianco est un produit d’excellence du Piémont, on le trouve notamment dans la province d’Alba et en général dans le sud du Piémont, à Monferrato par exemple, d’où viennent les truffes que nous avons goûtées au restaurant Del Casot dans la vidéo. Je me rends tous les ans dans ce petit restaurant qui ne présente que quelques tables, mais dont j’aime la générosité, la simplicité, la gentillesse, et l’authenticité. Sans parler des plats qui, bien qu’ils soient très simples, sont parfaitement exécutés et avec des ingrédients d’excellente qualité. Tout ce que j’aime de l’Italie !

On trouve aussi la truffe blanche ailleurs en Italie, notamment dans toute l’Italie septentrionale, les Appenins entre l’Emilie-Romagne, la Toscane, l’Ombrie, et les Marche qui accueille chaque année à Acqualagna la foire aux truffes blanches la plus importante d’Italie après celle d’Alba.

Et je m’amuse à penser que la truffe blanche a choisi de se répandre dans la région en Italie où on trouve certains des produits les plus prestigieux de la Botte : le Piémont ! Une région souvent sous-estimée des touristes – à commencer par les touristes italiens – qui pourtant regorge de merveilles gastronomiques toutes plus belles les unes que les autres. Par quoi commencer ? La Fassona, qui est notre « wagyu » italien ? Le vin avec le magnifique Barbaresco ou le seigneur Barolo ? Le fromage ?

Battuta di Fassona al tartufo bianco

Battuta di Fassona al tartufo bianco

On associe la truffe blanche à la viande (en tartare ou en filet), aux légumes, au fromage, mais surtout aux tagliolini (pates aux oeufs) et aux oeufs en général (au plat, poché, etc). Il existe un lien mystérieux entre la truffe blanche et les oeufs qui est tout à fait incroyable, une alchimie évidente, un écrin parfait pour la truffe blanche, comme si on les avait séparés à la naissance et qu’ils se retrouvaient enfin sur le bout de ta langue. Le feu d’artifice qui fait monter les larmes et frissonner dans le dos.

Ivan, le chef de ce petit restaurant, un type très sérieux mais très sympathique, prends la tache comme une affaire personnelle : il est chargé d’exalter la truffe blanche, ce diamant qu’il ne faut pas abimer – je lui ai bien suggéré de tenter un one-pot-pasta-truffle mais ça ne l’a pas fait rire du tout. Chez le propriétaire vous êtes accueillis comme si vous faisiez partis de la famille, les truffes blanches sont exposées fièrement dans un petit torchon bien propre qu’il garde jalousement. Il les pèse devant nous et nous raconte la vie du truffolau. Il se plaint de l’été qui a beaucoup trop duré et n’a pas laissé place au froid, à la pluie, et à l’humidité nécessaires au développement de la truffe. Puis Ivan nous raconte comment se préparent les tagliolini al tartufo bianco, un jeu d’enfant !

Des tagliolini faits maison et richissimes en oeufs (40 oeufs pour 1kg de farine !), beaucoup de beurre, des tagliolini cuits al dente, et de l’eau de cuisson pour mantecare, comme un risotto, pour obtenir cette « cremina » qui sera un écrin douillet parfait pour accueillir la truffe blanche. Puis le propriétaire, armé de sa rape à truffe, qui fait tomber des pétales généreux et nombreux – nombreux ! – sur les tagliolini, et qui embaume immédiatement tout le restaurant, le patelin, la province, le pays, l’univers. Il ne manque que la caméra de Fellini pour immortaliser tout ça (j’ai fait ce que j’ai pu).

Tagliolini al Tartufo Bianco

Tagliolini al Tartufo Bianco

 

L’addition : Il faut compter une bonne trentaine d’euros chaque plat auquel on ajoute une cascade de truffe blanche.

Alors voilà, laisse tomber l’huile aromatisée à la truffe ou autre fromage d’escamotage pour combler le manque. Viens dans le Piémont voir ça de tes propres yeux et goûter ça de tes propres papilles, tu vas en pleurer de joie, fidati!

A presto!
Floriana

Mangiare Ridere On Tour – La Zucca Mantovana!

Cette fois-ci je vous emmène à Mantova, en Lombardie, en plein coeur de la « Food Valley », ce territoire qui s’étend de la Lombardie à l’Emilie-Romagne et où se concentrent un nombre incroyable de spécialités emblématiques qui naissent toutes grace à l’excellence du territoire et du savoir-faire, de l’expertise, de l’amour et de la passion de ses habitants.

La zucca mantovana est un produit typique parmi tant d’autres dans la région, qui a été introduit aux alentours du XVIe siècle dans le Nord de l’Italie et qui a été adopté par toute la population, de la seigneurie qui régnait sur Mantova à l’époque – la famiglia Gonzaga – aux paysans qui en ont fait le plat traditionnel du jour de la Toussaint. Depuis ce bassin est devenu le territoire d’excellence de la production des courges, et il a conservé la production de la variété la plus authentique : la zucca « cappello del prete » qui est celle que les Mantovani utilisent pour farcir leurs tortelli.

Ce plat est une explosion de simplicité et de saveurs, une harmonie parfaite entre la douceur de la zucca, l’amertume des amaretti et le piquant de la mostarda di mele cotogne qui en font un met tout simplement extraordinaire. Tout y est : la ferveur, la tradition intacte, l’amour des choses bien faites. Mais on y devine aussi toute la modernité insolente d’un plat de ce genre au XVIe, une assiette d’une délicatesse infinie servie en lieu et place des gibiers saignants et gras et rocambolesques.

Chez Nizzoli vous etes accueillis comme si le Chef vous connaissait personnellement. A l’entrée des photos célébrant ses 50 ans de mariage et intitulées : « Nos 50 premières années ». Lui, arrivant avec sa couronne en forme de courge et clamant fort qu’il a été élu « Imperatore della Zucca » enorgueilli d’une fierté qu’il ne cherche meme pas à dissimuler. A peine assis on vous apporte un antipastino, de la zucca fritta avec un morceau de Grana Padano et du Vino Cotto coulant et qu’on ne peut s’empecher de saucer avec le fromage. Le ton est donné.

Zucca Fritta

Zucca Fritta, Grana Padano e Vino Cotto

Suivent les tortelli di zucca, qui, dans la tradition mantovana ont la forme de gros bonbons, et qui sont bons jusqu’à s’en émouvoir en applaudissant. Ils sont servis avec du beurre fondu et beaucoup de Grana Padano. Nizzoli, lui, ajoute, quelques grains de pancetta qui donnent la touche finale pour passer de la merveille au chef d’oeuvre.

Tortelli di Zucca Mantovana

Tortelli di Zucca Mantovana 

Pour finir, une portion généreuse de zampone et de mostarda di mele cotogne, pour rester dans la tradition, puis un petit verre de nocino pour trinquer à la santé de Nizzoli, qu’on a envie d’embrasser et de ne plus quitter.

Zampone e Mostarda di Mele Cotogne

Zampone e Mostarda di Mele Cotogne

Il conto qui ne gache rien : 36 euros par personne.

Je pense que Nizzoli vaut à lui seul un week-end prolongé ou des vacances en Lombardie, vous ressortirez un peu déboussolés, désorientés. Sans doute parce que la magie, infaillible, aura opéré, et vous serez devenus encore un peu plus italiens.

A presto,
Floriana

Pasta Caput Mundi

Une nouvelle page est née chez mangiareridere.com et c’est une carte collaborative qui est dédiée au #CarbonaraClub !

Tu la trouves dans le menu tout en haut de cette page d’accueil.

J’attends tes adresses.

Un bacione.
@flonot

Mangiare Ridere on Tour – Il Lampredotto a Firenze!

Quand on me demande ce que j’aime le plus au sujet de l’Italie, la première chose qui me vient à l’esprit c’est : partager.

Partager tout ce que je découvre ici, de merveilleux, d’amusant, de particulier, d’authentique, et le partager en prenant soin de ne rien y enlever, de ne rien toucher, partager tel quel, brut de décoffrage, partager la simplicité de l’Italie dans ses banalités quotidiennes ou son folklore le plus excentrique.

Quand je vous vois vous rendre en Italie j’aimerais vous prendre par la main et vous emmener découvrir tous ces trucs géniaux qui sont insoupçonnés des touristes et des guides touristiques. J’aimerais vous tenir la main tout le long, et vous dire de me faire confiance, de goûter ceci ou cela, de regarder en l’air, derrière, à coté, de sortir des sentiers battus, et d’oublier que l’Italie c’est seulement pasta e pizza, meme si bien entendu on adore l’Italie de la pasta et de la pizza.

De comprendre pourquoi je tiens tant à la défense du patrimoine gastronomique de ce pays.

J’aimerais tenir votre main et vous emmener au plus près des Italiens, du Nord et du Sud, des Italiens des montagnes et ceux de la mer, parce qu’ils sont tous différents et formidables. De vous faire noter la différence dans leurs accents et leur manière de gesticuler, pour qu’ensuite ils vous donnent des grandes tapes dans le dos en vous faisant manger leurs spécialités emblématiques.

Voilà pourquoi aujourd’hui je suis très heureuse de partager avec vous le premier épisode de « Mangiare Ridere on Tour« , le premier d’une longue série j’espère, qui a pour objectif de vous décrire, au plus près, l’immense variété gastronomique qu’on trouve en Italie, dans tous ses coins et recoins, pour que votre prochain voyage en Italie soit une immersion totale et que vous en reveniez époustouflés, la passion dans les yeux et la dolce vita dans le coeur.

Dimanche nous étions à Florence et nous nous sommes régalés de non pas 1 mais bien 2 panini al lampredotto, la sandwich typique de Florence et adoré des Florentins, fait à base de tripes cuites dans un bouillon de légumes, de sel, de poivre, et de salsa verde, faite à base de persil.

Le lampredotto est le 4ème estomac du boeuf, et il se trouve que son aspect ressemblait fortement à la « Lampreda » une sorte d’anguilles qu’on trouvait dans l’Arno il y a quelques temps. C’était un plat de restes, pour les pauvres, dont personne ne voulait. Comme à leur habitude les Italiens y ont saupoudré un peu de magie et en ont fait une institution en Toscane.

C’est d’une simplicité insolente et d’une beauté infinie. Ca se mange dans la rue comme si de rien n’était. Et c’est une explosion de saveurs sur les papilles. On en sort repus avec une forte envie de parler toscan et de boire des litres de vino rosso.

Et d’y revenir, surtout.

A presto,
Floriana

 

 

Le One-Pot-Pasta n’est pas (du tout) une recette italienne.

Longtemps, j’ai fait semblant d’ignorer le phénomène. Je me suis dit que la mode allait passer et que vous alliez tous progressivement revenir à la raison. Mais il va falloir que je me rende à l’évidence, la tendance du «one-pot-pasta» ne faiblit pas; au contraire, pire, elle s’amplifie! Ce qui m’amène à conclure deux choses: soit vous êtes tous complètement tombés sur la tête, soit on vous drogue. J’espère qu’on vous drogue.

Capture d'écran du site marthastewart.com

Vraiment, j’ai cru à une plaisanterie. J’aurais pu parfaitement continuer à l’ignorer. Puis vous êtes venus la gueule enfarinée m’expliquer que le«one-pot-pasta», des pâtes bazardées dans l’eau froide avec toutes sortes d’autres trucs, cuites sur le feu pendant vingt, trente, quarante-cinq minutes, c’était génial et qu’en plus ça venait des Pouilles…

Des Pouilles.

De la plus belle région d’Italie.

DE CHEZ MOI.

Donc je résume: une Américaine nommée Martha et sortie de nulle part répète à qui veut bien l’entendre qu’elle a fait la découverte du siècle avec le «one-pot-pasta» en s’inspirant des recettes du sud de l’Italie. Et vous, parce que ça vient d’Amérique, parce que ça porte un nom stylish, parce que c’est la nouvelle tendance à New York, paf! vous vous êtes jetés dessus comme la vérole sur le bas clergé et vous avez décrété que c’était une révolution.

Foutre brutalement les pâtes crues avec des ingrédients crus dans de l’eau froide et balancer ça sur le feu pendant vingt minutes, c’est ça votre révolution? Les Français, fins gastronomes, délicats, sophistiqués et chics, se laisseraient dicter la révolution dans l’assiette PAR LES AMÉRICAINS? Et vous avez toujours le droit de vote? Vous me faites peur.

Assurer que le «one-pot-pasta» est une invention extraordinaire et révolutionnaire, c’est comme expliquer à un Italien que, boire du Tang, c’est bien meilleur que boire un jus d’oranges siciliennes pressées à l’instant. Dans le meilleur des cas, tu passes pour un comique; dans le pire, tu finis au fin fond de la Méditerranée accroché à un parpaing.

J’aimerais donc mettre les points sur les i une bonne fois pour toutes: vous pouvez bien tenter d’empoisonner qui vous voulez dans votre cuisine mais laissez l’Italie, les Pouilles, ses étendues d’oliviers argentés, ses champs de blé blonds et dorés, sa mer turquoise, ses poissons, ses trulli, ses fruits de mer et ses falaises blanches, Padre Pio, ses pêches juteuses et ses figues de barbarie en dehors de ce délire général.

Et si seulement cette mode s’était arrêtée aux blogs, mais ils en ont faitdes livres de recettes. Des livres de recettes! Mais vous avez vraiment besoin d’une recette pour faire ce truc? Parce que, «flanquer dans la casserole tout ce qui te passe sous la main», ce n’était pas suffisant comme explication? Il faut un LIVRE DE RECETTES? C’est quoi la prochaine étape? une bande dessinée? une sitcom? la légion d’honneur au «one-pot-pasta»?

Martha est sans doute allée dans les Pouilles, et il est même fort possible qu’elle ait vu des pâtes cuire dans un bouillon avec d’autres ingrédients. Sauf que Martha (le soleil d’Alberobello a du lui taper sur le système) n’a strictement rien compris à ce qu’elle a vu, et vous raconte n’importe quoi depuis des mois désormais. Le «one-pot-pasta» deviendra un exemple d’hérésie collective dans les livres d’histoires, vous verrez. Vos petits-enfants vous jugeront.

Donc je veux bien déchiffrer ce que Martha a vu dans les Pouilles et qui pourrait expliquer cette perversion qu’est le «one-pot-pasta», mais il va falloir promettre de ne plus jamais insinuer que cette horreur vient des Pouilles, sinon je jure que je viendrai vous chercher dans ta cuisine et vous traînerai jusque chez ma mère pour que vous lui demandiez pardon.

Plusieurs possibilités, soit elle a vu une pastina in brodo –soupe de pâtes dans un bouillon–, soit elle a vu une pasta risottata ou semi-risottata –façon risotto–, soit elle a vu une sorte de minestrone, soit elle se drogue –ce qui me semble encore l’option la plus vraisemblable.

Pour la soupe de pâtes, c’est très simple, il faut faire un bouillon avec des légumes, de la viande, ou un fumet de poissons, puis une fois que l’eau bouillonne à grands plocs-plocs, on fait cuire la pastina —petites pâtes— genre langues d’oiseaux, coquillettes, petits papillons. On sert la pastina dans une assiette creuse avec deux louches de bouillon, un petit tourbillon de parmigiano reggiano ou de pecorino, et on déguste la pastina in brodo bien chaude un soir d’hiver. Si vous êtes un peu enrhumé, c’est encore meilleur, ça guérit tout.

Pour la pasta risottata, ça demande un peu plus de concentration. Les pâtes sont effectivement préparées avec les autres ingrédients, ceux que vous voulez, mais sont cuites tel un risotto, quelques minutes seulement, et à l’aide de louches de bouillon ajoutées progressivement jusqu’à obtenir des pâtes al dente. Pas d’eau froide, et surtout pas vingt minutes de cuisson. On peut faire aussi une pasta semi-risottata, en faisant la sauce d’une part, les pâtes dans l’eau bouillante d’autre part, qu’on retire trois-quatre minutes avant le temps indiqué pour finir la cuisson dans la sauce, en y ajoutant petit à petit de l’eau de cuisson des pâtes. C’est ce qu’on appelle la mantecatura, ça donnera un résultat extraordinaire: des pâtes al dente et une sauce bien crémeuse.

Et pour finir, le minestrone, recette sacralisée par Pellegrino Artusi au XIXe siècle dans l’ouvrage de référence de la cuisine italienne La scienza della cucina e l’arte di mangiare bene –un chef-d’œuvre– se réalise grace à un «soffritto» de carottes, céleris et oignons revenus dans de l’huile d’olive et du beurre, puis successivement tous les autres légumes, un par un, lentement et chacun leur tour, jusqu’à les couvrir d’eau et les laisser harmonieusement cuire tous ensemble pendant une bonne trentaine de minutes. Dans les Pouilles, on aime à la fin de la cuisson ajouter dans le minestrone bien chaud des petites pâtes ou du riz, afin d’en faire un plat unique, riche, copieux, nourrissant, et qui calme les faims les plus gargantuesques.

Vous voyez: de l’eau froide nulle part, des pâtes al dente et du bonheur partout.

Non, parce que, les Italiens, ça fait quoi? dix mille ans qu’on explique que les pâtes se cuisent dans l’eau bouillante pour qu’elles soient bien al dente? Parce que c’est plus digeste et moins calorique. Qu’est-ce qu’il faut qu’on fasse pour être pris au sérieux? Il faut qu’on engage Oprah Winfrey? Barack Obama? Vous imaginez Andrea Pirlo manger des pâtes trop cuites, vous?

Vous cuisez trop les pâtes et ensuite vous vous étonnez d’être allergiques au gluten, à l’air, à la joie, à la vie. Si vous avez mal au bide en mangeant des pâtes, ce n’est pas à cause du gluten, c’est parce que vous bouffez vos pâtes trop cuites. Si vous grossissez en mangeant des pâtes, ce n’est pas à cause des pâtes, c’est PARCE QUE VOUS BOUFFEZ VOS PÂTES TROP CUITES.

Que je ne vous y reprenne plus. Je ne plaisante pas avec la food culture.

A presto.
Floriana

Article publié sur Slate.fr

Il Cappuccino. L’Opera d’Arte.

Pendant des années, la France entière a cru qu’il suffisait d’un sachet de “café” en poudre et du lait lyophilisé pour préparer un cappuccino mousseux “à l’italienne”.

Un cappuccino mousseux “à l’italienne”, l’invention formidable de publicitaires qui, du sommet de leur imagination foudroyante et de leur créativité hystérique, n’ont rien trouvé de mieux que de laver le cerveau des Français en singeant un Italien, Angelo, qui, vraisemblablement sous l’emprise de la drogue, préparerait à une dame un cappuccino instantané.

UN CAPPUCCINO INSTANTANE.

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Buon Natale a tutti.

cotechino

Comment ne pas littéralement chérir la période de Noël  en Italie. Je me fiche d’être sans doute trop romantique, trop sensible, trop naïve, mais moi, voir tous ces gens emmitouflés dans les rues, sous les lumières clignotantes des sapins et des vitrines, le panettone dans une main, le pandoro dans l’autre, ça m’émeut infiniment. C’est le seul moment de l’année où l’Italie est kitsch. Classe, mais kitsch, alors autant ne pas en perdre une miette de torrone.

Et puis les Italiens, quoiqu’ils en disent, adorent Noël .

Ils aiment se plaindre ironiquement des repas dantesques à ingurgiter en souriant, ils râlent avec affection au sujet de la famille à supporter, ils grommellent en pensant à tous les auguri à souhaiter et les panettone à offrir, ils adorent en fin de compte s’asseoir à table le 24 au soir et enchainer non pas un, ni deux, ni trois, mais bien cinq gigantesques repas de Noël. Oui, parce qu’en Italie, on fête la “vigilia” (la veille), “Natale” (Noël)  et “Santo Stefano” (fête de la Saint Etienne, jour férié en Italie). Sans compter tous les presque-repas-de-Noël  jusqu’au 6 janvier, jour de l’épiphanie et de la “Befana”, la sorcière et ses haillons qui se rend dans les maisonnées la nuit et se charge de couvrir de charbon les enfants qui n’ont pas été sages.

Bref, à Noël , les Italiens font ce qu’ils savent faire de mieux : L’INTERMINABLE REPAS DE FAMILLE.

Dès que l’été commence à balbutier et s’évanouit lentement au rythme des arbres qui se colorent, les Italiens commencent à bavarder au sujet de Noël . Plus précisément en Emilie-Romagne, l’organisation du repas de Noël  relève de la préparation du G20. A partir de début Novembre, les Italiens du Parmense, du Reggiano, du Modenese, et du Bolognese, commencent à préparer leurs plats pour le repas du 25 décembre.

Deux mois avant, tu as bien lu.

C’est à dire que réaliser de A à Z quelques 1000, 1200, 1500 anolini ou cappelletti (ravioli à la viande), ça prend du temps et surtout ça demande une logistique sans faille. Tout le monde s’y met, des petits-enfants aux grands-parents, toute la famille et les amis réunis pour impastare (faire la pâte), tirare la sfoglia (laminer la pâte), et farcir les cappelletti. Une tradition indéboulonnable qui revient systématiquement tous les ans, souvent sous la baguette et l’oeil avisé de la nonna qui détient bien entendu la seule et unique recette véritable des cappelletti. Ils seront ensuite congelés et dégustés la veille de Noël , flottant dans le brodo (bouillon) jusqu’à l’Epiphanie. D’ailleurs dans le coin on les appelle les “galleggianti” – les flottants. Et comme bien entendu rien ne se perd, les restes seront précieusement conservés jusqu’au repas de Pâques.

Un brodo et des cappelletti, dans le froid acéré et le brouillard compact de la pianura padana, c’est sincère, c’est délicat, divin et doux, ça se partage, ça réchauffe les cœurs les plus tristes. Pour comprendre il ne te reste désormais et selon toute évidence plus qu’à rappliquer à Parme entre décembre et février, et ce, tous les hivers que le ciel fera.

Tu ne seras pas déçu du voyage, parce que l’autre plat traditionnel d’Emilie-Romagne en période de Noël , c’est le cotechino con le lenticchie.

L’Italie n’a rien inventé de plus rustique que le cotechino con le lenticchie.

Ca ressemble un peu au « petit salé aux lentilles » auvergnat, puisque c’est aussi un morceau de porc bien bien BIEN gras accompagné de fines lentilles revenues dans de l’huile d’olive, quelques aromates, et un peu de pulpe de tomates.

Personnellement, j’en rafole.

Mais alors, qu’est-ce que le cotechino ?

« Del maiale non si butta via niente » est la version italienne du « Dans le cochon tout est bon », et Dieu sait combien les Italiens ne rigolent pas avec le cochon. Eux, ils te prennent les restes du cochon, et ils t’en font du caviar.

DU CAVIAR TU M’ENTENDS ?

Finir dans un cotechino à Parme tous les cochons en rêvent!

Le cotechino est le plat des pauvres de la campagne modenese au XVIIIe. On le mangeait avec une bonne zuppa di legumi – soupe de légumineux – ou bien pour accompagner le minestrone. Ou même entre deux tranches de pain pour un panino venu tout droit du paradis de Dante.

C’est au siècle suivant qu’il a acquis une certaine noblesse en devenant le plat de l’aristocratie parmesane et en recueillant les faveurs des chefs et critiques les plus renommés de l’époque, notamment Pellegrino Artusi, célèbre gastronome qui a inscrit dans le marbre LA recette du minestrone.

Donc revenons à mon cochon, le cotechino c’est tout simplement les « restes » de viandes maigres et grasses comme la “spalla” (l’épaule), le “guanciale” (la joue) et la “pancetta” (la poitrine) dont personne de la haute ne voulait. Et évidemment beaucoup de “lardo” (le saindoux). Les paysans hachaient la viande, et l’assaisonnaient abondamment de sel, poivre, noix de muscade, et clous de girofle. Le mix d’épices est en fait le secret bien gardé de chaque « salumiere », c’est ce qui caractérise chaque cotechino. Ensuite il suffisait d’insaccare dans la peau du cochon (on me dit que le terme technique est l’embossage), recoudre, et voilà, le cotechino et ton taux de cholestérol sont prêts !

Mais cessons la technique, parce que le cotechino, c’est surtout de l’émoi jusqu’à l’ivresse et de la simplicité jusqu’à la plénitude.

On le fait bouillir pendant deux heures dans de l’eau non salée – crois-moi, ça ne sert à rien de saler le cotechino – avec des feuilles de laurier, des clous de girofle, et si tu veux, une carotte, une branche de céleri, un oignon. Puis tu le découpes en tranches bien épaisses et tu le sers avec des lentilles.

Les lentilles. Chez nous on fait les meilleures, on ne va quand même pas s’excuser : la bien nommée précieuse “Lenticchia di Castelluccio di Norcia” dont l’origine géographique est protégée (IGP). Elle est cultivée depuis toujours à 1500m d’altitude, dans le parc national des Monti Sibillini, entre l’Ombrie et les Marche, au coeur des Appenins, là où la terre peut se reposer en hiver, couverte et à l’abri sous un épais manteau de neige. Le centre de l’Italie, cette région méconnue des touristes, préservée, et magnifique.

Ces petites pépites que tu auras sagement laissé reposer dans l’eau pendant au moins douze heures, et que tu auras fait revenir dans de l’huile d’olive avec une gousse d’ail et un peu de pulpe de tomates. Tu termines par une louche de bouillon du cotechino. Tu les sales à la fin sinon elles seront dures, alors que toi, tu veux qu’elles fondent dans la bouche comme une crème.

En plus de faire lit douillet du cotechino, elles te porteront chance pour l’année qui vient. Comme autant de petites pièces de bonne augure, d’abondance et de prospérité.

En tous cas l’Italie te le souhaite. Elle y a mis tout son savoir faire, sa générosité, son abondance et son authenticité.

La tradition pour ne pas oublier d’où on vient, parce qu’à Noël , quand ta table sera remplie de toutes ces petites merveilles, tu penseras à ceux qui, il y a longtemps, n’avaient rien que des restes de cochons et quelques lentilles pour fêter en famille la fin de l’année.

On accompagnera ce plat du bon conseil de Sand.

On finira par une tranche de panettone, ou de pandoro, pas de jaloux.

Et on sera rassasié et heureux.

Gras, mais heureux.

Buon natale a tutti.
@flonot

The Carbonara Club. The Real Thing.

Photo par @pelochephoto

I’m a woman on a mission:

Saving Italy’s gastronomic heritage in the world.

No more, no less.

You see, when you really love Italian cuisine, because it’s simple, authentic, full of love, seeing it being so methodically destroyed makes me want to go on a rampage.

You. Yes, you. I can see you, about to chuck your crème fraîche into your so-called “Carbonara”. The only reason you’re still alive is because it’s generally considered illegal to kill you.

First of all, stop calling your mess “Carbonara” immediately: it really irritates us (that’s me and Italy).

The authentic recipe for « Carbonara » comes from Rome and Rome deserves to be serenaded, with one knee on the ground. So let’s start all over again: do your best Italian impression and sing the word « Carbonara » wholeheartedly. Once you hear the sound of a lyre in the background, you’re ready to cook the real thing.

I have no idea how come this absolutely wonderful dish has become an indescribable mush of bacon and cream. Well, actually, I do. Remember your student years: it was your favourite meal because it was “easy” to do.

Some cheapo bacon here, a dollop of UHT cream there, mix it together and there you have it! Look, I’ve cooked a “carbonara”!

I’m going to strangle you with my bare hands, do you get me?

Where did you ever eat this in Italy? Who made you believe this was Italian? Tell me now so I can get whoever served this sent to prison!

You are insulting generations of Roman mammas if you do this wrong. Stop right this second. And read what I’m about to write carefully because I’m going to share the one and only Pasta alla Carbonara recipe. Do you remember the amazing Pasta alla Carbonara you had once in Rome? So do I. I could eat it even if it was 40 degrees outside. So, please, put me out of my misery because it breaks my heart a little more each time you try to cook it.

So this is going to be straight to the point, no-nonsense, and merciless. Afterwards, I’ll watch over you. Every time you try to cook it any other way, I’ll come and smack you round the head with my rolling pin and curse your next 5 generations. Chiaro?

First, the ingredients. Listen up.

  1. 1 egg per person + 1 egg for the whole dish. That’s how it’s done. So for 2 people, use 3 eggs. For 4 people, 5 eggs. Capito?

  2. Throw your plasticky bacon out the window and buy some real pancetta. If you want to impress, you could even go to your nearest Italian delicatessen and ask for guanciale, it’s what the Romans use. It’s basically pig’s cheeks and it’s delicious.

  3. As much parmigiano reggiano as you like. If you’re a big fan and know where to find it, you should use pecorino romano. As a LAST RESORT – you could get grana padano, but only on the grounds that you don’t live in Rome and to show you I can be flexible and somewhat understanding.

  4. Salt, pepper, olive oil. A little bit of garlic if you wish. I don’t approve but I’m willing to let you express your creativity. But that’s the only thing I’m giving you.

  1. La pasta. Durum wheat pasta. Buy an Italian brand such as Barilla, De Cecco, Rummo, or, even better, Voiello. You’re not allowed anything else. Choose them preferably long cut because that’s how the Roman mammas choose them and you should respect this ancestral tradition. So: spaghetti n.5 – the most common – or, if you like short cut pasta, tortiglioni, mezze-maniche, and so on.

And, listen to me carefully, THAT IS IT.

Yes, that’s right, that is it, so forget about anything else.

No cream, no tomatoes, no onions, no parsley.

AND NO OLIVES OR DUMPLINGS OR COURGETTES OR SPRING PEAS OR SAUSAGES.

No discussion either.

I can already hear you telling me, like a good « Carbonara troll » : “My pasta is going to stick! It’s going to be dry! There won’t be enough sauce!” Please, for the love of Jupiter, shut up !

Take a large cooking pan and fill it with water.

STOP ! Do not put any salt in it yet! (I know you, troll)

Use plenty of water because pasta needs to dance around in the water and it needs space to do so. Do you like going to a club and dancing on a packed dance floor? Of course not. Pasta is the same. It has a golden colour for a reason: it is precious, so you shower it with happiness and leave it some space to move around. Cover the pan with a lid and bring the water to a boil.

In the meantime, separate the eggs. You only need to use the yolks for the carbonara. Put the whites in the fridge, you can use them to make meringues later. Add a bit of salt and pepper to the yolks. Then, add the freshly grated parmesan and/or pecorino romano. Don’t try to cheat by using ready-grated supermarket-bought fake parmesan because I’m right behind you, ready to stick a fork in your collarbone.

If you have an electric whisk, then your eggs will be creamy quickly. Otherwise, you’ll have to whisk by hand for quite a while, continuously and energetically. Don’t forget I’m watching you. Once your eggs and parmesan are a creamy texture (creamy without cream, that’s the Italian magic !) – there should even be a small foamy top – you can stop whisking.

Then – or at the same time, really – in a small cooking pan, or a frying pan, whichever, cook your coarsely chopped pancetta in olive oil. You could add a bit of pepper if you want it a bit spicier. By the way, the name “Carbonara” comes from the colour of the pepper in the recipe, which is a reminder of the colour of coal – carbone. In Rome, this dish was served in big portions and filling enough for the workers to cope with their working conditions. Apparently.

Then, you cook the pancetta until crispy and golden brown.

GOLDEN.

Thus, the pancetta will match your GOLDEN pasta.

Once the pancetta is golden, remove from the heat and keep on the side.

The water is now boiling and you can add coarse salt. If you don’t have any coarse salt, just give up and cook something else. So, a handful of coarse salt and then, the pasta.

DO NOT PUT ANY OIL INTO THE WATER YOU FOOL!

The water must boil continuously. Keep an eye on the pasta and stir from time to time, watching them wriggle with joy.

Quantity-wise, allow 100 to 120g of pasta per person. And don’t cook half a packet if you’re on your own for God’s sake: don’t come and complain your pasta is dry if you do this. For example, if you cook spaghetti, which is coincidently my favourite, use 100g per person.

The pasta must be al dente.

But you don’t know how to cook pasta al dente. You think you do, but really, you don’t.

I know it. You’re doing it wrong.

So, here’s a tip: take one minute off the recommended cooking time on the packet. So, for spaghetti n.5, it’s 8 minutes. Start the timer as soon as the pasta is added to the boiling water, take it out after 7 minutes, and drain. The pasta will keep cooking in their steam and heat. Don’t leave the pasta in the colander for ages – put them almost straight away into your bowl with the eggs and parmesan mixture, and stir gently.

If I trusted you, I’d tell you to taste the pasta before draining.

But I don’t trust you.

So use your timer. You won’t succeed straight away. You and I know that full well. But soon, little pasta padawan, you will manage to cook  spaghetti al dente.

Let me give you another tip to make sure that your eggs and parmesan mixture is creamy enough: whilst the pasta is cooking, add one or two spoonfuls of the pasta water to your mixture and stir well. Yum yum. Moreover, the boiling water will slowly cook the raw eggs and make it safe for consumption, in case you are not 100% sure your eggs can be eaten raw.

Once your spaghetti are poured onto your creamy mixture, add the pancetta and mix everything together. Gently!

Serve your pasta in a nice bowl and if you love parmesan or pecorino romano, like me, you can add some more on top of your dish.

If you can’t get it the same as the picture above, don’t beat yourself up, KEEP IT SIMPLE.

It’s the easiest recipe in the world.

But if you do it differently, you’ve never had pasta alla carbonara before.

It’s delicious, everyone likes it, and it’s a gift Italy and Rome have generously shared with the rest of the world.

As you serve it, don’t forget to make up a little story, like an Italian would. Tell your guests you chose the best pancetta you could get in the whole neighbourhood. That an old Italian mamma gave you the recipe on her deathbed. That your spaghetti danced to the sound of Paolo Conte whilst swirling in the boiling water.

So there you go. Stop the destruction. Share the love. Become an ambassador of the Carbonara Club. Together, we can give this dish its Roman roots back.

I’m counting on you. I want to see your pictures on Twitter’s #carbonaraclub.

I’ll be ruthless.

Un bacione!
@flonot

Translated from French. Courtesy of @fieldelanation.

Tu Si’ ‘Na Cosa Grande.

 Oliviers

Ici, les mots sont cabossés et torturés comme les chemins sinueux qui s’enfoncent dans la foret du Gargano.

Ici, les corps sont tordus et pliés comme les oliviers centenaires qui se penchent sur toi pour veiller sur ta sieste.

Ici, les peaux sont lustrées et polies par le soleil comme les rochers sur lesquels il mare Adriatico vient se briser dans une écume tumultueuse, épaisse et moelleuse.

Ici, la vie se lamente et se savoure à l’instant. Comme la « provolina » qu’on est allé chercher tout en haut de la montagne et qu’on a croqué comme une pomme.

Ici, c’est le Gargano.

Quand tu viens ici, tu ne veux plus aller ailleurs. C’est comme s’il te possédait soudain, et rendait insipide et incolore et insignifiant le reste du monde. Il Gargano. Tout juste si l’Italie se sauve et trouve grâce à tes yeux. De San Giovanni Rotondo a Rodi Garganico, de Peschici à Vieste, de Vieste à Matinatella, des villes soignées et des paysages sauvages à couper le souffle. Une faune et une flore reconnues comme étant les plus variées et les plus riches en Europe, avec la Sicile. Cette terre et cette mer qui ont tant donné et donnent tant, pour les yeux, pour le nez, pour les papilles.

Moi qui pensais le connaitre, moi qui pensais que le Gargano n’avait plus aucun secret à me révéler, qui pensais que mes origines m’avaient déjà tout transmis, et qui en réalité ne connais rien de lui.

Redevenir infiniment petite devant l’infinie beauté. La beauté corpulente des lieux, la beauté mélancolique de la population, la beauté stupéfiante de ce qui t’arrive dans l’assiette, quoiqu’il arrive dans l’assiette. Des tomates comme des rubis, des olives comme des émeraudes et du pain bon comme un lit douillet. Et directement dans la bicoque de Giovanni sur la plage pour quelques piécettes. La quintessence de la simplicité, tout le Gargano là, le sel de la mer, le saut depuis le rocher dans l’eau turquoise, le soleil de plomb sur la piazzetta, les gesticulations et les décibels abrutissants, l’origan qui a séché des heures durant sur les terrasses, l’accent radieux et intact de ceux qui n’ont jamais quitté cette terre, l’accent bizarre de ceux qui en revanche, sont partis, et qui désormais cherchent, confus, leurs mots pour s’exprimer. Tout est là.

Les heures, les heures qui s’étirent longuement jusqu’à n’en plus finir, les journées qui commencent si tot pour éviter la chaleur et finissent si tard autour d’un repas fumant. Pas besoin de se forcer à déconnecter, le monde extérieur devient dérisoire quand on est ici, in Puglia.

Une bouffée d’oxygène et d’huile d’olive qui te ressort par tous les pores, une piscine de mozzarelle telles des pépites, ce poulpe longtemps battu contre le rocher pour qu’il soit bien tendre une fois arrivé dans la past’pu’polp’. Une envie de tout plaquer, courir se faire enseigner par le Mastro Ricottaio le procédé antique pour produire de la ricotta di bufala, et de s’en aller au milieu des bufflonnes se faire oublier par le monde entier, tout en saluant de loin les imposteurs, les manipulateurs et les fossoyeurs de bon gout et de simplicité.

L’authenticité silencieuse, telle un monument, qui est là, invulnérable, intouchable, grandiose, sacro-saint et surtout rassurant. Tout ici transpire le vrai, l’origine et la terre.

Tu arrives et tu te dépouilles de ta carapace, tu embrasses la nature et le naturel, tu es beau et tu es belle comme ça, sans rien, juste parce que tu as mangé une olive ce midi comme si c’était la première que tu mangeais de ta vie et que tu as vu Pino et sa brouette de tomates à l’abri de son camion de melons jaunes. Et lui aussi il est beau.

Tu ferais confiance au premier venu parce que tous ici, du plus jeune au plus ancien, tous, strictement tous, connaissent le véritable gout des choses. Il gusto. Il sapore. La cosa grande. L’authentique, l’originel, sans artifices, sans sophistication, simplement il sapore. Celui qui te fait exploser les papilles et le coeur. Tout rigoureusement tout. Du pain, jusqu’aux crustacés, du caciocavallo jusqu’aux peches, des tomates evidemment jusqu’à la salsiccia, du poulpe jusqu’à l’huile d’olive, tout est simplement meilleur.

La variété et la richesse – Tu si’ ‘na cosa grande – la Puglia est grande parce qu’elle est riche, riche de ses paysages incroyables, de ses forets denses et impénétrables et de ses etendues arides ou seuls les cactus semblent pouvoir survivre, de ces falaises blanches comme la craie qui tombent dans la mer, la mer bleue, bleue, encore bleue, de tous les bleus, j’ai gardé les yeux grands ouverts tout le temps, pour capter un maximum de bleu, ce bleu, cet infini bleu, qui me remplissait d’une béatitude complète. Cette mer bleu royal en offrande pour une terre quasi-oubliée des grands de ce monde. Et aujourd’hui je ferme les yeux et je vois ce bleu incroyable, riche, abondant et profond.

Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau, d’aussi complètement beau, d’aussi authentiquement beau, et d’aussi infiniment beau dans les moindres détails. Il parait que ce sont les détails qui font la différence. Alors ce sont peut-etre ces pierres noires comme un volcan qui pavent les rues antiques des villes. Ce sont peut-etre ces façades blanches et fissurées mais pas forcément immaculées. Ou alors ces assiettes écorchées dans lesquelles un serveur en tongs me sert des seiches et du poulpe pechés le matin meme et grillés bruyamment par son pote Antonio derrière la cabane. Ou bien cette veuve en noir qui remonte lentement les rues, rompue par le soleil lourd, avec son petit sacs de courses, un peu de mozzarella fondante, un peu de prosciutto, un po’ di pesce, la pasta, et peut-etre se fera-t-elle simplement due spaghi al pomodoro ce midi, vue qu’elle est toute seule, ses enfants sont partis vivre dans le Nord. Mais ça pourrait etre aussi ce vieux monsieur, surement un ouvrier, qui enfile en soupirant son beau marcel blanc et bien repassé, des chaussures qu’il a cirées lui-meme, et qui passe chez le barbier Girolamo histoire d’etre présentable pour aller à la messe de 18h et prier Padre Pio. Ou ces bottes d’origan qui sèchent au-dessus des bouteilles de limoncello, de nocino, et de cherry, tutto fatto in casa. Tout. Tout est beau.

Inexplicablement beau.

Chaotiquement beau.

Ne viens pas ici si tu ne peux pas abandonner tout ce que tu connais et recommencer à nouveau. Ne viens pas ici si tu ne peux pas saisir cette main invisible qu’il te tend et qui va te faire virevolter de baie en baie, de Vignanotica à Baia delle Zagare, de Vieste a Peschici.

Depuis 30 ans la colère d’en etre séparée laisse comme une plaie béante en moi, qui guérit chaque fois que  je m’y rends à nouveau.

Il Gargano.

« Tu si’ ‘na cosa grande pe’ mme
‘na cosa ca me fa nnammura' »

Pour ceux qui savent.

Vignanotica

 Baci,
@flonot

 

 

 

Lettre ouverte à Bill.

pizza margherita

Bill, mon grand Bill,

Mais qu’est-ce qu’il t’a pris ? Toi l’Américain d’origine italienne fraîchement nommé maire de la prestigieuse New York, l’orgueil du pays, celui grâce à qui les Italiens ont gonflé le torse et levé la tête pendant quelques jours ? Le « sogno americano » en chair et en os, c’est toi ! Tu viens de chez nous !

(Aussi ridicule que ça puisse paraître, les Italiens ont oublié que tu n’étais pas né en Italie, que tu étais issu de l’immigration, que c’est ton grand-père qui est né à Benevento.)

Alors j’essaye de te trouver des circonstances atténuantes : c’était peut-être une étourderie, un moment d’égarement, mais tu as voulu préciser :

« In my ancestral homeland it is more typical to eat with a fork and knife. »

Pardon ? Sorry ? Pronto ?

Tu as bien dit, là : « Dans la patrie de mes ancêtres, la coutume veut qu’on mange avec une fourchette et un couteau » ?

Bill, Mamma mia ! Range ta fourchette, assieds-toi, il faut qu’on parle, sinon tu vas finir dans un mortier en marbre à la place du basilic.

Pour lire la suite rendez-vous ici :)

 

@flonot

 

Voir Venise et Vivere

L’Italie est belle parce qu’elle est d’une variété infinie. Elle est le patchwork coloré d’une terre aux 1000 identités.

Je viens du Sud, Valerio vient du Nord. Entre la Puglia et il Veneto, il y a un monde, il y a nos ingrédients, nos accents, nos mentalités, le soleil et la brume, la terre aride et l’eau, les pomodori et le radicchio. La semoule et le riz. Mais il y a les mêmes hommes et femmes qui portent le même amour intact envers leur terre, son histoire, ses joies, ses succès, son avenir. Et envers l’Italie.

J’ai demandé à Valerio de nous parler de Venise. La Serenissima. C’est un titre de noblesse. Parce qu’avant d’être gondoles et carnaval, Venise est avant tout un joyau d’une noblesse infinie. Oublie les clichés, ouvre grand les yeux et les papilles, tu ne vas pas en revenir.

A presto,
@flonot

Venezia - Musei del Vaticano

Floriana, tu m’as fait un cadeau empoisonné.

C’est un vrai piège que de vouloir écrire sur les restaurants vénitiens. Un piège délicieux, mais un piège quand même, parce que même sans avoir de prétention d’écriture particulière, écrire sur la Sérénissime, c’est toujours un peu inhibant.

Même pour parler Risi e bisi, quand il s’agit de Venise, j’ai un peu peur de tomber dans le grandiloquent, dans une verroterie du clavier. Ou dans le cheap, le cliché, l’anecdotique. Alors qu’il y a tant et tant à dire et à faire partager sur les lieux et les mets, comment ne pas gratter des dizaines de pages ?

Floriana, ton blog est une ôde joyeuse à une Italie éclatante de joie, de soleil et de mozzarella. All’allegria. Venise n’est pas tout à fait cela. Glissons-nous un peu dans l’ambiance. Et pour la route, je te conseille un livre plus que tout autre, “Venise est un poisson” de Tiziano Scarpa.

Tu n’arriveras pas à Venezia par un simple lien hypertexte, ni comme tu ne te rends à Roma, a Firenze ou à Napoli. Avant de goûter des recettes qui, sur le continent n’auront jamais le même goût qu’en lagune, avant de te jeter dans la première osteria venue, tu vas devoir changer de monde.

Alors oui, tu arriveras en train, en voiture ou en car, mais au dessus de l’eau, sous le soleil ou dans le brouillard, par le vilain ponte della Libertà. Ou mieux, en bateau. Et là, laisse couler dans un rio tout ton quotidien, oublie immédiatement les bruits de la ville que tu connais et écoute les murmures et éclats simples d’une ville sans voiture. Des bruits oubliés, le chant des talons et des chaussures sur le pavé, les cliquetis des charrettes des livreurs, les cris joyeux de gamins sortants de l’école, le murmure d’un bateau dans le canal. Inspire bien fort et ressent cet air chaud, humide et salé (ou froid et salé selon la saison, bien sur).

Venezia, c’est une ville faite de couloirs étroits et d’horizons larges. C’est l’Orient et l’Occident, la mer et la terre. La brique et la pierre. C’est onze siècles de puissance et d’indépendance.

Partout ailleurs en Italie, tu peux être joie et prosciutto, mozzarella et sorriso, légèreté et margherita. Ici, avant d’entrer dans la cuisine, pense aux obstacles que cette ville a surmonté, pour que tu puisses seulement être là où tu es, et pour que ces sarde in saor arrivent dans ton assiette.

Tout ce que tu vois, chaque pierre, chaque mur autour de toi, chaque fruit, légume ou viande rapporté au marché du Rialto a représenté des efforts en plus, des difficultés, un transport plus compliqué, des caisses à porter, des marchandises à charger et décharger.

Née des paludiers et des pêcheurs des eaux saumâtres de la lagune, fuyant à la fin de l’antiquité les invasions barbares déferlant sur l’Empire, la ville a hésité à naître à Torcello, avant de se poser sur les rives plus hautes du Rialto. Tournant le dos à cette Europe dévastée, la Venise naissante s’est tournée vers les mers. D’alliances en croisades, de trahisons en attaques, par la construction d’une flotte terrifiante, Venise a su faire peur. Elle a dominé la Méditerranée. Chypre, les Cyclades, la Dalmatie, la Crète, Corfou, une partie de la Grèce étaient siennes.  Et le tout à partir d’une base continentale ridiculement étroite. Quelques dizaines de kilomètres à peine au delà de la lagune, Il Veneto – la Vénétie.

Venise a ramené dans ses filets tous les goûts de la mer. Les maraîchers de la lagune (va donc les découvrir aux Vignole ou à Sant’Erasmo) ont fait pousser des légumes superbes. La “terraferma” a apporté ses volailles, sa pasta, sa polenta (c’est le NORD, range tes tomates), son riz, son vin.  Tout ça pour créer une cuisine savoureuse, mais peut être un peu plus âpre, rustique, que l’image que l’on peut avoir de la cuisine italienne en général.

A Venise, tu mangeras des “Cicchetti” (prononce-moi “TCHIKKETTI” correctement je te prie). C’est la version lagunaire des antipasti, que tu mangeras dans tous les bons “bacari”, les bistrots (un bacaro, des bacari, parce que dans une soirée vénitienne, le singulier ne suffirait pas).  Et c’est une affaire sérieuse. La richesse de cette cuisine du quotidien est une liste à la Prévert : pinces de crabes frites, croquettes de viande ou de légume, demi œuf dur avec anchois, fritures de légumes, polenta et poulpe, Baccalà « mantecato », c’est-à-dire une morue cuite dans le lait et ensuite fouettée pour la rendre crémeuse. Toutes les sortes de poissons de l’Adriatique. Et les fameuses “sarde in saor« : sardines cuites et marinées avec des oignons et du vinaigre, des raisins secs et des pignons.

Et puis il y a un sandwich qui vient d’ici et qui n’a jamais le même goût ailleurs, le tramezzino, ce petit pain sans croûte rempli de plein de bonnes choses.

Tu accompagneras ces petites bouchées d’un spritz ou d’un verre de vin, un’ombra comme on dit ici.

Et si tu veux faire un vrai repas, tu mangeras des bigoli in salsa (gros spaghettis avec une sauce aux oignons et aux anchois, des pâtes al nero di seppia (à l’encre de seiche), du risi e bisi (riz et petits pois), du risotto au poisson, aux fruits de mer, à la volaille…. Des moeche, ces petits crabes en pleine mue à la carapace si tendre qu’on la mange, les petites crevettes grises de la lagune, le foie de veau à la vénitienne aussi…

En revanche, s’il est une ville où les adresses changent, où les merveilles d’un jour deviennent fast-food à touristes et réciproquement, c’est bien la Serenissima. Et certains lieux qui dans mon souvenir valent le coup ne sont pas forcément toujours aussi agréables. De toute façon, il n’existe guère plus de lieux sans touristes à Venise. Et les adresses étant écrites sur les nizioleti dans un sabir mêlant Italien et vénitien de façon assez aléatoire, qu’est ce qu’une adresse ? Elles sont composées de numéros (par quartier), de rues, de quais de places et autres noms spécifiquements vénitiens (calle, fondamenta, rio terra, piscina, campo, campiello…). Et puis tu peux très bien te nourrir de ciccheti et de planches de charcuterie ou de fromage (taglieri) au hasard des baccari, sans faire exploser ton portefeuille.

Mais je vais quand même te donner quelques conseils, en me promenant un peu dans les repas et les quartiers, comme le firent d’autres amis, une pensée en particulier pour Guillaume et Roberto. Mais tu devras chercher peu, c’est comme ça qu’on fait à Venise et c’est souvent l’occasion de trouver ce qu’on ne cherche pas.

Je vais commencer par un lieu au charme attachant. Il va falloir que tu cherches un peu pour trouver le campo del Remer. Sur le campo San Bartolomeo, celui qui est au pied du Rialto, côté San Marco, part vers le nord, vers la gare, par la Salizada San Giovanni. Juste après l’église San Cristomoso (toute en rose) qui est sur ta droite, une toute petite calle, insignifiante part à gauche entre un tabac et un restaurant. Tu vas te demander si tu ne te trompes pas, c’est donc que tu es probablement sur la bonne voie. Au bout des coudes et des sottoporteghi, tu tomberas sur une cour incroyable ouverte sur le Canal Grande. Un seul restaurant, un plafond voûté en briques, des poutres et une ambiance merveilleuse quand le piano ou le jazz résonne. Pour boire un verre ou manger, c’est très bien. On peut même prendre son verre pour aller le déguster au bord du canal.

Pour boire des spritz, un’ombra et manger des cicchetti, le Rialto, autour du campo dell’Erberia. Suivre l’ambiance. Descends un peu, et tu trouveras le campo Santa Margherita, avec tous ses bars d’étudiants, le Caffè Rosso.

Si tu es fauché, contente-toi de prendre un morceau de pizza al volo et de le manger sur la place. Si tu as quelques sous, l’Osteria alla bifora permet de manger de très bons taglieri dans une salle au style médiéval assez romantique.

Passe San Barnaba et va à San Trovaso pour trouver, face à l’église, il « Bottegon, Già Schiavi ». Mange encore des cicchetti, bois encore du spritz et tu pourras même repartir avec une bonne bouteille.

Te voilà arrivé sur les Zattere. Si tu ne vas pas prendre une glace chez Nico, je ne te parlerai plus. Et ne commande pas n’importe quoi s’il te plaît. Ici, on fait dans le Gianduiotto, une petite Turinerie émigrée en lagune.

Allez, passons de l’autre côté du Canal Grande.

Tu peux t’arrêter dans Cannaregio, au dessus de Strada nova, dans la Calle Larga Priuli Racheta, l’Antica Osteria Adelaide est un des plus vieux restaurants de la ville. Le patron, Alvise Ceccato, fait une cuisine vénitienne toute traditionnelle très agréable. Je garde un souvenir ému d’un dessert étonnant qu’il ne fait que rarement, un gâteau aux fraises et vinaigre balsamique.

Toujours à Cannaregio, un soir d’hiver dans la brume comme pour un brunch du dimanche le bord du canal, le Paradiso perduto, est un lieu festif, un peu bobo (ou radical-chic ?), un peu touristique maintenant, mais où l’on mange de grandes assiettes de fritto misto, de légumes grillés, de cicchetti et le tout souvent en musique le soir.

En redescendant, sur la calle Lunga Santa Maria Formosa, va donc boire un verre de Prosecco bio à la Mascaretta. Si le patron, un ancien conseiller municipal un peu excentrique et haut en couleurs est en forme, il sablera la bouteille dans une ambiance vraiment à part..

Promenons-nous maintenant loin de la foule de San Marco. Un de mes quartiers préférés, c’est Castello, autour de la via Garibaldi. Plein de petits bars. El Refolo est très sympa, tonneaux, taglieri, terrasse et spritz sur la rue. La trattoria Giorgione est très bien aussi. Au milieu des Giardini, une très belle serre accueille un très joli bar dont le nom m’échappe. Et si tu dois aller voir une exposition à la Biennale, quoi de plus rassasiant après des heures d’architectures ou d’art contemporain, qu’un beau plat de pâtes, au soleil, au bord de l’eau face au Bassin de San Marco, au Paradiso ?

Montons jusqu’aux Fondamente Nove, là où l’on apperçoit les îles du nord de la Lagune. Algiubagiò est un vrai coup de coeur pour le jour où tu auras quelque chose à fêter. Une cuisine vénitienne, contemporaine, savoureuse et imaginative, je ne suis pas prêt d’oublier les taglioni verdi au homard, à la marjolaine et à la fraise.

Si tu prends le bateau pour aller là haut dans la lagune nord, ne part pas sans avoir mangé un risotto de poissons ou de fruits de mer au Gatto Nero à Burano.

Tu vois, je savais que j’allais en écrire trop. Je m’arrête là. Les plus curieux pourront toujours m’en demander davantage. Et je vous laisse finir avec Guccini, rêver à cette ville que l’on dit mourante, mais qui séduira encore et toujours. Vous n’y êtes jamais allés ? Vous y reviendrez.

A presto,@ValerioMotta

Le’ Pan’ de Toni

Panettone

Allez, on oublie tout.

On ne garde que le meilleur. Que le plus simple. Que les bons moments à partager.

L’Italie qui se fait pardonner, qui te fait sourire, qui te cajole et te fait mordre la vie à pleines dents. Celle qui te caresse, te console, celle qui nous rapproche. Elle te ferait oublier tous ses défauts, tiens. Elle calmerait toutes les rages. Parfois je me dis que c’est pour ça, qu’elle tient bon. Tout cet amour, partout, dans tout ce que tu vois, entends, touches, goûtes, c’est de la colle forte, ça se faufile sous ta peau et tu ne peux plus t’en passer. Italia jusque dans la peau.

Je le saluais déjà en souriant, ce vieux « signore » qui boit son caffè ristretto tous les matins dans le même bar que moi, mais en ce moment on se serre la main et on se souhaite de bons « Auguri« .

L’Italie qui rapproche les gens. L’Italie abondante et généreuse, comme son panettone.

Encore une histoire invraisemblable que celle du panettone, encore une histoire qui raconte l’Italie, sa richesse, sa bienveillance, son amour des choses simples. Et pourtant, s’il y a bien une chose impossible à faire chez soi sans devenir complètement fou, c’est le panettone.

De la farine, des oeufs, du lait, du beurre, du sucre, des raisins secs, des fruits confits, de la levure… rien de bien sorcier. Et pourtant si, c’est tout ce qu’il y a de plus sorcier, un panettone. Un panettone traditionnel aurait besoin de 72h et une double lévitation naturelle, sans parler du fait que tu es censé réaliser ton levain de pain toi-meme, sinon c’est le désastre assuré. Aujourd’hui et depuis 2005, la dénomination « panettone » est protégée par une loi italienne qui stipule la liste de ses ingrédients et le procédé rigoureux pour le réaliser.

N’est pas panettone qui veut.

C’est le cadeau par excellence en Italie. On l’offre à ses employés, à ses voisins, à ses professeurs, à son médecin, à ses cousins, on l’apporte à la table de Noël de la mamma ou de la nonna, il trône, toujours, au milieu de tous les autres desserts italiens traditionnels – les abricots secs, le torrone, les dattes, les struffoli, le pandoro,… c’est lui, le roi de Noël en Italie. Dans les rues à partir de la mi-novembre, les Italiens se baladent avec au bout des doigts cette drôle de boite ni carrée ni rectangulaire.

J’aime l’idée du panettone, parce qu’il se partage, parce qu’il est gros, parce qu’il n’est pas prétentieux, parce qu’il est moelleux, parce qu’il se trempe dans le cappuccino ou il se grille légèrement au four, parce qu’il peut se recycler dans un autre dessert, parce qu’il se mange au petit-déjeuner, le jour de Noël, quand le sol est encore jonché de rubans et de papiers-cadeaux déchirés, le sapin qui clignote, tout le monde en pyjama, la Moka triomphante et fumante sur la table, cette atmosphère douce et chaleureuse, celle qui efface toutes les tensions de l’année, celle qui réconcilie les membres de la famille, comme à la fin d’un marathon, quand tu es tellement heureux d’être là que tu débordes d’amour pour tout le monde. Même quand ta nièce de 8 ans te demande de résoudre le casse-tete qu’elle a reçu la veille et que tu galères pour ne pas la décevoir. Et redonne-moi une tranche de panettone.

Tu erres l’après-midi dans la cuisine, il est toujours là.

Et le soir, tu ne veux pas dîner parce que tu n’en peux plus, mais un petit morceau de panettone devant la cheminée, ça ne se refuse pas.

Ce que j’ai toujours trouvé d’extraordinaire avec la gastronomie italienne, c’est qu’elle est née avant l’Italie. Réfléchis. Les Italiens ont d’abord inventé la pasta (12 siècles avant Marco Polo quand même), le tiramisù, le parmigiano reggiano, la mozzarella di bufala, le gelato, la pizza margherita, l’olio d’oliva, etc. et ENSUITE, ils ont créé l’Italie. Comme s’ils avaient attendu patiemment d’avoir une base solide avant de faire leur pays. Puis ces merveilleux produits ont voyagé à travers la botte, et ce sont eux qui ont réellement fait le lien entre les régions en Italie. De la Lombardie jusqu’en Sicile, ce pain riche est sur toutes les tables.

Il est Milanais, et a été vraisemblablement inventé vers la fin du XVème siècle, lors d’un banquet donné par Ludovico Sforza – il Moro – descendant des Visconti. La légende raconte que la veille du banquet, le petit Toni, sous-fifre du chef, avait pour mission de surveiller la cuisson du dessert. Il s’est endormi. Le dessert a brûlé. Panique totale dans la cuisine des Visconti. Toni a pris ce qu’il trainait de levain, de beurre, de sucre, de fruits confits, de raisins secs – et paf ! – il en est sorti ce pain plus riche qu’à l’accoutumée et que les convives ont adoré. Suite à cet « incident », les Visconti-Sforza en ont fait un dessert traditionnel de leurs banquets, et l’ont baptisé « Le’ Pan di Toni » devenu par la suite ce bon « panettone« …

Depuis, et pendant des siècles, les Italiens ne se sont jamais lassés de ce gâteau, dans toutes ses variantes (chocolat, à l’orange, au marsala, au mascarpone, au blé complet,…) et dans toutes ses formes (basso, alto, mini,…). Il était même de coutume de rompre le panettone, d’en distribuer à chaque membre de la famille, et de garder une part pour l’année suivante. Pour la continuité, pour la prospérité. Superstitieux, si peu !

Le panettone est de bonne augure, il porte bonheur, alors ne te prive pas d’Italie, va te chercher un panettone (type Baulì, maison italienne et familiale) et partage-le avec ceux que tu aimes, ceux qui en ont besoin, ceux à qui ça fera plaisir.

Et une fois n’est pas coutume, je m’adresse à toi, lecteur de ce blog, et je t’envoie mes meilleurs « auguri » à toi et tous ceux qui te sont chers, merci d’avoir lu Mangiare Ridere en 2013, merci d’avoir partagé, merci d’avoir commenté, merci de m’avoir fait rire, de m’avoir émue, de m’avoir écrit sur le mail du blog,  merci d’aimer mon Italie autant que je l’aime.

On continue en 2014 avec autant de passion, d’excessivité et un soupçon de mauvaise foi.

Puis finissons l’année avec Adriano :

« Ma questa Italia qua,
Se lo vuole sa,
Che ce la farà…
E il sistema c’è,
Quando pensi a te…
Pensa anche un po’ per me »

Tanti cari auguri a tutti.
@flonot

PS : et 2014, surtout, c’est la coupe du monde, mais vivement – vivement ! – je n’en peux plus d’attendre, FORZA AZZURRI, je vais faire des réserves de panettone pour leur porter chance… :)

Arrabbiata.

Il se trouve que dernièrement, j’ai beaucoup de mal à écrire sur ce pays que d’ordinaire je flagorne avec adoration et exagération, en considérant a priori comme irrecevable toute critique à son encontre, qu’elle soit construite, provocatrice, ou simplement trollesque. Et j’adore le faire, j’aime déifier l’Italie, je raffole de sa Dolce Vita, je me complais dans ses défaillances et parfois, souvent, contre toute attente, j’en redemande. Comme un amoureux à qui je pardonnerais tous ses défauts, trop aveuglée que je suis par mon amour passionnel envers l’Italie, je refuse ne serait-ce que l’éventualité qu’elle pourrait me décevoir.

Mais voilà, après quelques années en Italie, la colère remue mes sentiments transi-amoureux. Je ne trouve plus à lui pardonner. Je n’ai plus l’énergie de lui pardonner. Il ne s’agit pas de la colère qui a accompagné la défaite de l’Italie en finale contre l’Espagne, le penalty raté de Baggio en finale contre le Brésil, le but en or de Trezeguet. Non.

Je suis vraiment en colère.

En colère contre ce pays qu’on dit ingouvernable. Une génération entière jetée à la poubelle. Vingt années passées à offrir une place, des régions, des ministères à un Berlusconi délinquant et ses alliés d’extrême droite, à banaliser ses idées les plus abjectes, à transformer la télévision en réceptacle à Italiennes à poil.

Et là maintenant qu’il gît, le râle au bout du souffle, après avoir mis le pays à genoux, avoir menacé une nouvelle fois de tout faire éclater, pour finalement se raviser à la dernière seconde, histoire de ridiculiser un peu plus ce pays, qu’est-ce que les Italiens ont fait? Ils ont donné du pouvoir à un clown démago aux discours qui n’ont rien à envier aux extrémistes.

Je suis en colère.

En colère contre nous, les Italiens, qui ne sommes pas capables, en 2013, de voter une loi anti-homophobie, et ce, au nom de la “liberté d’expression”. Oui, tu as bien lu. Les Italiens veulent avoir tout le loisir de tabasser du pédé. Je pensais avoir tout lu et entendu lors du débat sur le mariage pour tous en France, c’était sans compter sur le coming-out homophobe de mes compatriotes italiens.

En colère contre nous, les Italiens, qui lançons des cris de singe dans les stades quand Mario Balotelli, un enfant de notre propre pays, touche le ballon. Ou des bananes à notre ministre de l’intégration Cecile Kyenge.

En colère contre nous, les Italiens, qui ne trouvons rien de mieux à faire que de poursuivre en justice les survivants de Lampedusa, coupables d’avoir survécu à l’horreur, coupables de ne pas être morts pendant la traversée. Parce que nous avons laissé des politiques voter le “délit de clandestinité”.

En colère contre nous, les Italiens, qui avons traversé les mers, les océans pendant des siècles, animés par le même espoir d’une vie meilleure et d’un futur joyeux et esclavagisons les survivants de la traversée pour ramasser nos tomates. C’est la rage qui me tord la gorge maintenant.

En colère contre nous, les Italiens, qui laissons pourrir notre jeunesse, qui tuons son enthousiasme, lui donnant les conditions de travail les plus précaires et les plus indignes d’un pays développé, en y insérant parfois des clauses de salaire maximum à 5.000 euros par an.

En colère contre nous, les Italiens, qui tuons à petit feu toutes les merveilles que l’Histoire nous a léguée, qui ne réalisons pas cette chance inouïe que nous avons de grandir et de vivre au milieu des signes les plus nobles de notre culture. Pompei a traversé les millénaires au rythme des éruptions du Vésuve, mais aujourd’hui c’est l’UE qui doit la sauver, elle ne survivrait pas aux Italiens du XXIe siècle.

Et je suis en colère, car je sais bien que tant que les Italiens auront du pain et la pasta sur la table, il ne se passera jamais rien dans ce pays, qu’il faudra des années et des années avant de voir les infimes changements positifs dans les mentalités et dans la société.

Oui, j’ai la rage. Une rage italienne. Une colère qui sue jusque dans notre cuisine. L’arrabbiata. L’enragée. Il n’y a vraiment que les Italiens pour cuisiner un sentiment. Les penne all’arrabbiata. Les pennes de la colère. Pour donner vraiment vie aux ingrédients. Pour leur donner un sens. Ça, je dois admettre que je ne pourrai jamais l’enlever aux Italiens. Au moins, ça, on sait le faire.

Comme pour me dire : pazienza, comme une vieille nonna qui me dirait “l’Italie finit toujours par s’en sortir, tu verras, on en a vu d’autres – mammamia, tu trouveras de nouvelles ressources pour lui pardonner. En attendant, mange tes pâtes.

C’est peut-etre meme bien par là qu’arrivera notre salut. Chissà.

Deux ou trois piments pour avoir une raison de devenir tout rouge – au cas où on n’en avait pas assez, coupés en rondelles, qu’on fait revenir avec une ou deux gousses d’ail dans de l’huile d’olive. Quand l’ail a coloré, tu retires les gousses et tu verses une boite de tomates pelées préalablement mixées ou émiettées dans ta poêle. Un peu de sel, un peu de poivre, ¼ d’heure à feu doux/moyen.

Puis des penne al dente, sautées dans la poêle.

Du pecorino romano. Ou du parmigiano reggiano, éventuellement, mais ne le dis pas aux Romains, tu vas nous les énerver encore plus.

Il parait que la réussite de ce plat dépend uniquement de l’ingrédient fondamental : le degré de colère de son cuisinier, et toutes les grossièretés qu’il va proférer.

Je crois que je vais pouvoir cuisiner la meilleure arrabbiata de ma vie.

Et buon appetito.
@flonot

[Article publié sur slate.fr]

Spaghetti del Mare alla Enzo Molinari

Enzo Molinari, je l’adore.

1988, « Le Grand Bleu », j’ai 7 ans, la France découvre la douceur et la poésie de l’Italie du Sud et les couleurs du tempérament sicilien de Enzo et sa famille.

Enzo est beau. Impulsif, excessif, sensible, fort, généreux, épicurien, égoïste, fragile, et affectueux. Il exagère, il recommence, il plonge, il revient, il caresse, il blesse, il regrette, il pardonne et se fait pardonner.

C’est Enzo, c’est le reflet caricaturé de l’Italien, comme on l’imagine, à tort et à raison, celui qui nous fascine et qui nous agace. Quand j’étais petite et qu’autour de moi on s’extasiait sur « Le Grand Bleu », je me disais dans mon for intérieur : « Oui, et Enzo, il est ITALIEN. Il pourrait être mon ONCLE. D’ailleurs, j’ai un oncle, il est comme ENZO ». Ma petite revanche personnelle sur la vie et les moqueries à base de tortue ninjas. Tout le monde voulait être comme Enzo, avoir son charisme, son rire, sa prestance, son allure.

Sa tchatche.

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Insalata caprese e penne alla crudaiola !

Caprese2013.

L’année où le printemps nous a été volé. Je ne vais pas m’étendre davantage sur le comment du pourquoi, mais le fait est que, même en Italie, le ciel ne nous a pas régalé de son bleu azur imperturbable et de ses rayons de soleil si chaleureux. On nous a volé le printemps… pire, l’été est à risques. D’habitude on est là, déjà tous dorés qu’on est au mois de juin, à twitter nos photos d’aperitivi et à se moquer des Français qui non seulement ont perdu la coupe du monde mais en plus se tapent la pluie tous les jours.

Mais le voilà qu’il est revenu, en Italie et en France aussi. Nous n’y croyions plus et étions certains qu’il était prêt à se dérober à tous moments pour laisser place à la pluie, le vent, les nuages gris et les incantations désespérées des Italiens: «Ma perché ?! BASTA LA PIOGGIA, BASTA !»

Le plus triste, le plus abattu de ces Italiens, c’est le vendeur de fruits et légumes. Qui tous les matins d’ordinaire sort fièrement ses étalages sur le trottoir, sifflote et te souhaite une bonne journée avec un sourire large jusqu’aux oreilles.

Des abricots, des pêches, des cerises, des pastèques, des melons, en veux-tu en voilà, toute l’Italie dans ces cagettes, tout le soleil des Pouilles et de la Campanie sous tes yeux, un tableau de maître, Arcimboldo lui-même n’en croirait pas ses pinceaux.

Et des tomates. Des tomates par dizaines, de toutes les formes, de tous les tons de rouge, pour tous les goûts.

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Parmigiano Per Tutti !

Parmigiano Reggiano D.O.P.

 

En toute objectivité, c’est le roi des fromages.

Je n’ai pas l’intention de tergiverser pendant des plombes. Il n’y a pas de matchs possible. C’est le marbre des dieux. Il est à nos papilles gustatives, ce que Elvis est au rock, ce que la Joconde est au Louvre, ce que le champagne est à la France, ce que l’Italie est à l’univers, ce que le soleil est à l’été français.

Surprenant mais jamais irritant, magnifique mais jamais envahissant. Simple mais jamais lassant. Et surtout quand il manque, nos vies sont froides, ternes, insipides et sans intérêt.

Et en plus il est beau, ce héros de la cuisine. Le gendre idéal.

Qui a fait connaître Parme et l’Emilie-Romagne dans le monde entier.

Un chef d’oeuvre tous les jours depuis neuf siècles.

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