Il caffè buono si beve al bar.

Approche-toi.

Encore plus près.

Viens, je te dis. Je suis douce. Je voudrais te faire sentir quelque chose.

Attends, je t’attrape par l’oreille. Comme ça tu seras tout proche et je pourrai bien tout t’expliquer correctement.

Voilà. Tu as le nez dedans. Dans cette minuscule tasse fumante aux bords épais – épais parce qu’ils gardent la chaleur – et les effluves du caffè à peine torréfié te montent à la tête.

Tu sens ? Ca sent bon. On laisse forcément s’échapper un mmmhhhh

QU’EST CE QUE TU FAIS ? Reviens ici ! Tu veux… T’ASSEOIR ?!

Non. On reste debout. Élégamment debout. Parce que “Il caffè buono si beve al Bar”. C’est écrit dessus.

Parce qu’ il caffè en Italie se boit debout au bar. On ne boit pas un caffè pour discutailler pendant des heures. Il caffè est un plaisir solitaire, c’est lui et toi, pendant quelques secondes. On prend un caffè parce que c’est bon. Laisse le temps s’arrêter. Et apprécie.

La seule fois où tu as le droit de le boire à table, c’est après le repas dans un restaurant. ET ENCORE. Les ritals le prennent souvent au moment de payer, donc, au Bar. CQFD.

On n’a pas besoin de jouer des coudes, même s’il y a du monde. Pourquoi ? Parce que ce moment là, du caffè, il est sacré pour tous. C’est d’ailleurs un des rares moments de la journée où les Italiens font preuve d’un civisme exemplaire. Et si tu es une fille, une fois sur deux on te l’offre.

On ne gâche pas, jamais, ce moment.

Donc, on s’avance vers le bar, on boit son caffè d’une traite, on échange quelques amabilités ou les derniers résultats du Calcio avec il barista, on sourit à la jolie Italienne (moi, au hasard) – ou au bel Italien (selon) – puis on s’en va.

30 secondes à tout casser. Une institution ritale. Un MONUMENT. La Chapelle Sixtine au fond de ta tasse.

Mais avec toi, on va prendre tout le temps nécessaire pour que tu ne boives plus jamais du café, mais du caffè.

Je t’entends penser : “Mais pourquoi elle ne dit pas Espresso ?

Parce que c’est pareil. Un caffè en Italie, c’est FORCEMENT un espresso. La distinction, on la fait dans les autres pays, quand des génies du marketing ont voulu te faire croire qu’en Italie on buvait de l’espresso et pas du café (?!).

Alors ils t’ont vendu un…”Nespresso”.

Et toi tu es tombé dans le panneau. Tu les as cru. Tu penses faire un café “à l’Italienne” en faisant un “Nespresso”. Ils en ont fait un truc snob. Alors que le caffè, c’est le truc le plus démocratique et populaire en Italie. Même en plein centre de Milan ou de Rome tu peux boire un caffè à 1 euro maximum. Et eux, ils en ont fait un truc élitiste. L’antithèse du caffè.

JE LES HAIS.

Ils ont tué la saveur, ils ont tué l’odeur, ils ont tué l’ame même du caffè.

Je vais te dire : tu sais à quoi ça me fait penser Nespresso ? A une contrefaçon. Tu sais, comme une basket avec 4 bandes, ou un polo avec un crocodile chelou. C’est pas l’original. Et comme souvent, la pale copie en a peut-être la couleur – et encore -, mais pas grand chose d’autre.

Un. Truc. Cloche.

Ouais. Y’a un truc qui cloche.

Je vais brûler George Clooney et plus rien ne clochera, tu verras.

Les Italiens n’ont pas inventé le caffè. Non, c’est vrai. Ni la Pasta d’ailleurs. Mais ils ont mis de la MAGIE dedans. Ils ont pris quelque chose qui existait déjà, et ils l’ont sublimé.

Regarde ça marche pour tout.

Les voitures et les motos ? Sublimées.

Les fringues et les chaussures ? Sublimées.

La bouffe, les glaces, le café ? Sublimés.

Le vin ? Sublimé. (oups)

Etc.

On met de la MAGIE dedans, on est comme ça. Et on fait rêver avec des choses simples. Oui, je sais, on est excessifs et on fait souvent rire avec nos embrouilles aussi, et notre Commedia dell’Arte. Je ne le nie pas. Mais c’est pour équilibrer.

J’aime cet équilibre fou, dingue, schizophrène, hystérique, … entre le magnifique et le lamentable.

Alors, tu vois, quand tu vas venir en Italie, tu vas boire du caffè dans les règles de l’art. Tu ne me fais pas honte en cherchant à le boire comme en France. Et quand George te dira “What Else ?” tu lui répondras “Viens, Giorgio, je vais te montrer LE RESTE…

(LE MEC VIT EN ITALIE EN PLUS !) (Ok, j’arrête).

Je ne parle pas non plus de Starbucks ?

Tu as compris ? Des terroristes du café.

Tu vas découvrir ce qu’est le vrai caffè. Le simple. Le sans chichis. L’authentique.

Peut-être que tu connais déjà d’ailleurs et que tu es un adepte. Celui qui laisse un bon goût – longtemps – dans la bouche. Celui qui a une petite mousse dorée et une odeur entêtante. Celui qui coule bien chaud dans la gorge. Celui qui est si court qu’il se boit en deux gorgées. Celui qui est si fort que ta cuillère pourrait tenir debout toute seule dedans.

Pas l’espèce d’eau sale qu’on te sert à l’étranger. Je dois dire que le café français n’est vraiment pas le pire dans le monde. Mais j’ai déjà terrorisé plusieurs serveurs avec mon “Il est bon ce café ? Vous le faites comment ? Montrez-moi la machine. Vous savez le faire ou pas ? Non mais je veux dire, vraiment ?”. C’est une GROSSE DECEPTION à chaque fois, j’ai laissé tomber.

Mais là, on est au bar, en Italie. Il est 8h du matin. Les quotidiens du jour – enfin, surtout la Gazzetta – passent entre les mains des Italiens, les jeunes, les moins jeunes. D’ailleurs tu notes tout de suite que quand même, ils ont la classe avec leurs lunettes de soleil. Tu te demandes comment c’est possible de si bien les porter (c’est un don de la Nature, je ne vois que ça).

Je pense qu’en Italie, il y a autant de sortes de caffè que de villes. J’en découvre des nouveaux à chaque fois : caffè, ristretto, corretto, macchiato, macchiato freddo, macchiato caldo, marocchino, cappuccino, caffè vetro,… J’en passe. Parce que j’en oublie.

Bon le matin tu as le droit à tout, sauf peut-être au Corretto (café corrigé à la Grappa), mais bon c’est toi qui voit, hein. Généralement, je suis du genre “Pas de violence le matin” donc c’est cappuccino.

Un vrai. Avec la mousse de lait montée si fermement que ça fait comme un oreiller pour le sucre. Tu le regardes tomber doucement et ssshhhhhh… disparaître au fond.

Quelques secondes de MAGIE.

CELA N’A DONC RIEN A VOIR NI DE PRES NI DE LOIN AVEC L’EAU SALE A LA CHANTILLY INDUSTRIELLE ET AU CACAO QUE TU BOIS EN FRANCE.

Mais attention. Après 10h30 et à moins d’être dimanche, je veux voir une ordonnance médicale – qui stipule que tu as le droit – si tu veux commander un cappuccino.

D’où ça sort cette histoire de boire un cappuccino après le déjeuner – ou pire – LE DÎNER ? Non mais tu me vois commander un lait au Nesquick après mon magret de canard ?

Le Cappuccino c’est au petit-déjeuner et BASTA.

Si les Italiens te regardent bizarrement, tu penses que c’est parce que tu es Français et qu’ils n’aiment pas les Français.

C’EST FAUX.

Ils te regardent bizarrement parce que tu bois un cappuccino à 19h, voilà la sombre vérité.

Le reste du temps, si le caffè est trop fort pour toi, je te concède le macchiato. Littéralement ça veut dire “taché”. Taché de lait.

Quand je rentre de France en voiture, je passe la frontière, et je m’arrête sur la première aire d’autoroute que je croise, juste pour boire un caffè.

Et oui, parce qu’en Italie il caffè est délicieux, MÊME SUR L’AUTOROUTE.

Donc, fais-moi plaisir. Si tu veux boire un caffè à l’Italienne chez toi :

Petit a : Tu balances tes capsules suisses par la fenêtre. Ca se saurait si les Suisses savaient faire un caffè.

Petit b : Si tu aimes les machines à espresso tu en prends une VRAIE, une traditionnelle (Illy, Bialetti, Lavazza,…), avec du vrai café moulu pour machines à espresso. Celui qui est torréfié trèèèèès fin. C’est moins cher et c’est meilleur.

Petit c : Tu achètes une MOKA Bialetti. C’est la Ferrari de la cafetière. Ca coûte pratiquement rien et tu la gardes toute ta vie. Tu changes le joint pour quelques centimes 1 fois par an. J’ai la mienne depuis 15 ans. Et tu sais ce qui est merveilleux ? Elle chante. Quand le caffè est prêt. Et plus tu fais du caffè, plus il est bon. Juré.

Petit d : Je ne t’ai pas parlé des cafetières à filtres en papier parce que je ne voudrais pas faire un ulcère à mon age.

On aime tellement le caffè en Italie qu’on attend impatiemment la fin du repas, quand la Mamma arrive a table avec la grande Moka fumante et bourdonnante.

La Dolce Vita, c’est exactement ça.

C’est un peu de beauté et un peu de magie dans les choses les plus simples.

Et pour te le prouver, la photo de ce post, c’est moi qui l’ai prise. Les Ritals te font un petit coeur dans ton macchiato. C’est un sourire en le voyant. Puis c’est bon. Tu n’es jamais déçu.

Tu vas adorer, crois-moi. Alors déguste-le ce caffè, puis, tiens, je te prête même ma Vespa pour parfaire le tableau.

Non je déconne.

:-)

Un bacione !

@flonot

PS : Et pour le faire chez toi, dans la plus authentique tradition italienne, c’est ici

18 responses to “Il caffè buono si beve al bar.

  1. Je découvre ton blog avant hier, et ce matin j’achète une cafetière. Une Moka Bialetti, évidemment !

  2. Totalement d’accord !
    Un ami restaurateur (marié à une italienne, ca doit venir de là ;) ) m’a d’ailleurs expliqué qu’il valait mieux (milles fois mieux même) boire un ristretto qu’un décaféiné : peu de caféine sans aucun traitement chimique.
    Depuis je me suis payé une Bialettia Brikka (la cremina sul caffè) – que penses-tu de cette cafetière d’ailleurs, un argument marketing ou un réel plus ? -, et je savoure du bon café, moulu toujours « sur l’instant ».
    Que du bonheur !

  3. Edouard

    Une précision : le meilleur café, c’est le premier à la frontière autrichienne. Je confirme : sur l’autoroute, dans l’habituelle station sinistre, à toute heure du jour ou de la nuit, il est bon, pas cher et obligatoire! Une petite flaque ou fond d’une tasse qui signale qu’on est presque arrivé et dont on garde le goût jusqu’à destination.

  4. excellent article, bien écrit et plein de finesse, je retrouve l’ambiance des bars et les saveurs du café en Italie, un excellent voyage ! bravo !
    un peu de Sicile : http://carnetdevoyage.e-monsite.com/album/sicile/

  5. Non c’è caffè buono vicino a casa mia. Allora tengo la macchina a espresso in cucina.
    Sinon, je m’amuse à répertorier les meilleures adresses à Paris, et ailleurs en France selon mes mouvements.

  6. GF

    Je relis cet article pour la dixième fois au moins et je rigole toujours autant! Le ton en est tellement drôle, tellement fin et tellement juste aussi. Bref, je viens d’en recommander (perfidement) la lecture à une de mes amies qui dit sur son blog tout le bien qu’elle pense de la dernière gamme de café Nespresso : le caffè Trieste! Et j’en profite également pour te féliciter (je m’en serais voulu de rester plus longtemps un passager clandestin), ton blog est un vrai bijou! Bravo! Ou plutôt brava (je n’ai pas envie de me faire tirer l’oreille)!

  7. Bonjour, J’ai hâte de goûter ce fameux café…du matin bien entendu (j’ai compris la leçon).
    Cependant, en tant que français, je ne suis pas contre un peu de polémique. On vit actuellement en France, une nouvelle ère de café-révolution. Des coffee-shops/torréfacteurs proposent maintenant la crème de la crème du café de terroirs. Tu peux trouver les adresses sur mon blog sinon je peux les indiquer ici.
    Et figure toi que ces tenants du « specialty coffee » comme on le nomme honnissent le café italien, trop torréfié, trop cuit, trop amère, pas assez sélectionnés (au niveau du grain, cad des plantations). Qu’en penses-tu (air faussement naïf)?

    • Floriana

      Ce que j’en pense, c’est qu’on peut ne pas aimer le « café à l’italienne », EN REVANCHE, je m’insurge contre ceux qui le fourvoient avec leurs « eXpressos » ou « nespresso »… Moi le véritable caffè, j’en écrirais des poèmes à longueur de journée :)

  8. JP

    Je suis quand même favorable, si je peux me permettre, au café en grains moulu dans un vrai moulin à café (italien naturellement), plutôt qu’au café déjà moulu. Ma femme, qui a vécu quatre ans à Rome autrefois, voudrait que j’achète une machine automatique pour ne plus voir le café qui, évidemment, à chaque remplissage du doseur, tombe un peu sur l’évier…
    J’ai tenté de lui expliquer que je ne changerai pas mon Isomac et son moulin Rancilio. C’est une lutte quasi quotidienne. J’adore. Parce que j’ai raison.
    Et en plus, ce blog est drôle.
    Alors je ne vais certainement pas passer à une machine automatique.

  9. La première chose à faire lorsque je passe la frontière, c’est de m’arrêter soit dans le bar du village, soit sur l’aire d’autoroute à l’Autogrill et boire un caffè, debout, en deux gorgées, après l’avoir senti une bonne fois. Et là, tu sais que tu peux reprendre la route, rien, absolument rien ne peut t’arriver de mal!
    Sinon, c’est caffè Moka chez la mamma et machine Saeco a casa avec du Segafredo, Vergano, Kimbo, ou Illy (un peu cher tout de même) en grains, la macchina le mout instantanément! Quant à Geoges Clooney, il ferait mieux d’aller boire du jus de chaussettes à Las Vegas!! ;-). En ce moment, j’ai l’impression que le marrochino est à la mode , non?

  10. LeLysDansLaVallée

    Je viens de lire cet article, et j’ai maintenant très envie de m’offrir une cafetière Moka…Je n’ai pas de cafetière, je n’aime même pas le café, enfin je crois, je ne suis même plus sûre…Mais ce qui est sûr, c’est qu’après avoir lu cet article, j’ai vraiment envie de l’aimer (le caffè)!
    Merci pour ce blog inspiré, demain je tente le ragù :)

  11. titoulematou

    J’ai une cafetière de ce type mais c’est pas facile de trouver du café adapté!!!

  12. Flo

    Ciao Floriana,
    Un ami m’a conseillé de lire ton article, il m’a dit que j’aimerai et, en effet, j’ai aimé mais je ne trouve pas de superlatifs assez fort pour dire que j’ai plus qu’aimé. C’est criant de vérité, je m’identifie beaucoup à ce que tu dis, notamment, ce plaisir solitaire, le fait d’être debout pour le boire et ce court instant de 30 secondes où tu es seul, c’est exactement ça. Je ne pensais même pas que quelqu’un ferait attention à ce moment étant donné que personne n’y fait attention, pour moi, ces courts instants quotidien sont rentrés dans la normalité et je n’imagine pas boire mon ristretto autrement !

    Il y a aussi d’autres cafés à tester avec la Moka, c’est ça qui est magnifique, par exemple un Blue Mountain moulu pour Moka et une explosion de saveur et c’est l’orgasme culinaire, je le conseille vivement. Cependant, il vient meilleur avec la machine à expresso !
    Bref, merci à toi pour ce petit élan patriotique envers cette très belle culture,

  13. Flo

    Et un dernier détail, qui me paraît indispensable, tu y as fait un aperçu mais c’est un point qui mérite d’être développé….quand, en France (ou ailleurs), vous invitez des amis qui ne connaissent pas le caffè, et que vous leur proposez un caffè vers 22h30, et qu’ils vous répondent, « ouah non t’es fou, je vais plus dormir avec ça ! »… CAZZATA ! HERESIE ! C’est qu’ils n’ont jamais bu de caffè(ou peut-être un café grand mère), servez leur un caffè ristretto et contrairement aux idées reçues, c’est la meilleure chose avant de dormir !!

    • Floriana

      Mais absolument !!! J’adore le caffè après le diner ! Cette légende urbaine qui court et qui court… Alors que la caféine se développe dans l’eau, donc le café long « américain » est bien plus excitant que le ristretto :)
      Et puis ce gout concentré… MMMMH!
      A presto et merci pour ces jolis commentaires !
      Floriana

  14. marcosierre

    la « Firma » y est; merci
    m A R C o

  15. Hilda Muradian

    Je ris devant mon ordi.
    J’habite Lyon et nous allons avec mon époux très souvent en Italie (nous essayons d’y aller une fois par an). Rome Florence, Sienne, Parme, Bergame, Venise et le caffè c’est toujours au bar que nous le prenons. D’ailleurs à Venise sur la place Saint Marc le même caffè coute 1€ au bar et 7 € en terrasse (place Saint Marc) c’est toujours jubilatoire pour nous.
    J’adore la cuisine italienne autant que la française (du Sud) et je prend mes recettes chez Edda (Un déjeuner de soleil) et maintenant chez vous ;D
    Un grand merci pour ce billet.

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