Antonietta : « – E mo’ p…

Antonietta : « – E mo’ perchè ridete? »
Gabriele : « – Perchè la vita è fatta di tanti momenti diversi, e ogni tanto arriva anche il momento di ridere, così all’improvviso, come uno starnuto… a lei non capita mai? »

Una Giornata Particolare – Ettore Scola

La Pizza Margherita. Buona. Bella. Dolce. Vera.

Laisse-moi te présenter Margherita.

Elle te dit quelque chose, non ? Tu as l’impression de l’avoir déjà croisée, comme une sensation de « déjà-vu ».

Mouais.

Sauf que toi, celle que tu connais, c’est « Margarita ». Elle doit être sympa, Margarita – je ne dis pas, je ne la connais pas – mais pour te tromper et t’amadouer, elle se fait passer pour une belle Italienne et ça m’agace.

Sournoise. Sordide. Fausse.

Laisse-moi te dire qu’elle n’a STRICTEMENT RIEN d’une Italienne. Elle n’en a ni la classe, ni la douceur, ni la saveur, ni l’odeur.

Elle n’en a pas L’HISTOIRE.

Et pourtant toi – PAF ! – tu te fais avoir à chaque fois. Elle te fait les yeux doux, et tu fonces. A chaque fois. Et au lieu d’effeuiller et de croquer dans Monica Bellucci, tu te retrouves face à Rossy de Palma. J’ai envie de te dire, tant pis pour toi, hein.

Margherita, c’est une reine. C’est même la première reine d’Italie. L’Italie unifiée. Du nord au sud. Tu comprends ce que ça représente ? Tu comprends que Margarita, avec tout le respect que je lui dois – c’est-à-dire aucun – ne mérite que mon plus sombre mépris ?

Margherita, elle emballait les foules. Elle était charismatique. Elle se baladait dans toute l’Italie, allait à la rencontre du peuple et avait à cœur de montrer à quel point chacun de ses habitants faisait partie d’un seul et même pays : l’Italie.

L’Italia. Buona. Bella. Dolce. Vera.

Elle était très populaire, Margherita. Un jour, en juin 1889, elle s’est rendue à Napoli. Événement. Toute la cité in fibrillazione. Tu les imagines, les Napolitains, accueillant la toute première reine d’Italie ? Ils ont dû sortir leurs plus beaux atours. Mettre les plus belles nappes. Gesticuler dans tous les sens pendant des jours. Sortir la mandoline et composer des poésies d’amour à la gloire de la regina. Ils ont dû en faire DES TONNES, ces excessifs. Ils ont dû en parler des jours durant, avant. Et des jours durant, après.

Et puis il y a Raffaele. Raffaele Esposito. Dans sa petite boulangerie napolitaine. Qui se demande comment il allait bien pouvoir exprimer sa gratitude à la reine qui leur rendait visite pour la première fois. Comment il pourrait montrer toute la fierté qui était sienne d’être Italien dans une Italie tout juste unifiée. Et comment il aurait aussi, avec orgueil et pour la reine, rendu sa belle Napoli connue dans le monde entier.

DANS LE MONDE ENTIER.

On devrait tous avoir une petite icône de Raffaele dans nos portefeuilles. En mémoire. Pour le remercier.

Il n’avait pas grand-chose à disposition Raffaele. Il n’était pas très riche. Mais il avait envie de faire partie de la fête, à sa manière. Alors avec beaucoup d’amour et un peu de magie, Raffaele, il a pris une boule de son plus beau pain. Il l’a étalée devant lui et a composé son poème dédié à l’Italie.

Tomates. Mozzarella. Basilic.

La drapeau italien. Les tomates les plus juteuses de sa Campania. Sa mozzarella di bufala qu’il allait choisir lui-même là-haut dans la montagne. Son basilic le plus précieux, le plus chatoyant. Rien n’était trop beau pour l’Italie et pour Margherita.

Il a surveillé son œuvre dans le four à bois, fait dorer et l’a déposée dans sa vitrine, en nettoyant bien tout autour, pour que ce soit beau.

Et quand Margherita s’est arrêtée devant ce merveilleux éloge à l’Italie unifiée, elle en a saisi un morceau avec les doigts. Tu le vois, Raffaele, les bras sur les hanches, tout écarlate de fierté ? Même la regina Margherita mangeait sa pizza napoletana avec les mains !

Cette pizza, c’était son cadeau pour Margherita, pour Napoli, pour l’Italia.

La pizza margherita était née. Et elle allait devenir le symbole le plus triomphal de l’Italie dans le monde. Une explosion de simplicité.

Bien chaude, bien croustillante, coulante de ces tomates si savoureuses qu’on en redécouvre le goût à chaque fois. Filante de sa mozzarella di bufala. Embaumant le basilic. Quelques bijoux pour la première reine d’Italie.

Alors écoute-moi bien attentivement.

Tu vas cesser de souiller et travestir la margherita. Tu vas fracasser la tête du restaurateur qui veut te servir une « margarita ». Personnellement, la seule Margarita que je connais, elle est sucrée, dans mon verre, et elle me fait danser debout sur la table malgré moi.

Tu vas te souvenir de l’histoire de Raffaele Esposito, dans sa petite boulangerie napolitaine. Et tu vas, toi aussi, refuser la fatalité et redonner à Margherita et Raffaele tout le respect et l’estime qu’ils méritent.

Tu ne pourras plus te tromper à l’avenir. Tu ne DOIS plus te tromper à l’avenir. Tu n’as PLUS LE DROIT, parce que c’est l’histoire de l’Italie tout entière qui est entrée un peu dans ton cœur et qui est dorénavant entre tes mains.

Alors, souviens-toi.

Margherita.

Buona. Bella. Dolce. Vera.

Comme l’Italie.

Grazie Raffaele. Grazie di cuore.

@flonot

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La Caponata. Il Mezzogiorno Italiano.

Avant toute chose. Sache que ce plat typiquement sicilien – mais très répandu dans le sud de l’Italie – compte pas moins d’une quarantaine de variantes en Sicile elle-même. C’est pourquoi  tu ne t’attireras pas les foudres de la mamma siciliana, ni les miennes, si tu te laisses aller à un peu de créativité. Mais attention, ne prends pas tes aises, ce plat est une éloge au mezzogiorno italien, donc ne va pas me mettre n’importe quoi dedans.

Il faut que la caponata respire les oliviers de la Puglia, il faut qu’elle chante Syracuse, il faut qu’elle murmure les secrets de Stromboli, il faut qu’elle rayonne du soleil de la Calabria.

Je veux voir l’Etna dans ce plat. Pas moins.

Alors ne va pas t’amuser à me mettre du soja ou des cornichons, sinon je te coupe la main.

A la mode de chez nous.

Tu vois, ce genre de plat, dans le sud de l’Italie, ça te réconcilie avec les légumes. Tout simplement. C’est une révélation. Tu penses à tout ce temps perdu avant d’avoir goûté pour de vrai des aubergines, des courgettes, des tomates, des câpres… Quand les Italiens du Nord viennent dans le mezzogiorno, eux-mêmes n’en reviennent pas de ces parfums, de ces saveurs.

La caponata.

Le plat du pauvre ?

Le plat de la mamma, surtout, qui avec un peu de magie, sublimait tout ce qui poussait dans les terres alentours. Et qui, aujourd’hui, avec beaucoup d’amour va choisir ses légumes et menacer du doigt le maraîcher s’il essaye de lui refourguer autre chose que le meilleur de son potager. Une acheteuse impitoyable. Je ne plaisante pas. Si l’aubergine n’est pas au top, le maraîcher va passer un sale quart d’heure. Quiconque a essuyé la colère d’une mamma sait de quoi je parle.

Bien.

CE N’EST PAS UNE RATATOUILLE.
Enfin si. Mais en bien meilleur. D’autres questions ?

Alors pour une caponata chantante il te faut :

Petit a : Du céleri, des aubergines, des courgettes, des oignons, des tomates mures.

Petit b : De l’Huile d’Olive extra-vierge, du vinaigre blanc, des câpres de Lampedusa. Bon, si tu n’as pas des câpres de Lampedusa, ça me rend très triste pour toi, mais tu peux faire avec d’autres câpres.

Petit c : Des olives vertes, des raisins secs, des pignons, des pistaches.

Petit d : Du sel, du poivre, du sucre, du basilic.

Dans un premier temps, tu prends tes aubergines, tes courgettes, ton céleri, des tomates, et tu me coupes tout ça en petits cubes. J’ai vu un chef italien le faire devant mes yeux, alors je te livre quelques-unes de ses techniques :

L’aubergine : Tu la pèles, mais pas complètement. Tu alternes une grosse partie sans peau, une grosse partie avec peau. Elle doit être « rayée ». Pourquoi ? Parce que ça permet de la maintenir, elle ne s’écroulera pas dans ta poêle.

La courgette : Tu ne la pèles pas, mais tu fais en sorte de retirer la partie spongieuse. Le cœur, quoi. Ça permet d’avoir un légume bien croquant à la cuisson.

Le céleri : Tu aplatis la branche avec le plat de ton couteau, pour lui retirer cette forme de « demi-cercle ». C’est plus facile pour couper en petits cubes.

Dans une poêle à feu doux, tout doux, tu fais revenir les oignons blancs coupés en julienne dans de l’huile d’olive – SANS LES COLORER. Juste tu les étouffes un peu. Tu sales, tu poivres, et tu déglaces avec un peu de vinaigre blanc.

Dans une autre poêle à feu moyen, toujours avec de l’huile d’olive, tu fais revenir le céleri, la courgette, la tomate en les gardant croquants. Tu fais sauter tout ça d’un joli coup de poignet – hop hop hop. Heureux comme un Italien qui gagne la Coupe du Monde contre la France et qui chante « Azzurro… Il pomeriggio è troppo azzurro e lungo… per me… »

Caponata 1 – 0 Ratatouille

C’est gratuit. De rien.

Pour les aubergines, tu vas faire un truc un peu fou-fou. Tu vas les frire légèrement. Donc tu les farines et tu les plonges quelques instants dans de l’huile bouillante. Puis tu les essuies un peu pour ôter le trop plein d’huile et tu les ajoutes en fin de cuisson aux autres légumes, avec tes olives dénoyautées et coupées, les raisins secs, et les câpres. Une pincée de sucre pour parachever le chef-d’œuvre, tel Michelangelo donnant son dernier coup de pinceau au plafond de la capella Sistina.

Une fois que tout ça, ça sent bon la terre et les figuiers du mezzogiorno, une fois que c’est coloré, joyeux, et parfumé, tu déposes dans les assiettes et tu parsèmes avec des pignons toastés et des petites pistaches. Tu dégustes ça chaud, froid, en antipasto, en contorno avec une viande ou un poisson, c’est délicieux.

Ça réchauffe le cœur et ça transporte sans escale sous un olivier argenté de la Puglia.

Benvenuti a casa.

A presto !
@flonot

« Qui si fa l’Italia o s…

« Qui si fa l’Italia o si muore ! »

Ici, nous ferons l’Italie ou nous mourrons – Giuseppe Garibaldi (Battaglia di Calatafimi, 1860)

Parma… Oh Mamma.

Je t’avais déjà parlé de Parma et de l’Emilie-Romagne, ici. J’étais à peine arrivée ici que j’étais déjà follement tombée amoureuse de cette région. Pourquoi ? Parce que si les Italiens sont en général hystériquement passionnés par leur gastronomie, leur cuisine, leurs traditions, à Parme et en Emilie-Romagne, cette passion atteint un paroxysme qui m’étonne moi-même.

Oui. Et pourtant on ne peut pas dire que je sois la dernière des passionnées. C’est à dire que je ne pouvais pas imaginer qu’on puisse être plus passionnés, plus pointilleux, plus méticuleux, et plus excessifs sur la cuisine Italienne et le savoir-vivre Italien que moi.

Laisse-moi te dire qu’à Parme, je passe pour une vulgaire novice.

Quand je vais m’émerveiller d’un risotto alla parmigiana, somptueusement crémeux et savoureusement beau, mes amis parmesans vont faire la moue et me regarder comme si je ne connaissais rien à l’Italie. Ça calme. J’en prends pour mon grade. D’ailleurs j’en tremble un peu en écrivant ce billet, un peu comme quand tu trembles en faisant la carbonara, de peur de faire une bêtise. Ils ne se contentent jamais, à la recherche incessante de la perfection.

Il caffè ?
« Celui-là est trop brûlé, je préfère celui de la Via [insérer n’importe quelle rue] encore qu’il était bien meilleur quand c’était Mario qui le faisait. »

Il prosciutto di Parma ?
« Non mais tu ne vois pas qu’il sent trop la cave ? Immangeable. Il faudrait que tu goutes celui de Michele, sur la colline. »

I Tortelli ?
« Pfff. Ceux de ma mère sont meilleurs. »

Il parmigiano ?
« Il s’effrite trop facilement celui-là. »

Telle ou telle trattoria ?
« Moui. C’est vrai on mange PAS TROP MAL là-bas. »

Alors que toi tu as les larmes aux yeux tellement c’est bon.

Clairement.

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Il Pesto alla Genovese. La Fine del Mondo.

Il y a des choses que je ne comprendrai jamais.

Soit je suis très naïve, soit j’ai toujours foi en l’Humanité et je me voile la face. On va dire que j’ai toujours foi en l’Humanité, sinon je me serais d’ores et déjà complètement pendue avec un spaghetto (tu te souviens « un panino, deux panini« , ça marche avec « un spaghetto, deux spaghetti »).

Alors. Tu sais que j’aime bien quand les plats racontent une histoire. Leur histoire. Et les plats de pâtes Italiens ont tous une belle histoire à raconter. Ils ne sont pas nés comme ça, hop, du jour au lendemain, par l’opération du Saint-Esprit. Ils sont sans doute touchés par la grâce d’une puissance surnaturelle pour être aussi merveilleux et célestes – certes – mais ils viennent de quelque part.

Donc. Quand je te vois prendre ce petit bijou de basilic. Et mettre n’importe quoi dedans. Et le tartiner sur tout ce qui te passe sous la main. Ou noyer la pasta sous une flaque de bouillie verdâtre-marron. Et prétendre que c’est un pesto alla genovese. Je pense à tous ces marins de Genova, au XIXe siècle.  Tous ces ouvriers de la mer, se tuer à l’effort toute la journée, dans le bruit, dans le vacarme assourdissant des navires, dans la pauvreté, mais dans la gaité aussi. Les grosses tapes viriles sur les épaules brulées par le soleil, et la grande tablée en sueur où on se passe en chantant fort un énorme plat de pasta al pesto.

Genova.

Le port.

C’est comme ça que je l’imagine. Que j’aime l’imaginer.

Et je me dis que cette pasta, fort odorante du basilic de la riviera ligure, fumante, qui prend au nez, qui calme les faims les plus gargantuesques, ça devait être un sacré beau moment de répit. Comme cela devait être réjouissant dans une journée que pas un d’entre nous ne serait capable de subir aujourd’hui.

Peu de temps. Et peu d’argent. Mais des pâtes et du basilic cueilli par des petites mains dans la région. Du basilic perché sur les falaises et caressé par le vent marin de la Liguria – tra mare e monti. Parce qu’ils n’avaient quasiment que ça.

Un cadeau du ciel pour l’écume de la population.

Un tableau.

Et 200 ans après, je voue le même culte au pesto alla genovese.

Bien sûr, il pesto, c’est un plat où on peut mettre ce qu’on veut dedans au final. Il en existe autant qu’il y a de villages en Italie. On le fait avec ce que la terre veut bien faire pousser autour de nous. Pesto, du verbe pestare – écraser, piétiner. Alors, oui, effectivement, tu peux prendre du basilic et l’écrabouiller avec ce que tu veux. Mais tu n’as pas l’indécence déplacée de le présenter comme un pesto alla genovese, sinon ce sont les marins du port de Genova qui viendront hanter tes plus sombres cauchemars.

Je le sais, c’est moi qui te les enverrai.

Et maintenant. Devine quoi. Il pesto alla genovese. Non seulement c’est bon à en pleurer et à en croire l’existence de Dieu lui-même, mais en plus, c’est d’une simplicité… Mais d’une simplicité… Et d’une beauté… Comme si tu étais sur la via dell’amore, entre Riomaggiore et Manarola. Juste, . On n’est pas bien, posés là, à regarder la mer s’écraser contre les rochers ?

Tu aurais envie de manger un pesto alla genovese trahi et travesti… ici ?

BIEN SÛR QUE NON.

Donc on va le faire ensemble, toi et moi. Et tu verras, ce n’est que du bonheur à l’Italienne.

Pour un authentique pesto alla genovese, il te faut :

Petit a : Du basilic. En branches. Frais. Magnifique.

Petit b : Du gros sel marin. Ben oui.

Petit c : Des gousses d’ail.

Petit d : Du parmigiano reggiano et du pecorino stagionato (pour le râper)

Petit e : Des pignons qui sentent bon le pin.

Petit f : De l’huile d’olive extra vierge. Tu prends celle que tu veux, même si c’est évidemment perfetto si tu prends celle qui vient de notre belle Liguria.

Petit g : Des pâtes.

A Genova, les trofie et les trenette sont les pâtes de prédilection pour le pesto alla genovesela pasta tipica. Mais tu peux choisir des linguine, des bavette, des spaghetti aussi. Les trofie sont les seules pâtes courtes que je t’autorise. Il pesto est gorgé d’huile d’olive, il va mieux glisser sur la pasta lunga et être plus léger. C’est tellement meilleur.

Un truc pour que ton basilic garde bien sa couleur. Lave-le délicatement et plonge le dans un bain de glaçons, pour aider à fixer son joli vert.

C’est fragile, le basilic. Si tu le martyrises trop – genre dans un mixeur, il va perdre toutes ses bonnes choses, tu vas le GÂCHER.

ET JE N’AIME PAS, quand tu gâches ce que les marins avaient de plus précieux.

Et puis surtout, les lames agressives et méchantes du mixeur vont le chauffer, il va cuire, devenir sombre, mourir. Il pesto alla genovese, on le ne chauffe pas, on ne le cuit pas, on le verse directement sur les pâtes à peine égouttées.

C’est pour cette raison que tu vas utiliser un mortier en marbre.

Bon OK, si tu n’as pas un mortier en marbre comme les vieilles mamma de Genova, tu peux utiliser un mortier quelconque. Tu vois je suis sympa quand même. Tu effeuilles doucement le basilic et dans ton mortier tu mets le gros sel marin, l’ail, les pignons. Tu travailles tout ça avec amour à la force du poignet – en pensant aux marins qui ont besoin de réconfort – et petit à petit tu ajoutes l’huile d’olive par filet.

N’y passe pas des heures, plus tu travailles le basilic, moins il sera beau. Et tu veux qu’il soit beau. Tu seras tellement fier.

Puis tu mets ton parmigiano et ton pecorino. Ensemble. Sur la question du fromage, l’Italie t’accorde un peu de flexibilité. Tu peux remplacer le pecorino par de la ricotta tosta ou même du fromage de chèvre frais.

Et voilà.

Voilà, voilà.

C’est tout.

Si tu es malin, tu as même fait bouillir l’eau et tes pâtes sont prêtes quand tu as fini d’extraire du basilic toutes ses saveurs. Al dente. Tu verses directement sur les assiettes. C’est très parfumé, tu n’as pas besoin de noyer tes linguine. Juste les colorer. Tu décores avec quelques pignons de pin, une feuille de basilic frais. C’est rustique. C’est viril. C’est fin. C’est beau.

Tu chantes la Liguria.

C’est ma meilleure réponse à tous ceux que je vois faire des pâtes au ketchup parce que soi-disant c’est rapide.

Et c’est la fine del mondo. Quand tu manges un beau pesto alla genovese, la fin du monde peut bien arriver demain, tu peux partir en paix. Tranquille. Et plus tu regardes les vagues venir mourir sur les falaises de Manarola, plus tu as le visage caressé par le vent, comme le basilic,  et plus tu entends les marins chanter joyeusement, au loin.

Je les entends aussi.

Buon appetito.

@flonot

PS : Et pour faire plaisir à nos copains les marins, tu verses ce joli vin dans ton verre. Là, là c’est parfait. Grazie, Sand.

Un Panino. Due Panini.

Je ne t’en veux pas si tu dis « un panini », je ne t’en veux pas parce que le mot a été francisé. Comme beaucoup de mots français ont été italianisés. Donc je ne t’en veux pas.

Mais sache que ça me pique autant les yeux et les oreilles que si tu entendais un Italien dire « Les hôpitals. » Et que ça m’énerve. Mais passons.

Pourquoi je te dis ça ? Pourquoi je tiens autant à expliquer d’où vient notre gastronomie italienne ? Pourquoi suis-je si attachée à la justesse des appellations et au respect de « la règle de l’art » ? Je me suis posée la question, plusieurs fois, c’est vrai. Après tout, l’important c’est que ce soit bon, non ? Le reste on s’en fiche ?

Il y a quelques soirs, je discutais avec un professeur de l’Università degli Studi di Scienze Gastronomiche – oui, ça existe, (ah la la ces Italiens…). Rien que ça. Et j’ai compris pourquoi je prenais tant de plaisir à partager ces histoires autour de la gastronomie italienne, et plus généralement autour de l’Italie. Et pourquoi je le faisais avec tant de… ferveur – parlons de ferveur.

« On naît grâce a un acte de plaisir – le sexe. Et on grandit, on vit, tous les jours grâce à un acte de plaisir – manger. »

La gastronomie, la cuisine, cache donc cette chose formidable qui est la recherche du plaisir. Plaisir décuplé grâce au savoir. Et c’est vrai, je prends énormément plus de plaisir quand j’entame un repas dont je connais l’histoire. Quand cette table me raconte quelque chose. Quand les cinq sens sont éveillés. Ces histoires qu’on raconte ensuite, qu’on partage, parce qu’on aime bien voir pétiller les yeux. On aime bien confier des secrets. C’est bon de se sentir appartenir à quelque chose.

Rien n’empêche la créativité ensuite.

Mais le savoir. Pour comprendre d’où on vient. C’est essentiel.

Même si c’est juste un panino.

Un panino donc (singulier), et non pas un panini (pluriel).
Je vais te le dire tout de suite, comme ça, plus ça va vite, moins c’est douloureux.

Le « panini » qu’on te vend en France – soit-disant typiquement italien… il n’existe pas.

C’est une invention – encore une fois – de petits fourbes qui se servent de l’Italie pour te vendre du rêve à prix d’or. Pourquoi c’est une invention ? Parce qu’un panino, c’est tout simplement… un sandwich. N’importe lequel. Un hamburger ? C’est un panino. Une baguette jambon-beurre ? C’est un panino aussi. C’est le sandwich que ta mère te faisait quand tu partais toute la journée en balade avec l’école. C’est n’importe quoi entre deux tranches de pain, quel que soit ce pain et quelle que soit la garniture.

Tu comprends où je veux en venir ? Quand je vois en France des boulangeries ou des soit-disant bars-branchouilles qui te vendent un « panini » à 8 euros, avec du pain fade, de la mozzarella en plastique et parfois tartiné de… pesto (?!), le tout forcément toasté, je m’étrangle. Je m’étrangle parce qu’en Italie, n’importe qui te fait un panino pour trois fois rien.

Et quand je dis n’importe qui. C’est vraiment n’importe qui.

Un bar, une boulangerie, une pizzeria, un supermarché, une épicerie.

Un restaurant.

N’importe qui.

Les Italiens aiment les panini, tous, ils adorent. Moi aussi. Tu sais pourquoi ? Parce qu’encore une fois, c’est simple et c’est bon. Et c’est pas cher.

Déjà, il en existe des milliers de sortes différentes. En Emilie-Romagne, il faut absolument que tu goûtes la piadina romagnola qui est une sorte de pizza avec très peu de levain, donc très fine, qu’on farcit avec ce qu’on veut, et qu’on roule ou qu’on plie en deux. [Note d’un lecteur, Christophe : « La grande différence avec la pâte à pizza est qu’on ajoute de l’huile d’olive à la préparation- mais l’authentique est faite avec du Saindoux, lo strutto – pour lui conférer cette texture si particulière.« ]

Et – puisque je sais que maintenant, tu sais – tu peux la faire chez toi, en variante de la pizza bianca. J’en mangerais tous les jours (le premier qui me dit que ça ressemble à une tortilla je lui arrache un ongle).

Et devine quoi. Si tu es dans une pizzeria, ils te font la piadina sur le moment. Hop, en 10 minutes à peine, elle sort du four, Mario la place sur la trancheuse à jambon, et il dépose la dentelle de prosciutto à peine tranchée dessus. De la dentelle. Qui fond.

Et tu peux même être créatif, oui. Choisis de la focaccia pour ton panino. Tranchée dans l’épaisseur, farcie avec de la mortadella très fine. Ou de la porchetta. Ou de la spalla cotta. Ou du speck. Avec un peu de pecorino stagionato. Et tartiné avec de la tapenade d’olives. Quand je me balade en Italie avec les amis, on arrête les gens pour leur demander :

« Envoie-nous là où on mange le meilleur panino de la ville. »

… avec le regard entendu qui va bien. Vraiment, fais-le. Tu vas découvrir des endroits incroyables. On va couper les tomates bien rouges sous tes yeux. Fraîches.

Sans parler de la fameuse « paninoteca » – là où tu ne mangeras, comme son nom l’indique, que des panini.

Tu vas faire un autre truc quand tu te baladeras en Italie aussi. Tu ne vas pas choisir dans la carte. Tu vas – assieds-toi – dire au serveur exactement ce que tu veux dedans. Inventer ton panino. C’est très courant en Italie, il suffit de savoir que c’est une pratique normale. Et tu vas t’inspirer des spécialités régionales. Choisir la charcuterie et le fromage du coin.

Ou demander qu’on te fasse un panino « Made in [insérer le nom du serveur] ».

Les Italiens adorent qu’on leur demande leur avis. Surtout quand il s’agit de bien manger, et de s’imprégner de la culture locale. L’autre chose qui indique à quel point le « panini » français est un crime sans nom ? Arrête-toi sur n’importe laquelle des autoroutes italiennes. Quand les Italiens partent en voyage, ils sont contents de faire une pause pour manger sur les aires d’autoroutes. Parce qu’on y mange des EXCELLENTS panini. Le « Bufalino » (prosciutto crudo, rucola, mozzarella di bufala) ou le « Rustichella » (prosciutto cotto, mozzarella, pomodoro) des AutoGrills italiens sont connus et reconnus de tous. On s’arrête EXPRÈS pour les manger.

Je – m’arrête exprès pour les manger.

Je – ne fais pas ça en France. Ou dans n’importe quel autre pays où j’ai été. Entendons-nous. A moins que j’aie envie d’expier une faute.

Alors écoute-bien, la prochaine fois que tu seras en Italie, souviens-toi, fais comme les italiens. Le midi, tu vas manger un panino. Et pour ne pas te planter, tu vas t’arrêter dans ce bar là, qui ne paye pas de mine, mais qui tranche la charcuterie sur le moment – autrement dit, à peu près tous les bars. Je vais même plus loin, tu peux entrer dans un mini supermarché, une épicerie, aller jusqu’au rayon charcuterie, et demander au type qui est là, de te faire un panino. Je ne plaisante pas. Tu choisis ton fromage qu’il va couper sur le moment, ton jambon qu’il tranchera frais, et ton pain. Et en avant.

C’est d’ailleurs ce que tu vas ABSOLUMENT faire si tu te rends dans une ville extrêmement touristique – type Venise. Surtout Venise.

Un peu comme un Subway.

Les excellents produits en plus.

Les escrocs en moins.

Bon, pas un Subway, donc.

L’Enfer pour moi serait donc cet endroit HORRIBLE où on mange des sandwichs Subway et on boit des café Nespresso.

LA PUNITION.

Une contrefaçon du Paradis où tout serait beau, bon, simple, et accessible à tous.

L’ITALIE.

Et tiens, cadeau, il panino [Made in Floriana] : piadina / pomodorino fresco / rucola / mozzarella di bufala / prosciutto crudo.

Un bacione !

@flonot

« L’Italie, c’est le culte de la simplicité dans les produits. Assorti d’une grande exigence. »

– au détour d’une conversation entre amoureux de l’Italie.

Lasciatemi Cantare. Sono un Italiano. (1)

L’Italie chantante.

Au sens propre comme au figuré.

L’Italie chante tout le temps, partout. Les Italiens adorent chanter et sont nés pour chanter. Leur langue est une mélodie, et tout le pays est une sérénade à la beauté et à la joie de vivre. C’est peut-être pour cela que les Italiens ont ce capital sympathie, même lorsqu’ils sont de mauvaise humeur.

Pour mettre un peu plus d’Italie dans ton cœur, voici quelques classiques de la chanson Italienne. Tous les Italiens les connaissent par cœur, et les entonnent pour un oui ou pour un non… Une guitare, un bel Italien qui commence à gratter, et tout le monde chante a squarciagola. 

Il faut le voir pour le croire, et au final, on se laisse emporter, et on n’a même pas honte d’aimer Tiziano Ferro et de connaître toutes ses chansons. J’habite dans le centre de Parme et je les entend tout le temps chanter tous ensemble dès qu’un bar passe des chansons italiennes. Je voyage en voiture, beaucoup, avec des collègues italiens, et hop, on balance Azzurro d’Adriano Celentano et le voyage passe tout seul.

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La Pizza. Semplicemente Pizza.

Tu vas oublier tout ce que tu sais sur la pizza. Tout.

La pizza c’est le symbole absolu de la culture populaire Italienne dans le monde entier.

DANS LE MONDE ENTIER.

Plus que tout, la Pizza, c’est un triomphe Italien.
C’est un feu d’artifice de simplicité – la semplicità -, assortie d’une grande exigence – l’esigenza.

Tout ce qui fait l’Italie. Tout. Je pèse mes mots. Rien ne rend plus heureux qu’une véritable pizza napoletana. Rien n’est plus convivial. Rien ne respire autant cette Italie qui chante.

Rien ne réunit autant la famiglia qu’une belle pizza qui donne le sourire.

Aaah. La pizza. Depuis que je vis en Italie, je pourrais en manger tous les soirs si je m’écoutais.

Depuis que je vis en Italie.

Oui parce qu’avant de vivre en Italie je n’acceptais de manger que la pizza de ma mère. La mamma. Certains ont eu la chance d’y goûter. Depuis je les soupçonne d’être amis avec moi juste pour ne pas perdre le privilège de venir manger la pizza de ma mère. A la fois, je les comprends.

Des années que j’essaye de faire la même. Des années.
Des fois à côté d’elle, avec la même farine, le même sel, la même levure, la même eau, le même four.

Mais ce n’est pas la même.

Des années et des années que ces mains pétrissent la pâte, d’une manière inconsciente, mécanique, automatique, avec douceur, énergie, fermeté. Amour. Sans y penser. Les mêmes gestes. Sans regarder. Ces mains touchent la pâte et savent. Immédiatement. Et moi je les observe attentivement, les mains de ma mère, je note même dans quel sens elles pétrissent la pâte, pour ensuite reproduire à l’identique et je me demande comment c’est possible.

COMMENT C’EST POSSIBLE QUE MA PIZZA NE SOIT JAMAIS AUSSI PARFAITE.

Simple et parfaite. Comme celle de ma mère.

Croustillante et moelleuse. Aérienne mais ferme. Et si savoureuse. On pourrait juste manger la pâte comme ça.

C’est d’ailleurs ce que tu vas faire. Toi et moi on va revenir aux fondamentaux. Parce que tu as exagéré avec la pizza, je le sais, je t’ai vu. Pour je ne sais quelle mauvaise raison tu crois que plus on met de garniture sur la pizza, plus elle est bonne.

Que plus tu vas noyer la pâte sous une montagne de tomates, poivrons, oignons, jambon, anchois, ketchup, fromage, foie gras, olives, ananas, frites, steak hachés, merguez, crevettes, béchamel,… et plus tu vas te régaler.

Laisse-moi te dire que tu es un criminel de la pizza. Et que je t’aurai. Je vous aurai tous, les uns après les autres.

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Un Amore Franco-Italiano

Je m’appelle France.

A priori, sur un blog qui évoque l’Italie, ça peut sembler bizarre. Et pourtant, je vais te faire partager mon amour de Rome. Parce qu’ici, @flonot célèbre aussi un peu l’amitié franco-italienne. J’ai décidé d’y apporter ma modeste contribution. En m’invitant honteusement. A la française, avec mes gros sabots.

Je squatte.

Parce que j’aime l’Italie. Passionnément. Non, je ne vais pas m’inventer des ancêtres italiens pour faire genre, je n’en ai pas. Ou alors, on me les a cachés. Et pourtant.

Tous les chemins menant à Rome, il y en a un qui part de mon cœur et qui arrive directement là bas, en passant par la Squadra Azzurra. Forcément.

Tout a commencé il y a bien longtemps, lorsque j’ai mis les pieds pour la première fois à Rome. J’avais 15 ans et j’ai trouvé la ville magique. Belle, majestueuse, riche de sa diversité, des ruines antiques à l’agitation estudiantine du Trastevere, des secrets du Vatican aux trattorie animées. Rome m’a ensorcelée et avec elle, l’Italie toute entière. Et les italiens. Et le Calcio. Mais ça, c’est une autre histoire. Que je te raconterai un jour. Peut être. Ou pas.

(si tu es Italien, sache que je veux me marier avec toi. Surtout toi, Matteo. Oui, les Françaises sont entreprenantes) (Vuoi sposarmi ?)

Toi qui lis le blog de @flonot, tu es forcément une personne de bon goût. Tu as compris qu’en venant ici, tu allais respirer l’Italie. La sentir. La vivre. Et peut être parvenir à l’approcher. Alors je vais te faire partager mon expérience romaine.

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Aperitiviamo ? Euh…

Cette fois-ci, c’est toi qui va m’expliquer.

Je vais te raconter ce que je ressens lorsque toi, touriste Français, tu me rends visite.

Ce qui va suivre est arrivé systématiquement à tous les Franco-Italiens et Français qui vivent en Italie.

C’est bien, l’Italie, c’est une jolie destination pour les vacances. Je ne vais pas te la refaire 100 fois. L’Italie c’est juste 40% du patrimoine culturel mondial. Donc tu y viens en vacances. Et en week-end.

Puis alors si tu as une connaissance en Italie, tu vas lui rendre visite. C’est agréable d’avoir un local véritable ou d’adoption pour te guider. Personnellement, j’adore ça, recevoir mes amis et ma famille, et je crois que c’est mon passe-temps favori, de faire découvrir mon Italie.

Ouais.

L’Italie que j’aime.

Ses traditions, ses manies, ses folies, ses douceurs.

Et l’une de ses traditions – indélogeable, indémodable, tu vois – c’est l’aperitivo.

L’aperitivo – ou le “happy hour” – est très répandu dans le Nord. Surtout en Lombardie. D’une manière littéralement viscérale à Milano. C’est une véritable institution. Le plus quelconque des bars en Italie te propose l’aperitivo. N’importe lequel.

Et quelle belle, quelle merveilleuse institution.

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Il Risotto. Il Miracolo

Risotto ai Funghi

Il faut prendre ton temps. Ne pas improviser. Ne pas décevoir. Et surtout ce soir, où tu reçois le genre d’invité pour lequel tu t’es décarcassé longtemps, avant de savoir ce que tu allais bien pouvoir cuisiner pour lui faire honneur. Tu n’en as quasiment pas dormi depuis que tu sais qu’il sera à ta table. Si tu te plantes, tu pourrais t’en vouloir longtemps, parce qu’il ne revient pas si facilement, et pardonne rarement.

Cet invité il est dans ton verre. Dans une bouteille. Une bouteille d’Amarone, que tu as achetée et que tu regardes amoureusement. Comme l’a écrit Sand, l’Amarone, c’est un vin de temps. Donc tu as patienté. Longtemps. Et maintenant tu sais ce que tu vas faire. Pas une vulgaire entrecôte. Non.

Un Risotto.

Évidemment. Qui mieux que le risotto, sa crème divine et miraculeuse, son fondant, sa chaleur pourrait mieux servir l’Amarone? Oui, parce que cette fois, ce n’est pas le vin qu’on sert avec le plat. C’est le plat que tu vas servir avec l’Amarone.

Tu as posé la bouteille délicatement et en évidence dans ta cuisine, elle va trôner pendant tout ce temps où tu vas cuisiner. Et tu ne vas pas la quitter des yeux, pour que tu n’oublies pas que ce soir, c’est pour elle que tu cuisines. Avec Toi, Moi, et l’Italie entière à ses pieds.

Risotto, aussi, c’est un plat de temps. Il faut du temps. Il faut prendre du temps (1). Un Risotto ne peut pas être servi en moins de 20 minutes, et ne se prépare pas à l’avance. Répète après moi. Un Risotto ne peut pas être servi en moins de 20 minutes, et ne se prépare pas à l’avance. Encore une fois. Un risotto ne peut pas…

Il faut beaucoup d’attention. De la rigueur et de l’amour. Ne jamais prendre confiance. Une erreur d’inattention, ET C’EST LE DRAME. Donc tu ne te laisses pas distraire, tu vires tout le monde de ta cuisine, tu fais le silence autour de toi. C’est bon? On y va!

Pour un Risotto traditionnel, il te faut:

Petit a/ Du Riz. Carnaroli ou Arborio (ce sont les plus simples à trouver). Il existe d’autres variantes en Italie comme le Vialone, mais plus difficile à se procurer à un prix raisonnable en-dehors des frontières italiennes.

Celui que tu préfères, je n’ai pas de religion de ce coté là. Ce sont des riz ronds, il existe des cultures immenses dans le Nord en Italie, du Piémont à la Lombardie. Ce riz est parfait pour le risotto. Il fait de la bonne crème. A chaque fois que je vois cette petite crème, je me dis que c’est un miracle.

Petit b/ Des oignons

Petit c/ Du vin blanc plutôt sec

Petit d/ Du Parmigiano Reggiano

Petit e/ Du sel, du poivre, du beurre

Petit f/ Du bouillon.

Parlons-en du bouillon. Tu me jettes ces cubes tous préparés. Tu le fais toi-même. On t’avait prévenu que l’Amarone était un vin de temps. Il faut un bon pot-au-feu aux légumes ou au bœuf ou au poisson, c’est selon, et tu gardes bien le bouillon. (Ou alors la prochaine fois que ta mère fait un bouillon, tu le récupères et tu le congèles. Je nierai avoir écrit cette dernière phrase).

Petit g/ Une cuillère en bois

Petit h/ Une sauteuse, ou une poêle à bords hauts.

Bon maintenant que tu es prêt, on y va.

Pour les quantités, je n’en sais rien, je fais tout au pif. C’est dans les gènes que l’Italie m’a transmis, désolée. Je sais, tu en as marre de ne pas être Italien. Bonne chance. (Il parait qu’il faut 3 fois plus de bouillon que de riz, débrouille-toi avec ça.)

1. Donc déjà, tu fais bien bouillir le bouillon. Il faut que le bouillon soit bien bouillant quand tu vas en avoir besoin. Je ne peux pas le surveiller à ta place alors pour l’amour du ciel, désigne un préposé au bouillon.

2. Dans une casserole, tu fais fondre une noix de beurre sans le faire brûler. Donc à feu doux. Et tu fais revenir les oignons que tu auras coupés bien finement. Tu les fais revenir jusqu’à ce qu’ils deviennent transparents. Le secret du Risotto, c’est surveiller.

Tout, tout le temps. Ne pas se planter dans le timing. A tous les instants, tu as tout sous contrôle. Un peu comme les 20 minutes de ton examen du permis de conduire: les yeux dans les rétros, sur la route, devant, sur les cotés, partout, tout le temps.

3. Une fois que les oignons sont transparents, tu verses l’intégralité de ton riz Carnaroli – j’ai décidé que tu utiliserais du Carnaroli, voilà. Et là attention, tu vas suivre attentivement ce que je vais te dire.

4. Tu vas remuer délicatement le riz, bien l’imprégner du beurre et des oignons, et à partir de maintenant, tu ne cesseras PLUS JAMAIS de remuer. Quitte à passer pour un maniaque, tu ne lâches POUR AUCUNE RAISON cette cuillère en bois et tu remues. Pas frénétiquement, pas énergiquement, doucement, régulièrement, tout le temps, sans t’arrêter.

5. Une fois que ton riz est bien imprégné, hop, un verre de vin blanc. Tu mélanges, tu attends que le riz ait absorbé le vin.

Tu ne t’arrêtes pas de remuer. Je casserai une assiette par terre à chaque fois qu’un de tes grains de riz accrochera au fond de ta casserole.

Tu comprends, c’est important. L’Amarone te regarde. Tu regardes l’Amarone. C’est bon, tu as compris que c’était important.

6. Une fois que ton riz a bien absorbé le vin, louche par louche il faut verser le bouillon.

Bouillant.

Et pour qu’il reste bien bouillant, tu montes le feu du riz. Ça va s’agiter là-dedans, les petits grains ronds vont se faire masser, ils vont adorer.

Chaque louche. Tu laisses bien que le riz absorbe chaque louche.

Petit à petit.

Tout en remuant.

Ne faiblis pas.

Je te le confisque, l’Amarone, si tu faiblis.

Tu vas voir. Le miracle. Le riz va gonfler, prendre du volume. Et relâcher cette crème miraculeuse. J’ai vu des gens sortir leur pot de crème fraîche pour faire un risotto.

C’est parce qu’ils ne connaissent pas le Miracle.

Il Miracolo.

Il faut goûter de temps en temps le Carnaroli. Parce qu’il ne doit être, ni croquant, ni trop cuit. Il faut que le résultat ne soit ni liquide, ni compact. Il faut que ce soit crémeux. Il faut qu’il tienne sur ta fourchette.

S’il tient sur ta fourchette sans couler tout en étant liquide, tu as bon. Et oui. Pas facile.

Tu sais parfois, le Risotto ne te rend pas tous tes efforts. Tu penses avoir fait tout comme il faut, et le résultat n’est pas celui que tu attendais.

Il faut persévérer… Parce que l’Amarone le vaut bien.

7. Et tout ça en 18 minutes. Ni une de plus, ni une de moins. Donc ne te plante pas dans le timing des étapes. Le Secret. C’est pourquoi tu as intérêt à avoir bien fait absorber tout ton riz avec ton bouillon, parce qu’au bout de 18 minutes, je retire tout ça du feu.

Comme à l’examen du permis de conduire. Quand c’est fini, c’est fini. Tu ne peux pas revenir en arrière. Tu ne peux pas rattraper si tu t’es planté. Il faut que tu recommences.

Si ça peut te consoler, j’ai loupé 4 fois mon permis de conduire. Et maintenant je suis un As du Volant. Mais passons.

8. Tu retires du feu et tu rajoutes une noix de beurre.

Tu n’as pas cessé de remuer.

Tu mets une bonne poignée de Parmigiano Reggiano.

Tu continues de remuer.

Le Risotto, c’est un plat presque… asocial. Si tu as des invités, tu es obligé de les abandonner. Mais quand tu reviens, c’est il Miracolo dans leurs assiettes. Ce secret, avant de le livrer, tu vas attendre un peu. Parce que bon, tous ces efforts, hein, c’est quand même pas pour les jeter en pâture au premier venu.

9. C’est une des bases possibles du Risotto. Si tu sais faire ça, tu sais faire n’importe quel risotto. Pour l’Amarone, je te conseille des bons cèpes. Des bons Funghi Porcini, à la saveur forte, qui reste en bouche, qui embaume ta cuisine.

Tu les cuisines comme tu les aimes, et tu les rajoutes quelques minutes avant la fin de la cuisson, et tu saupoudres avec le Dieu Parmigiano.

Et n’oublie pas, l’Italie aime quand c’est joli. Alors tu gardes quelques cèpes pour les rajouter par dessus tout ça, directement dans les assiettes. L’Italie te remercie.

Tu sers les assiettes immédiatement, il Risotto n’attend pas.

Il Miracolo est bref, c’est un instant sacré, insaisissable. Crois-moi, tu ne commanderas plus jamais un Risotto au restaurant après ça.

Mais avant, sers-toi donc un bon verre d’Amarone. Il est perfetto ce Risotto, bravo. Il donne envie de rester à table jusqu’à 4h du matin pour refaire le monde.

J’espère que tu as prévu une deuxième bouteille d’Amarone.

Baci
@flonot

(1) Il faut atomiser les restaurants qui servent un risotto en moins de 20 minutes. Il faut aller en cuisine, et couper la main du «cuisinier», en pénitence. Si tu commandes un Risotto et qu’il arrive illico, cela signifie que CES BANDITS L’ONT PRÉPARÉ A L’AVANCE. Et ça, ça mériterait que je les envoie au fond de l’Adriatique accrochés à des parpaings. Pour donner à manger aux poissons. Et encore. Les pauvres poissons.

 

Et avec la Cotoletta ? Par Sand.

*pardon monsieur Bashung, je la ferai plus mais c’était trop tentant.

La Cotoletta alla Milanese con Rucola e Pomodorini.

Avoue, quand tu prononces ça, tu as déjà l’eau à la bouche. Ne sois pas farouche, je le SAIS. Parce que moi, ça me fait cet effet là. Flo t’a dit, elle chante cette assiette. Elle poétise.

Finalement, c’est toute l’essence de ce que devrait être la vraie bonne cuisine : des produits nickels, des préparations hyper simples qui ne les dénaturent pas  et au final un plat savoureux. Gourmand.

C’est un plat de tous les jours, celui que tu peux cuisiner juste pour toi et ton amoureux/se, ou pour les copains, sans chichis.

Voilà pourquoi il lui faut un vin dans le même esprit. Parce que faire des accords mets vins, ce n’est pas réservé à la grande Gastronomie, à la cuisine snob des grands chefs. Faudrait monétiser ou évaluer le plaisir? C’est quoi ces conneries? Non.

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Le Soleil des Scorta

« Comme antipasti, Raffaele et Giuseppina apportèrent sur la table une dizaine de mets. Il y avait des moules grosses comme le pouce, farcies avec un mélange à base d’oeufs, de mie de pain et de fromage. Des anchois marinés dont la chair était ferme et fondait sous la langue. Des pointes de poulpes. Une salade de tomates et de chicorée. Quelques fines tranches d’aubergines grillées. Des anchois frits. On se passait les plats d’un bout à l’autre de la table. Chacun piochait avec le bonheur de n’avoir pas à choisir et de pouvoir manger de tout.

On mange dans le Sud avec une sorte de frénésie et d’avidité goinfre. Tant qu’on peut. Comme si le pire était à venir. Comme si c’était la dernière fois qu’on mangeait. Il faut manger tant que la nourriture est là. C’est une sorte d’instinct panique. Et tant pis si on s’en rend malade. Il faut manger avec joie et exagération. »

Le Soleil des ScortaLaurent Gaudé