Buon Natale a tutti.

cotechino

Comment ne pas littéralement chérir la période de Noël  en Italie. Je me fiche d’être sans doute trop romantique, trop sensible, trop naïve, mais moi, voir tous ces gens emmitouflés dans les rues, sous les lumières clignotantes des sapins et des vitrines, le panettone dans une main, le pandoro dans l’autre, ça m’émeut infiniment. C’est le seul moment de l’année où l’Italie est kitsch. Classe, mais kitsch, alors autant ne pas en perdre une miette de torrone.

Et puis les Italiens, quoiqu’ils en disent, adorent Noël .

Ils aiment se plaindre ironiquement des repas dantesques à ingurgiter en souriant, ils râlent avec affection au sujet de la famille à supporter, ils grommellent en pensant à tous les auguri à souhaiter et les panettone à offrir, ils adorent en fin de compte s’asseoir à table le 24 au soir et enchainer non pas un, ni deux, ni trois, mais bien cinq gigantesques repas de Noël. Oui, parce qu’en Italie, on fête la “vigilia” (la veille), “Natale” (Noël)  et “Santo Stefano” (fête de la Saint Etienne, jour férié en Italie). Sans compter tous les presque-repas-de-Noël  jusqu’au 6 janvier, jour de l’épiphanie et de la “Befana”, la sorcière et ses haillons qui se rend dans les maisonnées la nuit et se charge de couvrir de charbon les enfants qui n’ont pas été sages.

Bref, à Noël , les Italiens font ce qu’ils savent faire de mieux : L’INTERMINABLE REPAS DE FAMILLE.

Dès que l’été commence à balbutier et s’évanouit lentement au rythme des arbres qui se colorent, les Italiens commencent à bavarder au sujet de Noël . Plus précisément en Emilie-Romagne, l’organisation du repas de Noël  relève de la préparation du G20. A partir de début Novembre, les Italiens du Parmense, du Reggiano, du Modenese, et du Bolognese, commencent à préparer leurs plats pour le repas du 25 décembre.

Deux mois avant, tu as bien lu.

C’est à dire que réaliser de A à Z quelques 1000, 1200, 1500 anolini ou cappelletti (ravioli à la viande), ça prend du temps et surtout ça demande une logistique sans faille. Tout le monde s’y met, des petits-enfants aux grands-parents, toute la famille et les amis réunis pour impastare (faire la pâte), tirare la sfoglia (laminer la pâte), et farcir les cappelletti. Une tradition indéboulonnable qui revient systématiquement tous les ans, souvent sous la baguette et l’oeil avisé de la nonna qui détient bien entendu la seule et unique recette véritable des cappelletti. Ils seront ensuite congelés et dégustés la veille de Noël , flottant dans le brodo (bouillon) jusqu’à l’Epiphanie. D’ailleurs dans le coin on les appelle les “galleggianti” – les flottants. Et comme bien entendu rien ne se perd, les restes seront précieusement conservés jusqu’au repas de Pâques.

Un brodo et des cappelletti, dans le froid acéré et le brouillard compact de la pianura padana, c’est sincère, c’est délicat, divin et doux, ça se partage, ça réchauffe les cœurs les plus tristes. Pour comprendre il ne te reste désormais et selon toute évidence plus qu’à rappliquer à Parme entre décembre et février, et ce, tous les hivers que le ciel fera.

Tu ne seras pas déçu du voyage, parce que l’autre plat traditionnel d’Emilie-Romagne en période de Noël , c’est le cotechino con le lenticchie.

L’Italie n’a rien inventé de plus rustique que le cotechino con le lenticchie.

Ca ressemble un peu au « petit salé aux lentilles » auvergnat, puisque c’est aussi un morceau de porc bien bien BIEN gras accompagné de fines lentilles revenues dans de l’huile d’olive, quelques aromates, et un peu de pulpe de tomates.

Personnellement, j’en rafole.

Mais alors, qu’est-ce que le cotechino ?

« Del maiale non si butta via niente » est la version italienne du « Dans le cochon tout est bon », et Dieu sait combien les Italiens ne rigolent pas avec le cochon. Eux, ils te prennent les restes du cochon, et ils t’en font du caviar.

DU CAVIAR TU M’ENTENDS ?

Finir dans un cotechino à Parme tous les cochons en rêvent!

Le cotechino est le plat des pauvres de la campagne modenese au XVIIIe. On le mangeait avec une bonne zuppa di legumi – soupe de légumineux – ou bien pour accompagner le minestrone. Ou même entre deux tranches de pain pour un panino venu tout droit du paradis de Dante.

C’est au siècle suivant qu’il a acquis une certaine noblesse en devenant le plat de l’aristocratie parmesane et en recueillant les faveurs des chefs et critiques les plus renommés de l’époque, notamment Pellegrino Artusi, célèbre gastronome qui a inscrit dans le marbre LA recette du minestrone.

Donc revenons à mon cochon, le cotechino c’est tout simplement les « restes » de viandes maigres et grasses comme la “spalla” (l’épaule), le “guanciale” (la joue) et la “pancetta” (la poitrine) dont personne de la haute ne voulait. Et évidemment beaucoup de “lardo” (le saindoux). Les paysans hachaient la viande, et l’assaisonnaient abondamment de sel, poivre, noix de muscade, et clous de girofle. Le mix d’épices est en fait le secret bien gardé de chaque « salumiere », c’est ce qui caractérise chaque cotechino. Ensuite il suffisait d’insaccare dans la peau du cochon (on me dit que le terme technique est l’embossage), recoudre, et voilà, le cotechino et ton taux de cholestérol sont prêts !

Mais cessons la technique, parce que le cotechino, c’est surtout de l’émoi jusqu’à l’ivresse et de la simplicité jusqu’à la plénitude.

On le fait bouillir pendant deux heures dans de l’eau non salée – crois-moi, ça ne sert à rien de saler le cotechino – avec des feuilles de laurier, des clous de girofle, et si tu veux, une carotte, une branche de céleri, un oignon. Puis tu le découpes en tranches bien épaisses et tu le sers avec des lentilles.

Les lentilles. Chez nous on fait les meilleures, on ne va quand même pas s’excuser : la bien nommée précieuse “Lenticchia di Castelluccio di Norcia” dont l’origine géographique est protégée (IGP). Elle est cultivée depuis toujours à 1500m d’altitude, dans le parc national des Monti Sibillini, entre l’Ombrie et les Marche, au coeur des Appenins, là où la terre peut se reposer en hiver, couverte et à l’abri sous un épais manteau de neige. Le centre de l’Italie, cette région méconnue des touristes, préservée, et magnifique.

Ces petites pépites que tu auras sagement laissé reposer dans l’eau pendant au moins douze heures, et que tu auras fait revenir dans de l’huile d’olive avec une gousse d’ail et un peu de pulpe de tomates. Tu termines par une louche de bouillon du cotechino. Tu les sales à la fin sinon elles seront dures, alors que toi, tu veux qu’elles fondent dans la bouche comme une crème.

En plus de faire lit douillet du cotechino, elles te porteront chance pour l’année qui vient. Comme autant de petites pièces de bonne augure, d’abondance et de prospérité.

En tous cas l’Italie te le souhaite. Elle y a mis tout son savoir faire, sa générosité, son abondance et son authenticité.

La tradition pour ne pas oublier d’où on vient, parce qu’à Noël , quand ta table sera remplie de toutes ces petites merveilles, tu penseras à ceux qui, il y a longtemps, n’avaient rien que des restes de cochons et quelques lentilles pour fêter en famille la fin de l’année.

On accompagnera ce plat du bon conseil de Sand.

On finira par une tranche de panettone, ou de pandoro, pas de jaloux.

Et on sera rassasié et heureux.

Gras, mais heureux.

Buon natale a tutti.
@flonot

Parmigiano Per Tutti !

Parmigiano Reggiano D.O.P.

 

En toute objectivité, c’est le roi des fromages.

Je n’ai pas l’intention de tergiverser pendant des plombes. Il n’y a pas de matchs possible. C’est le marbre des dieux. Il est à nos papilles gustatives, ce que Elvis est au rock, ce que la Joconde est au Louvre, ce que le champagne est à la France, ce que l’Italie est à l’univers, ce que le soleil est à l’été français.

Surprenant mais jamais irritant, magnifique mais jamais envahissant. Simple mais jamais lassant. Et surtout quand il manque, nos vies sont froides, ternes, insipides et sans intérêt.

Et en plus il est beau, ce héros de la cuisine. Le gendre idéal.

Qui a fait connaître Parme et l’Emilie-Romagne dans le monde entier.

Un chef d’oeuvre tous les jours depuis neuf siècles.

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Il Parmigiano e l’Emilia-Romagna. Storia d’Amore.

Parma

29 mai 2012.

Parme, Emilie-Romagne. Les bruits de la rue me réveillent, comme tous les matins. Les employés des bars qui installent les chaises et les tables sur les terrasses, les camions qui viennent livrer les fruits, légumes, poissons, viandes, et autres mozzarelle chez les petits commerçants, les parents qui accompagnent à pieds les enfants à l’école primaire du quartier. Les Italiens qui prennent leur caffè en se lançant des “Oh ciao caro ! Buona giornata !”.

Caffè macchiato au bar, lunettes de soleil, je saute sur ma Vespa, chaleur étouffante. Comme tous les matins depuis que le soleil s’est bien installé dans le ciel et que rien ne semble pouvoir l’y déloger.

Le même trajet tous les matins, le vent qui fouette mes joues, quelques minutes bien rafraîchissantes sous cette canicule. Il ne se passe rien de particulier, ces temps-ci, c’est bientôt l’été, les terrasses italiennes sont pleines à craquer, la lumière est agréable, et le joyeux brouhaha quotidien augure une belle saison au rythme des gelati et des aperitivi.

Arrivée au bureau, je traverse le grand couloir en saluant, comme tous les matins, mes collègues d’un souriant “Ciao !”.

J’allume l’ordinateur. Pour une fois je suis arrivée peu avant 9h. D’ailleurs seuls 2 de mes 7 comparses avec lesquels je partage mon bureau sont là.

Naturellement, on attend que tout le monde soit arrivé pour le rituel du caffè matinal. On ne commence pas à travailler sans avoir passé 10 minutes tous ensemble autour d’un espresso.

9h.

Un bruit sourd. Un bruit loin. Un bourdonnement. Qui se rapproche de plus en plus. Je regarde ma collègue, figée, interloquée. J’ai la main crispée sur ma souris. Ma collègue est debout, elle a stoppé net ce qu’elle était en train de faire, quelques papiers à la main. Lire la suite

Parma… Oh Mamma.

Je t’avais déjà parlé de Parma et de l’Emilie-Romagne, ici. J’étais à peine arrivée ici que j’étais déjà follement tombée amoureuse de cette région. Pourquoi ? Parce que si les Italiens sont en général hystériquement passionnés par leur gastronomie, leur cuisine, leurs traditions, à Parme et en Emilie-Romagne, cette passion atteint un paroxysme qui m’étonne moi-même.

Oui. Et pourtant on ne peut pas dire que je sois la dernière des passionnées. C’est à dire que je ne pouvais pas imaginer qu’on puisse être plus passionnés, plus pointilleux, plus méticuleux, et plus excessifs sur la cuisine Italienne et le savoir-vivre Italien que moi.

Laisse-moi te dire qu’à Parme, je passe pour une vulgaire novice.

Quand je vais m’émerveiller d’un risotto alla parmigiana, somptueusement crémeux et savoureusement beau, mes amis parmesans vont faire la moue et me regarder comme si je ne connaissais rien à l’Italie. Ça calme. J’en prends pour mon grade. D’ailleurs j’en tremble un peu en écrivant ce billet, un peu comme quand tu trembles en faisant la carbonara, de peur de faire une bêtise. Ils ne se contentent jamais, à la recherche incessante de la perfection.

Il caffè ?
« Celui-là est trop brûlé, je préfère celui de la Via [insérer n’importe quelle rue] encore qu’il était bien meilleur quand c’était Mario qui le faisait. »

Il prosciutto di Parma ?
« Non mais tu ne vois pas qu’il sent trop la cave ? Immangeable. Il faudrait que tu goutes celui de Michele, sur la colline. »

I Tortelli ?
« Pfff. Ceux de ma mère sont meilleurs. »

Il parmigiano ?
« Il s’effrite trop facilement celui-là. »

Telle ou telle trattoria ?
« Moui. C’est vrai on mange PAS TROP MAL là-bas. »

Alors que toi tu as les larmes aux yeux tellement c’est bon.

Clairement.

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Parma – Emilia Romagna

Il Crudo di Parma

Parme mérite à elle-seule un post complet.

Parme, c’est la capitale de la gastronomie Italienne. Ici tout respire la bonne cuisine. Dans les rues ça sent bon le Prosciutto Crudo.

Il Crudo” – parce qu’il n’en existe qu’un seul pour eux, et quand vous l’aurez gouté, il n’en existera qu’un seul pour vous aussi.

Oui, parce que vous n’avez jamais gouté “il Prosciutto di Parma” avant d’avoir été à Parme. C’est bien simple, moi qui suis une inconditionnelle de la charcuterie sous toutes ses formes, je suis née le jour où j’ai gouté ici, à Parme, le vrai “Crudo di Parma”. Il est… différent.

Il est fin, il est élégant, il a cette couleur si caractéristique du vieux rose tirant sur le rouge, il a une odeur incomparable, il fond sur la langue. Il se pose délicatement sur la “Torta Fritta”, ce beignet frit en forme de coussin, léger comme l’air. Il se marie à merveille avec le melon, à la perfection à la Mozzarella di Bufala, ou tout simplement avec quelques copeaux de Parmigiano Reggiano.

Le seul et l’unique. Doux. Presque sucré.

Il se mange à peu près à toutes les heures du jour ou de la nuit. 18 mois, 24 mois, 36 mois, on en redemande encore et encore. Je ne connais pas leur secret, apparemment cela aurait à voir avec le vent marin – Il Marino – qui vient s’engouffrer à l’aube dans les ateliers de séchage, mais je ne veux meme pas savoir. Qu’ils gardent ce secret bien enfoui dans leurs collines, parce que c’est un feu d’artifice de bonheur gustatif à chaque fois.

Je ne crois pas qu’il existe une seule famille Parmesane qui n’aie pas chez elle une véritable “Affettatrice” (Trancheuse à jambon) car ici, le jambon se mange frais, à peine tranché. Comme partout en Italie en fait, mais ici plus que jamais. On le met dans les panini, sur les pizze, dans la pasta, et à chaque fois j’ai l’impression de le gouter pour la première fois.

Ce serait bien entendu réducteur de penser qu’à Parme il n’y a que le Prosciutto Crudo. Non, non, non, et pour notre joie la plus infinie, les « Emiliani » – habitants de la région Emilia-Romagna – excellent aussi dans tout le reste. Salame di Felino, Culatello, Pancetta, Mortadella, Speck, Spalla Cotta, il m’est arrivé de pleurer d’émotion devant mon traiteur !

Puis le Parmigiano Reggiano. Une religion. On devrait tous faire une petite prière avant de manger un morceau de Parmigiano Reggiano, juste pour remercier le destin qui nous a mis sur sa route. Parfois, ils vous en servent en fin de repas, avec un peu d’Aceto Balsamico di Modena, ou de miel.

Venez me redire qui est l’autre pays du fromage, s’il vous plait ?

Puis la Pasta. Les Tortelli alle erbette, alla zucca, alla ricotta, les Capelletti, les tagliatelle, toutes la pasta à base d’oeuf, toute la pasta ripiena (farcie), les lasagne, les tagliolini, mio Dio ! il faudrait une vie entière pour pouvoir tout savourer. Ici, vous etes dans la ville des Barilla !

Puis la Carne. Vous etes dans une région où la cuisine est de “Terre”. Donc on sait cuisiner la viance ici. Les involtini, tranches de filets de veau drapées dans… du prosciutto di Parma ;-). Autre spécialité : “Il Pesto di Cavallo”, tartare cru de cheval. Coupé au couteau evidemment. Oui ils aiment bien manger du cheval ici.

Il n’y a pas un endroit à Parme où vous mangerez mal. Si une trattoria ou un restaurant n’est pas à la hauteur, clé sous la porte immédiatement, les gens n’iront pas et le bouche à oreille est totalitaire. On ne plaisante pas avec la bouffe ici. Donc allez-y sans crainte, vous mangerez bien de partout (mais je vous livre quand meme dans un second post mes adresses préférées).

Si vous aimez la gastronomie Italienne et que vous avez la chance de venir passer des vacances en Italie, vous devez – VOUS DEVEZ – faire un détour par Parme, juste pour déjeuner, diner, faire un gouter, ce que vous voulez, mais venez-y. Vous n’allez pas en croire vos papilles.

(Et en plus, la ville est très jolie)

Ciao !

@flonot