Le’ Pan’ de Toni

Panettone

Allez, on oublie tout.

On ne garde que le meilleur. Que le plus simple. Que les bons moments à partager.

L’Italie qui se fait pardonner, qui te fait sourire, qui te cajole et te fait mordre la vie à pleines dents. Celle qui te caresse, te console, celle qui nous rapproche. Elle te ferait oublier tous ses défauts, tiens. Elle calmerait toutes les rages. Parfois je me dis que c’est pour ça, qu’elle tient bon. Tout cet amour, partout, dans tout ce que tu vois, entends, touches, goûtes, c’est de la colle forte, ça se faufile sous ta peau et tu ne peux plus t’en passer. Italia jusque dans la peau.

Je le saluais déjà en souriant, ce vieux « signore » qui boit son caffè ristretto tous les matins dans le même bar que moi, mais en ce moment on se serre la main et on se souhaite de bons « Auguri« .

L’Italie qui rapproche les gens. L’Italie abondante et généreuse, comme son panettone.

Encore une histoire invraisemblable que celle du panettone, encore une histoire qui raconte l’Italie, sa richesse, sa bienveillance, son amour des choses simples. Et pourtant, s’il y a bien une chose impossible à faire chez soi sans devenir complètement fou, c’est le panettone.

De la farine, des oeufs, du lait, du beurre, du sucre, des raisins secs, des fruits confits, de la levure… rien de bien sorcier. Et pourtant si, c’est tout ce qu’il y a de plus sorcier, un panettone. Un panettone traditionnel aurait besoin de 72h et une double lévitation naturelle, sans parler du fait que tu es censé réaliser ton levain de pain toi-meme, sinon c’est le désastre assuré. Aujourd’hui et depuis 2005, la dénomination « panettone » est protégée par une loi italienne qui stipule la liste de ses ingrédients et le procédé rigoureux pour le réaliser.

N’est pas panettone qui veut.

C’est le cadeau par excellence en Italie. On l’offre à ses employés, à ses voisins, à ses professeurs, à son médecin, à ses cousins, on l’apporte à la table de Noël de la mamma ou de la nonna, il trône, toujours, au milieu de tous les autres desserts italiens traditionnels – les abricots secs, le torrone, les dattes, les struffoli, le pandoro,… c’est lui, le roi de Noël en Italie. Dans les rues à partir de la mi-novembre, les Italiens se baladent avec au bout des doigts cette drôle de boite ni carrée ni rectangulaire.

J’aime l’idée du panettone, parce qu’il se partage, parce qu’il est gros, parce qu’il n’est pas prétentieux, parce qu’il est moelleux, parce qu’il se trempe dans le cappuccino ou il se grille légèrement au four, parce qu’il peut se recycler dans un autre dessert, parce qu’il se mange au petit-déjeuner, le jour de Noël, quand le sol est encore jonché de rubans et de papiers-cadeaux déchirés, le sapin qui clignote, tout le monde en pyjama, la Moka triomphante et fumante sur la table, cette atmosphère douce et chaleureuse, celle qui efface toutes les tensions de l’année, celle qui réconcilie les membres de la famille, comme à la fin d’un marathon, quand tu es tellement heureux d’être là que tu débordes d’amour pour tout le monde. Même quand ta nièce de 8 ans te demande de résoudre le casse-tete qu’elle a reçu la veille et que tu galères pour ne pas la décevoir. Et redonne-moi une tranche de panettone.

Tu erres l’après-midi dans la cuisine, il est toujours là.

Et le soir, tu ne veux pas dîner parce que tu n’en peux plus, mais un petit morceau de panettone devant la cheminée, ça ne se refuse pas.

Ce que j’ai toujours trouvé d’extraordinaire avec la gastronomie italienne, c’est qu’elle est née avant l’Italie. Réfléchis. Les Italiens ont d’abord inventé la pasta (12 siècles avant Marco Polo quand même), le tiramisù, le parmigiano reggiano, la mozzarella di bufala, le gelato, la pizza margherita, l’olio d’oliva, etc. et ENSUITE, ils ont créé l’Italie. Comme s’ils avaient attendu patiemment d’avoir une base solide avant de faire leur pays. Puis ces merveilleux produits ont voyagé à travers la botte, et ce sont eux qui ont réellement fait le lien entre les régions en Italie. De la Lombardie jusqu’en Sicile, ce pain riche est sur toutes les tables.

Il est Milanais, et a été vraisemblablement inventé vers la fin du XVème siècle, lors d’un banquet donné par Ludovico Sforza – il Moro – descendant des Visconti. La légende raconte que la veille du banquet, le petit Toni, sous-fifre du chef, avait pour mission de surveiller la cuisson du dessert. Il s’est endormi. Le dessert a brûlé. Panique totale dans la cuisine des Visconti. Toni a pris ce qu’il trainait de levain, de beurre, de sucre, de fruits confits, de raisins secs – et paf ! – il en est sorti ce pain plus riche qu’à l’accoutumée et que les convives ont adoré. Suite à cet « incident », les Visconti-Sforza en ont fait un dessert traditionnel de leurs banquets, et l’ont baptisé « Le’ Pan di Toni » devenu par la suite ce bon « panettone« …

Depuis, et pendant des siècles, les Italiens ne se sont jamais lassés de ce gâteau, dans toutes ses variantes (chocolat, à l’orange, au marsala, au mascarpone, au blé complet,…) et dans toutes ses formes (basso, alto, mini,…). Il était même de coutume de rompre le panettone, d’en distribuer à chaque membre de la famille, et de garder une part pour l’année suivante. Pour la continuité, pour la prospérité. Superstitieux, si peu !

Le panettone est de bonne augure, il porte bonheur, alors ne te prive pas d’Italie, va te chercher un panettone (type Baulì, maison italienne et familiale) et partage-le avec ceux que tu aimes, ceux qui en ont besoin, ceux à qui ça fera plaisir.

Et une fois n’est pas coutume, je m’adresse à toi, lecteur de ce blog, et je t’envoie mes meilleurs « auguri » à toi et tous ceux qui te sont chers, merci d’avoir lu Mangiare Ridere en 2013, merci d’avoir partagé, merci d’avoir commenté, merci de m’avoir fait rire, de m’avoir émue, de m’avoir écrit sur le mail du blog,  merci d’aimer mon Italie autant que je l’aime.

On continue en 2014 avec autant de passion, d’excessivité et un soupçon de mauvaise foi.

Puis finissons l’année avec Adriano :

« Ma questa Italia qua,
Se lo vuole sa,
Che ce la farà…
E il sistema c’è,
Quando pensi a te…
Pensa anche un po’ per me »

Tanti cari auguri a tutti.
@flonot

PS : et 2014, surtout, c’est la coupe du monde, mais vivement – vivement ! – je n’en peux plus d’attendre, FORZA AZZURRI, je vais faire des réserves de panettone pour leur porter chance… :)