Buon Natale a tutti.

cotechino

Comment ne pas littéralement chérir la période de Noël  en Italie. Je me fiche d’être sans doute trop romantique, trop sensible, trop naïve, mais moi, voir tous ces gens emmitouflés dans les rues, sous les lumières clignotantes des sapins et des vitrines, le panettone dans une main, le pandoro dans l’autre, ça m’émeut infiniment. C’est le seul moment de l’année où l’Italie est kitsch. Classe, mais kitsch, alors autant ne pas en perdre une miette de torrone.

Et puis les Italiens, quoiqu’ils en disent, adorent Noël .

Ils aiment se plaindre ironiquement des repas dantesques à ingurgiter en souriant, ils râlent avec affection au sujet de la famille à supporter, ils grommellent en pensant à tous les auguri à souhaiter et les panettone à offrir, ils adorent en fin de compte s’asseoir à table le 24 au soir et enchainer non pas un, ni deux, ni trois, mais bien cinq gigantesques repas de Noël. Oui, parce qu’en Italie, on fête la “vigilia” (la veille), “Natale” (Noël)  et “Santo Stefano” (fête de la Saint Etienne, jour férié en Italie). Sans compter tous les presque-repas-de-Noël  jusqu’au 6 janvier, jour de l’épiphanie et de la “Befana”, la sorcière et ses haillons qui se rend dans les maisonnées la nuit et se charge de couvrir de charbon les enfants qui n’ont pas été sages.

Bref, à Noël , les Italiens font ce qu’ils savent faire de mieux : L’INTERMINABLE REPAS DE FAMILLE.

Dès que l’été commence à balbutier et s’évanouit lentement au rythme des arbres qui se colorent, les Italiens commencent à bavarder au sujet de Noël . Plus précisément en Emilie-Romagne, l’organisation du repas de Noël  relève de la préparation du G20. A partir de début Novembre, les Italiens du Parmense, du Reggiano, du Modenese, et du Bolognese, commencent à préparer leurs plats pour le repas du 25 décembre.

Deux mois avant, tu as bien lu.

C’est à dire que réaliser de A à Z quelques 1000, 1200, 1500 anolini ou cappelletti (ravioli à la viande), ça prend du temps et surtout ça demande une logistique sans faille. Tout le monde s’y met, des petits-enfants aux grands-parents, toute la famille et les amis réunis pour impastare (faire la pâte), tirare la sfoglia (laminer la pâte), et farcir les cappelletti. Une tradition indéboulonnable qui revient systématiquement tous les ans, souvent sous la baguette et l’oeil avisé de la nonna qui détient bien entendu la seule et unique recette véritable des cappelletti. Ils seront ensuite congelés et dégustés la veille de Noël , flottant dans le brodo (bouillon) jusqu’à l’Epiphanie. D’ailleurs dans le coin on les appelle les “galleggianti” – les flottants. Et comme bien entendu rien ne se perd, les restes seront précieusement conservés jusqu’au repas de Pâques.

Un brodo et des cappelletti, dans le froid acéré et le brouillard compact de la pianura padana, c’est sincère, c’est délicat, divin et doux, ça se partage, ça réchauffe les cœurs les plus tristes. Pour comprendre il ne te reste désormais et selon toute évidence plus qu’à rappliquer à Parme entre décembre et février, et ce, tous les hivers que le ciel fera.

Tu ne seras pas déçu du voyage, parce que l’autre plat traditionnel d’Emilie-Romagne en période de Noël , c’est le cotechino con le lenticchie.

L’Italie n’a rien inventé de plus rustique que le cotechino con le lenticchie.

Ca ressemble un peu au « petit salé aux lentilles » auvergnat, puisque c’est aussi un morceau de porc bien bien BIEN gras accompagné de fines lentilles revenues dans de l’huile d’olive, quelques aromates, et un peu de pulpe de tomates.

Personnellement, j’en rafole.

Mais alors, qu’est-ce que le cotechino ?

« Del maiale non si butta via niente » est la version italienne du « Dans le cochon tout est bon », et Dieu sait combien les Italiens ne rigolent pas avec le cochon. Eux, ils te prennent les restes du cochon, et ils t’en font du caviar.

DU CAVIAR TU M’ENTENDS ?

Finir dans un cotechino à Parme tous les cochons en rêvent!

Le cotechino est le plat des pauvres de la campagne modenese au XVIIIe. On le mangeait avec une bonne zuppa di legumi – soupe de légumineux – ou bien pour accompagner le minestrone. Ou même entre deux tranches de pain pour un panino venu tout droit du paradis de Dante.

C’est au siècle suivant qu’il a acquis une certaine noblesse en devenant le plat de l’aristocratie parmesane et en recueillant les faveurs des chefs et critiques les plus renommés de l’époque, notamment Pellegrino Artusi, célèbre gastronome qui a inscrit dans le marbre LA recette du minestrone.

Donc revenons à mon cochon, le cotechino c’est tout simplement les « restes » de viandes maigres et grasses comme la “spalla” (l’épaule), le “guanciale” (la joue) et la “pancetta” (la poitrine) dont personne de la haute ne voulait. Et évidemment beaucoup de “lardo” (le saindoux). Les paysans hachaient la viande, et l’assaisonnaient abondamment de sel, poivre, noix de muscade, et clous de girofle. Le mix d’épices est en fait le secret bien gardé de chaque « salumiere », c’est ce qui caractérise chaque cotechino. Ensuite il suffisait d’insaccare dans la peau du cochon (on me dit que le terme technique est l’embossage), recoudre, et voilà, le cotechino et ton taux de cholestérol sont prêts !

Mais cessons la technique, parce que le cotechino, c’est surtout de l’émoi jusqu’à l’ivresse et de la simplicité jusqu’à la plénitude.

On le fait bouillir pendant deux heures dans de l’eau non salée – crois-moi, ça ne sert à rien de saler le cotechino – avec des feuilles de laurier, des clous de girofle, et si tu veux, une carotte, une branche de céleri, un oignon. Puis tu le découpes en tranches bien épaisses et tu le sers avec des lentilles.

Les lentilles. Chez nous on fait les meilleures, on ne va quand même pas s’excuser : la bien nommée précieuse “Lenticchia di Castelluccio di Norcia” dont l’origine géographique est protégée (IGP). Elle est cultivée depuis toujours à 1500m d’altitude, dans le parc national des Monti Sibillini, entre l’Ombrie et les Marche, au coeur des Appenins, là où la terre peut se reposer en hiver, couverte et à l’abri sous un épais manteau de neige. Le centre de l’Italie, cette région méconnue des touristes, préservée, et magnifique.

Ces petites pépites que tu auras sagement laissé reposer dans l’eau pendant au moins douze heures, et que tu auras fait revenir dans de l’huile d’olive avec une gousse d’ail et un peu de pulpe de tomates. Tu termines par une louche de bouillon du cotechino. Tu les sales à la fin sinon elles seront dures, alors que toi, tu veux qu’elles fondent dans la bouche comme une crème.

En plus de faire lit douillet du cotechino, elles te porteront chance pour l’année qui vient. Comme autant de petites pièces de bonne augure, d’abondance et de prospérité.

En tous cas l’Italie te le souhaite. Elle y a mis tout son savoir faire, sa générosité, son abondance et son authenticité.

La tradition pour ne pas oublier d’où on vient, parce qu’à Noël , quand ta table sera remplie de toutes ces petites merveilles, tu penseras à ceux qui, il y a longtemps, n’avaient rien que des restes de cochons et quelques lentilles pour fêter en famille la fin de l’année.

On accompagnera ce plat du bon conseil de Sand.

On finira par une tranche de panettone, ou de pandoro, pas de jaloux.

Et on sera rassasié et heureux.

Gras, mais heureux.

Buon natale a tutti.
@flonot

Arrabbiata.

Il se trouve que dernièrement, j’ai beaucoup de mal à écrire sur ce pays que d’ordinaire je flagorne avec adoration et exagération, en considérant a priori comme irrecevable toute critique à son encontre, qu’elle soit construite, provocatrice, ou simplement trollesque. Et j’adore le faire, j’aime déifier l’Italie, je raffole de sa Dolce Vita, je me complais dans ses défaillances et parfois, souvent, contre toute attente, j’en redemande. Comme un amoureux à qui je pardonnerais tous ses défauts, trop aveuglée que je suis par mon amour passionnel envers l’Italie, je refuse ne serait-ce que l’éventualité qu’elle pourrait me décevoir.

Mais voilà, après quelques années en Italie, la colère remue mes sentiments transi-amoureux. Je ne trouve plus à lui pardonner. Je n’ai plus l’énergie de lui pardonner. Il ne s’agit pas de la colère qui a accompagné la défaite de l’Italie en finale contre l’Espagne, le penalty raté de Baggio en finale contre le Brésil, le but en or de Trezeguet. Non.

Je suis vraiment en colère.

En colère contre ce pays qu’on dit ingouvernable. Une génération entière jetée à la poubelle. Vingt années passées à offrir une place, des régions, des ministères à un Berlusconi délinquant et ses alliés d’extrême droite, à banaliser ses idées les plus abjectes, à transformer la télévision en réceptacle à Italiennes à poil.

Et là maintenant qu’il gît, le râle au bout du souffle, après avoir mis le pays à genoux, avoir menacé une nouvelle fois de tout faire éclater, pour finalement se raviser à la dernière seconde, histoire de ridiculiser un peu plus ce pays, qu’est-ce que les Italiens ont fait? Ils ont donné du pouvoir à un clown démago aux discours qui n’ont rien à envier aux extrémistes.

Je suis en colère.

En colère contre nous, les Italiens, qui ne sommes pas capables, en 2013, de voter une loi anti-homophobie, et ce, au nom de la “liberté d’expression”. Oui, tu as bien lu. Les Italiens veulent avoir tout le loisir de tabasser du pédé. Je pensais avoir tout lu et entendu lors du débat sur le mariage pour tous en France, c’était sans compter sur le coming-out homophobe de mes compatriotes italiens.

En colère contre nous, les Italiens, qui lançons des cris de singe dans les stades quand Mario Balotelli, un enfant de notre propre pays, touche le ballon. Ou des bananes à notre ministre de l’intégration Cecile Kyenge.

En colère contre nous, les Italiens, qui ne trouvons rien de mieux à faire que de poursuivre en justice les survivants de Lampedusa, coupables d’avoir survécu à l’horreur, coupables de ne pas être morts pendant la traversée. Parce que nous avons laissé des politiques voter le “délit de clandestinité”.

En colère contre nous, les Italiens, qui avons traversé les mers, les océans pendant des siècles, animés par le même espoir d’une vie meilleure et d’un futur joyeux et esclavagisons les survivants de la traversée pour ramasser nos tomates. C’est la rage qui me tord la gorge maintenant.

En colère contre nous, les Italiens, qui laissons pourrir notre jeunesse, qui tuons son enthousiasme, lui donnant les conditions de travail les plus précaires et les plus indignes d’un pays développé, en y insérant parfois des clauses de salaire maximum à 5.000 euros par an.

En colère contre nous, les Italiens, qui tuons à petit feu toutes les merveilles que l’Histoire nous a léguée, qui ne réalisons pas cette chance inouïe que nous avons de grandir et de vivre au milieu des signes les plus nobles de notre culture. Pompei a traversé les millénaires au rythme des éruptions du Vésuve, mais aujourd’hui c’est l’UE qui doit la sauver, elle ne survivrait pas aux Italiens du XXIe siècle.

Et je suis en colère, car je sais bien que tant que les Italiens auront du pain et la pasta sur la table, il ne se passera jamais rien dans ce pays, qu’il faudra des années et des années avant de voir les infimes changements positifs dans les mentalités et dans la société.

Oui, j’ai la rage. Une rage italienne. Une colère qui sue jusque dans notre cuisine. L’arrabbiata. L’enragée. Il n’y a vraiment que les Italiens pour cuisiner un sentiment. Les penne all’arrabbiata. Les pennes de la colère. Pour donner vraiment vie aux ingrédients. Pour leur donner un sens. Ça, je dois admettre que je ne pourrai jamais l’enlever aux Italiens. Au moins, ça, on sait le faire.

Comme pour me dire : pazienza, comme une vieille nonna qui me dirait “l’Italie finit toujours par s’en sortir, tu verras, on en a vu d’autres – mammamia, tu trouveras de nouvelles ressources pour lui pardonner. En attendant, mange tes pâtes.

C’est peut-etre meme bien par là qu’arrivera notre salut. Chissà.

Deux ou trois piments pour avoir une raison de devenir tout rouge – au cas où on n’en avait pas assez, coupés en rondelles, qu’on fait revenir avec une ou deux gousses d’ail dans de l’huile d’olive. Quand l’ail a coloré, tu retires les gousses et tu verses une boite de tomates pelées préalablement mixées ou émiettées dans ta poêle. Un peu de sel, un peu de poivre, ¼ d’heure à feu doux/moyen.

Puis des penne al dente, sautées dans la poêle.

Du pecorino romano. Ou du parmigiano reggiano, éventuellement, mais ne le dis pas aux Romains, tu vas nous les énerver encore plus.

Il parait que la réussite de ce plat dépend uniquement de l’ingrédient fondamental : le degré de colère de son cuisinier, et toutes les grossièretés qu’il va proférer.

Je crois que je vais pouvoir cuisiner la meilleure arrabbiata de ma vie.

Et buon appetito.
@flonot

[Article publié sur slate.fr]

Spaghetti del Mare alla Enzo Molinari

Enzo Molinari, je l’adore.

1988, « Le Grand Bleu », j’ai 7 ans, la France découvre la douceur et la poésie de l’Italie du Sud et les couleurs du tempérament sicilien de Enzo et sa famille.

Enzo est beau. Impulsif, excessif, sensible, fort, généreux, épicurien, égoïste, fragile, et affectueux. Il exagère, il recommence, il plonge, il revient, il caresse, il blesse, il regrette, il pardonne et se fait pardonner.

C’est Enzo, c’est le reflet caricaturé de l’Italien, comme on l’imagine, à tort et à raison, celui qui nous fascine et qui nous agace. Quand j’étais petite et qu’autour de moi on s’extasiait sur « Le Grand Bleu », je me disais dans mon for intérieur : « Oui, et Enzo, il est ITALIEN. Il pourrait être mon ONCLE. D’ailleurs, j’ai un oncle, il est comme ENZO ». Ma petite revanche personnelle sur la vie et les moqueries à base de tortue ninjas. Tout le monde voulait être comme Enzo, avoir son charisme, son rire, sa prestance, son allure.

Sa tchatche.

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Le Bordel de la Puttanesca.

Ah, les élections italiennes. Une sorte de gigantesque Commedia dell’Arte mais en version série Z, sans rires ni art, juste avec les mauvais acteurs, la mauvaise intrigue, et le mauvais dénouement. Un exercice démocratique au sujet duquel les Italiens se déchirent pendant des semaines, sans jamais débattre ni avancer une quelconque nouvelle idée ou solution. Ce sera à qui insultera l’autre le plus fort.

Ces insultes permanentes par médias interposés, cette démagogie et ce populisme oppressants, ce foutage de gueule quasi-impuni, tous les jours, partout. L’Italie qui d’ordinaire cultive si bien le bon goût, l’élégance, le raffinement, la culture, tous les jours, dans les moindres recoins de ses villes, villages, collines, montagnes et littoraux, qui aime s’extasier des choses les plus simples, une olive, une tomate, le soleil, une boule de pain, se métamorphose.

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Mozzarella. La Principessa.

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« Quand tu viendras à Milan, je t’emmènerai au Mozzarella Bar, tu verras c’est merveilleux ! »

Je me souviens encore ce que m’a répondu mon amie française.
Une très bonne amie en plus, que je connais depuis longtemps, et jamais en reste pour ce qui est de bien manger. Le genre d’amie qui te fait plaisir quand tu vas au restaurant, qui, comme toi, s’extasie d’un rien, a envie de goûter dans les assiettes de tout le monde, et surtout tient à découvrir les us et coutumes locaux en termes de gastronomie. D’autant plus qu’elle me fait confiance et me laisse choisir pour elle les yeux fermés tout ce qu’elle doit goûter sur la carte italienne. Autant te dire qu’elle, l’Italie, et moi, ce sont chaque fois de grands moments de bonheur gustatif que nous vivons. L’organisation de nos weekends commence toujours par « Bon, qu’est-ce qu’on mange, là-bas ?« .

Vraiment, une bonne amie.

« Comment ça un « mozzarella » bar, mais un bar à mozzarella, y’en a plusieurs de mozzarella ? Mais pourquoi faire, ça n’a pas de goût la mozza ! »

Je ne sais pas si tu te rends bien compte, mais ça m’a tellement scié les jambes que j’ai failli pleurer.

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Pasta Diva. Hai Del Sole Il Bel Calore.

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Il est fascinant ce coffre aux trésors, maintenant qu’on a trouvé la clef, toi et moi.

Et comme tous les trésors, on va le chérir, le défendre, l’aimer, lui pardonner quand il nous déçoit – si, ça peut arriver – l’encenser, et le célébrer en prenant exemple sur ces Italiens qui s’y emploient tous les jours, du nord au sud.

Où que tu ailles en Italie, les mammas – mais les italiens en général aussi – mettent le même amour, la même passion, la même rigueur à cuire la pasta et préparer des repas… dantesques. Pour eux, c’est un cadeau, une preuve d’affection, un réconfort pour la famiglia. Comme partout dans le monde probablement, quand il s’agit de cuisiner (sauf peut-être aux Pays-Bas, là-bas ils doivent prouver leur affection autrement que par la cuisine, mais passons). Mais ce que j’ai toujours trouvé fabuleux en Italie, que tu te trouves à Trento ou à Reggio di Calabria, que tu te balades à Torino ou à Lecce, que tous ces Italiens, qu’ils soient pauvres, riches, cultivés ou non, connus ou pas,  portent tous le même respect profond et éternel à la pasta.

Absolument tous.

Chacun d’entre eux.

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La Pasta. La Caccia al Tesoro.

Je réalise que je fais tout à l’envers. Je dois probablement penser que la situation n’est pas si désespérée que ça, et qu’au fond tu n’es pas une cause perdue. Parce qu’il y a certaines choses que – tout de même – je n’imaginais pas devoir expliquer, tant elles tombent sous le sens.

J’ai commencé à m’énerver – un peu, si peu – contre toi parce que tu faisais n’importe quoi avec la Carbonara alors qu’en fait, la situation est bien pire. BIEN BIEN PIRE. Un peu comme quand tu commences à gratter la croûte d’un gâteau brûlé pour essayer de récupérer la situation mais en réalité c’est irrécupérable. Tu le sais mais tu insistes, tu persistes, tu gardes toujours un peu espoir.
Je gratte, je gratouille, et là je découvre avec stupeur mais surtout avec effroi, que les pâtes, ben pour toi, c’est « toutes les mêmes ».

Longues, courtes, lisses, rayées, farcies, aux œufs, au blé dur,… toutes les mêmes ?

TOUTES LES MÊMES ?

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La Caponata. Il Mezzogiorno Italiano.

Avant toute chose. Sache que ce plat typiquement sicilien – mais très répandu dans le sud de l’Italie – compte pas moins d’une quarantaine de variantes en Sicile elle-même. C’est pourquoi  tu ne t’attireras pas les foudres de la mamma siciliana, ni les miennes, si tu te laisses aller à un peu de créativité. Mais attention, ne prends pas tes aises, ce plat est une éloge au mezzogiorno italien, donc ne va pas me mettre n’importe quoi dedans.

Il faut que la caponata respire les oliviers de la Puglia, il faut qu’elle chante Syracuse, il faut qu’elle murmure les secrets de Stromboli, il faut qu’elle rayonne du soleil de la Calabria.

Je veux voir l’Etna dans ce plat. Pas moins.

Alors ne va pas t’amuser à me mettre du soja ou des cornichons, sinon je te coupe la main.

A la mode de chez nous.

Tu vois, ce genre de plat, dans le sud de l’Italie, ça te réconcilie avec les légumes. Tout simplement. C’est une révélation. Tu penses à tout ce temps perdu avant d’avoir goûté pour de vrai des aubergines, des courgettes, des tomates, des câpres… Quand les Italiens du Nord viennent dans le mezzogiorno, eux-mêmes n’en reviennent pas de ces parfums, de ces saveurs.

La caponata.

Le plat du pauvre ?

Le plat de la mamma, surtout, qui avec un peu de magie, sublimait tout ce qui poussait dans les terres alentours. Et qui, aujourd’hui, avec beaucoup d’amour va choisir ses légumes et menacer du doigt le maraîcher s’il essaye de lui refourguer autre chose que le meilleur de son potager. Une acheteuse impitoyable. Je ne plaisante pas. Si l’aubergine n’est pas au top, le maraîcher va passer un sale quart d’heure. Quiconque a essuyé la colère d’une mamma sait de quoi je parle.

Bien.

CE N’EST PAS UNE RATATOUILLE.
Enfin si. Mais en bien meilleur. D’autres questions ?

Alors pour une caponata chantante il te faut :

Petit a : Du céleri, des aubergines, des courgettes, des oignons, des tomates mures.

Petit b : De l’Huile d’Olive extra-vierge, du vinaigre blanc, des câpres de Lampedusa. Bon, si tu n’as pas des câpres de Lampedusa, ça me rend très triste pour toi, mais tu peux faire avec d’autres câpres.

Petit c : Des olives vertes, des raisins secs, des pignons, des pistaches.

Petit d : Du sel, du poivre, du sucre, du basilic.

Dans un premier temps, tu prends tes aubergines, tes courgettes, ton céleri, des tomates, et tu me coupes tout ça en petits cubes. J’ai vu un chef italien le faire devant mes yeux, alors je te livre quelques-unes de ses techniques :

L’aubergine : Tu la pèles, mais pas complètement. Tu alternes une grosse partie sans peau, une grosse partie avec peau. Elle doit être « rayée ». Pourquoi ? Parce que ça permet de la maintenir, elle ne s’écroulera pas dans ta poêle.

La courgette : Tu ne la pèles pas, mais tu fais en sorte de retirer la partie spongieuse. Le cœur, quoi. Ça permet d’avoir un légume bien croquant à la cuisson.

Le céleri : Tu aplatis la branche avec le plat de ton couteau, pour lui retirer cette forme de « demi-cercle ». C’est plus facile pour couper en petits cubes.

Dans une poêle à feu doux, tout doux, tu fais revenir les oignons blancs coupés en julienne dans de l’huile d’olive – SANS LES COLORER. Juste tu les étouffes un peu. Tu sales, tu poivres, et tu déglaces avec un peu de vinaigre blanc.

Dans une autre poêle à feu moyen, toujours avec de l’huile d’olive, tu fais revenir le céleri, la courgette, la tomate en les gardant croquants. Tu fais sauter tout ça d’un joli coup de poignet – hop hop hop. Heureux comme un Italien qui gagne la Coupe du Monde contre la France et qui chante « Azzurro… Il pomeriggio è troppo azzurro e lungo… per me… »

Caponata 1 – 0 Ratatouille

C’est gratuit. De rien.

Pour les aubergines, tu vas faire un truc un peu fou-fou. Tu vas les frire légèrement. Donc tu les farines et tu les plonges quelques instants dans de l’huile bouillante. Puis tu les essuies un peu pour ôter le trop plein d’huile et tu les ajoutes en fin de cuisson aux autres légumes, avec tes olives dénoyautées et coupées, les raisins secs, et les câpres. Une pincée de sucre pour parachever le chef-d’œuvre, tel Michelangelo donnant son dernier coup de pinceau au plafond de la capella Sistina.

Une fois que tout ça, ça sent bon la terre et les figuiers du mezzogiorno, une fois que c’est coloré, joyeux, et parfumé, tu déposes dans les assiettes et tu parsèmes avec des pignons toastés et des petites pistaches. Tu dégustes ça chaud, froid, en antipasto, en contorno avec une viande ou un poisson, c’est délicieux.

Ça réchauffe le cœur et ça transporte sans escale sous un olivier argenté de la Puglia.

Benvenuti a casa.

A presto !
@flonot

Il Pesto alla Genovese. La Fine del Mondo.

Il y a des choses que je ne comprendrai jamais.

Soit je suis très naïve, soit j’ai toujours foi en l’Humanité et je me voile la face. On va dire que j’ai toujours foi en l’Humanité, sinon je me serais d’ores et déjà complètement pendue avec un spaghetto (tu te souviens « un panino, deux panini« , ça marche avec « un spaghetto, deux spaghetti »).

Alors. Tu sais que j’aime bien quand les plats racontent une histoire. Leur histoire. Et les plats de pâtes Italiens ont tous une belle histoire à raconter. Ils ne sont pas nés comme ça, hop, du jour au lendemain, par l’opération du Saint-Esprit. Ils sont sans doute touchés par la grâce d’une puissance surnaturelle pour être aussi merveilleux et célestes – certes – mais ils viennent de quelque part.

Donc. Quand je te vois prendre ce petit bijou de basilic. Et mettre n’importe quoi dedans. Et le tartiner sur tout ce qui te passe sous la main. Ou noyer la pasta sous une flaque de bouillie verdâtre-marron. Et prétendre que c’est un pesto alla genovese. Je pense à tous ces marins de Genova, au XIXe siècle.  Tous ces ouvriers de la mer, se tuer à l’effort toute la journée, dans le bruit, dans le vacarme assourdissant des navires, dans la pauvreté, mais dans la gaité aussi. Les grosses tapes viriles sur les épaules brulées par le soleil, et la grande tablée en sueur où on se passe en chantant fort un énorme plat de pasta al pesto.

Genova.

Le port.

C’est comme ça que je l’imagine. Que j’aime l’imaginer.

Et je me dis que cette pasta, fort odorante du basilic de la riviera ligure, fumante, qui prend au nez, qui calme les faims les plus gargantuesques, ça devait être un sacré beau moment de répit. Comme cela devait être réjouissant dans une journée que pas un d’entre nous ne serait capable de subir aujourd’hui.

Peu de temps. Et peu d’argent. Mais des pâtes et du basilic cueilli par des petites mains dans la région. Du basilic perché sur les falaises et caressé par le vent marin de la Liguria – tra mare e monti. Parce qu’ils n’avaient quasiment que ça.

Un cadeau du ciel pour l’écume de la population.

Un tableau.

Et 200 ans après, je voue le même culte au pesto alla genovese.

Bien sûr, il pesto, c’est un plat où on peut mettre ce qu’on veut dedans au final. Il en existe autant qu’il y a de villages en Italie. On le fait avec ce que la terre veut bien faire pousser autour de nous. Pesto, du verbe pestare – écraser, piétiner. Alors, oui, effectivement, tu peux prendre du basilic et l’écrabouiller avec ce que tu veux. Mais tu n’as pas l’indécence déplacée de le présenter comme un pesto alla genovese, sinon ce sont les marins du port de Genova qui viendront hanter tes plus sombres cauchemars.

Je le sais, c’est moi qui te les enverrai.

Et maintenant. Devine quoi. Il pesto alla genovese. Non seulement c’est bon à en pleurer et à en croire l’existence de Dieu lui-même, mais en plus, c’est d’une simplicité… Mais d’une simplicité… Et d’une beauté… Comme si tu étais sur la via dell’amore, entre Riomaggiore et Manarola. Juste, . On n’est pas bien, posés là, à regarder la mer s’écraser contre les rochers ?

Tu aurais envie de manger un pesto alla genovese trahi et travesti… ici ?

BIEN SÛR QUE NON.

Donc on va le faire ensemble, toi et moi. Et tu verras, ce n’est que du bonheur à l’Italienne.

Pour un authentique pesto alla genovese, il te faut :

Petit a : Du basilic. En branches. Frais. Magnifique.

Petit b : Du gros sel marin. Ben oui.

Petit c : Des gousses d’ail.

Petit d : Du parmigiano reggiano et du pecorino stagionato (pour le râper)

Petit e : Des pignons qui sentent bon le pin.

Petit f : De l’huile d’olive extra vierge. Tu prends celle que tu veux, même si c’est évidemment perfetto si tu prends celle qui vient de notre belle Liguria.

Petit g : Des pâtes.

A Genova, les trofie et les trenette sont les pâtes de prédilection pour le pesto alla genovesela pasta tipica. Mais tu peux choisir des linguine, des bavette, des spaghetti aussi. Les trofie sont les seules pâtes courtes que je t’autorise. Il pesto est gorgé d’huile d’olive, il va mieux glisser sur la pasta lunga et être plus léger. C’est tellement meilleur.

Un truc pour que ton basilic garde bien sa couleur. Lave-le délicatement et plonge le dans un bain de glaçons, pour aider à fixer son joli vert.

C’est fragile, le basilic. Si tu le martyrises trop – genre dans un mixeur, il va perdre toutes ses bonnes choses, tu vas le GÂCHER.

ET JE N’AIME PAS, quand tu gâches ce que les marins avaient de plus précieux.

Et puis surtout, les lames agressives et méchantes du mixeur vont le chauffer, il va cuire, devenir sombre, mourir. Il pesto alla genovese, on le ne chauffe pas, on ne le cuit pas, on le verse directement sur les pâtes à peine égouttées.

C’est pour cette raison que tu vas utiliser un mortier en marbre.

Bon OK, si tu n’as pas un mortier en marbre comme les vieilles mamma de Genova, tu peux utiliser un mortier quelconque. Tu vois je suis sympa quand même. Tu effeuilles doucement le basilic et dans ton mortier tu mets le gros sel marin, l’ail, les pignons. Tu travailles tout ça avec amour à la force du poignet – en pensant aux marins qui ont besoin de réconfort – et petit à petit tu ajoutes l’huile d’olive par filet.

N’y passe pas des heures, plus tu travailles le basilic, moins il sera beau. Et tu veux qu’il soit beau. Tu seras tellement fier.

Puis tu mets ton parmigiano et ton pecorino. Ensemble. Sur la question du fromage, l’Italie t’accorde un peu de flexibilité. Tu peux remplacer le pecorino par de la ricotta tosta ou même du fromage de chèvre frais.

Et voilà.

Voilà, voilà.

C’est tout.

Si tu es malin, tu as même fait bouillir l’eau et tes pâtes sont prêtes quand tu as fini d’extraire du basilic toutes ses saveurs. Al dente. Tu verses directement sur les assiettes. C’est très parfumé, tu n’as pas besoin de noyer tes linguine. Juste les colorer. Tu décores avec quelques pignons de pin, une feuille de basilic frais. C’est rustique. C’est viril. C’est fin. C’est beau.

Tu chantes la Liguria.

C’est ma meilleure réponse à tous ceux que je vois faire des pâtes au ketchup parce que soi-disant c’est rapide.

Et c’est la fine del mondo. Quand tu manges un beau pesto alla genovese, la fin du monde peut bien arriver demain, tu peux partir en paix. Tranquille. Et plus tu regardes les vagues venir mourir sur les falaises de Manarola, plus tu as le visage caressé par le vent, comme le basilic,  et plus tu entends les marins chanter joyeusement, au loin.

Je les entends aussi.

Buon appetito.

@flonot

PS : Et pour faire plaisir à nos copains les marins, tu verses ce joli vin dans ton verre. Là, là c’est parfait. Grazie, Sand.

Il Risotto. Il Miracolo

Risotto ai Funghi

Il faut prendre ton temps. Ne pas improviser. Ne pas décevoir. Et surtout ce soir, où tu reçois le genre d’invité pour lequel tu t’es décarcassé longtemps, avant de savoir ce que tu allais bien pouvoir cuisiner pour lui faire honneur. Tu n’en as quasiment pas dormi depuis que tu sais qu’il sera à ta table. Si tu te plantes, tu pourrais t’en vouloir longtemps, parce qu’il ne revient pas si facilement, et pardonne rarement.

Cet invité il est dans ton verre. Dans une bouteille. Une bouteille d’Amarone, que tu as achetée et que tu regardes amoureusement. Comme l’a écrit Sand, l’Amarone, c’est un vin de temps. Donc tu as patienté. Longtemps. Et maintenant tu sais ce que tu vas faire. Pas une vulgaire entrecôte. Non.

Un Risotto.

Évidemment. Qui mieux que le risotto, sa crème divine et miraculeuse, son fondant, sa chaleur pourrait mieux servir l’Amarone? Oui, parce que cette fois, ce n’est pas le vin qu’on sert avec le plat. C’est le plat que tu vas servir avec l’Amarone.

Tu as posé la bouteille délicatement et en évidence dans ta cuisine, elle va trôner pendant tout ce temps où tu vas cuisiner. Et tu ne vas pas la quitter des yeux, pour que tu n’oublies pas que ce soir, c’est pour elle que tu cuisines. Avec Toi, Moi, et l’Italie entière à ses pieds.

Risotto, aussi, c’est un plat de temps. Il faut du temps. Il faut prendre du temps (1). Un Risotto ne peut pas être servi en moins de 20 minutes, et ne se prépare pas à l’avance. Répète après moi. Un Risotto ne peut pas être servi en moins de 20 minutes, et ne se prépare pas à l’avance. Encore une fois. Un risotto ne peut pas…

Il faut beaucoup d’attention. De la rigueur et de l’amour. Ne jamais prendre confiance. Une erreur d’inattention, ET C’EST LE DRAME. Donc tu ne te laisses pas distraire, tu vires tout le monde de ta cuisine, tu fais le silence autour de toi. C’est bon? On y va!

Pour un Risotto traditionnel, il te faut:

Petit a/ Du Riz. Carnaroli ou Arborio (ce sont les plus simples à trouver). Il existe d’autres variantes en Italie comme le Vialone, mais plus difficile à se procurer à un prix raisonnable en-dehors des frontières italiennes.

Celui que tu préfères, je n’ai pas de religion de ce coté là. Ce sont des riz ronds, il existe des cultures immenses dans le Nord en Italie, du Piémont à la Lombardie. Ce riz est parfait pour le risotto. Il fait de la bonne crème. A chaque fois que je vois cette petite crème, je me dis que c’est un miracle.

Petit b/ Des oignons

Petit c/ Du vin blanc plutôt sec

Petit d/ Du Parmigiano Reggiano

Petit e/ Du sel, du poivre, du beurre

Petit f/ Du bouillon.

Parlons-en du bouillon. Tu me jettes ces cubes tous préparés. Tu le fais toi-même. On t’avait prévenu que l’Amarone était un vin de temps. Il faut un bon pot-au-feu aux légumes ou au bœuf ou au poisson, c’est selon, et tu gardes bien le bouillon. (Ou alors la prochaine fois que ta mère fait un bouillon, tu le récupères et tu le congèles. Je nierai avoir écrit cette dernière phrase).

Petit g/ Une cuillère en bois

Petit h/ Une sauteuse, ou une poêle à bords hauts.

Bon maintenant que tu es prêt, on y va.

Pour les quantités, je n’en sais rien, je fais tout au pif. C’est dans les gènes que l’Italie m’a transmis, désolée. Je sais, tu en as marre de ne pas être Italien. Bonne chance. (Il parait qu’il faut 3 fois plus de bouillon que de riz, débrouille-toi avec ça.)

1. Donc déjà, tu fais bien bouillir le bouillon. Il faut que le bouillon soit bien bouillant quand tu vas en avoir besoin. Je ne peux pas le surveiller à ta place alors pour l’amour du ciel, désigne un préposé au bouillon.

2. Dans une casserole, tu fais fondre une noix de beurre sans le faire brûler. Donc à feu doux. Et tu fais revenir les oignons que tu auras coupés bien finement. Tu les fais revenir jusqu’à ce qu’ils deviennent transparents. Le secret du Risotto, c’est surveiller.

Tout, tout le temps. Ne pas se planter dans le timing. A tous les instants, tu as tout sous contrôle. Un peu comme les 20 minutes de ton examen du permis de conduire: les yeux dans les rétros, sur la route, devant, sur les cotés, partout, tout le temps.

3. Une fois que les oignons sont transparents, tu verses l’intégralité de ton riz Carnaroli – j’ai décidé que tu utiliserais du Carnaroli, voilà. Et là attention, tu vas suivre attentivement ce que je vais te dire.

4. Tu vas remuer délicatement le riz, bien l’imprégner du beurre et des oignons, et à partir de maintenant, tu ne cesseras PLUS JAMAIS de remuer. Quitte à passer pour un maniaque, tu ne lâches POUR AUCUNE RAISON cette cuillère en bois et tu remues. Pas frénétiquement, pas énergiquement, doucement, régulièrement, tout le temps, sans t’arrêter.

5. Une fois que ton riz est bien imprégné, hop, un verre de vin blanc. Tu mélanges, tu attends que le riz ait absorbé le vin.

Tu ne t’arrêtes pas de remuer. Je casserai une assiette par terre à chaque fois qu’un de tes grains de riz accrochera au fond de ta casserole.

Tu comprends, c’est important. L’Amarone te regarde. Tu regardes l’Amarone. C’est bon, tu as compris que c’était important.

6. Une fois que ton riz a bien absorbé le vin, louche par louche il faut verser le bouillon.

Bouillant.

Et pour qu’il reste bien bouillant, tu montes le feu du riz. Ça va s’agiter là-dedans, les petits grains ronds vont se faire masser, ils vont adorer.

Chaque louche. Tu laisses bien que le riz absorbe chaque louche.

Petit à petit.

Tout en remuant.

Ne faiblis pas.

Je te le confisque, l’Amarone, si tu faiblis.

Tu vas voir. Le miracle. Le riz va gonfler, prendre du volume. Et relâcher cette crème miraculeuse. J’ai vu des gens sortir leur pot de crème fraîche pour faire un risotto.

C’est parce qu’ils ne connaissent pas le Miracle.

Il Miracolo.

Il faut goûter de temps en temps le Carnaroli. Parce qu’il ne doit être, ni croquant, ni trop cuit. Il faut que le résultat ne soit ni liquide, ni compact. Il faut que ce soit crémeux. Il faut qu’il tienne sur ta fourchette.

S’il tient sur ta fourchette sans couler tout en étant liquide, tu as bon. Et oui. Pas facile.

Tu sais parfois, le Risotto ne te rend pas tous tes efforts. Tu penses avoir fait tout comme il faut, et le résultat n’est pas celui que tu attendais.

Il faut persévérer… Parce que l’Amarone le vaut bien.

7. Et tout ça en 18 minutes. Ni une de plus, ni une de moins. Donc ne te plante pas dans le timing des étapes. Le Secret. C’est pourquoi tu as intérêt à avoir bien fait absorber tout ton riz avec ton bouillon, parce qu’au bout de 18 minutes, je retire tout ça du feu.

Comme à l’examen du permis de conduire. Quand c’est fini, c’est fini. Tu ne peux pas revenir en arrière. Tu ne peux pas rattraper si tu t’es planté. Il faut que tu recommences.

Si ça peut te consoler, j’ai loupé 4 fois mon permis de conduire. Et maintenant je suis un As du Volant. Mais passons.

8. Tu retires du feu et tu rajoutes une noix de beurre.

Tu n’as pas cessé de remuer.

Tu mets une bonne poignée de Parmigiano Reggiano.

Tu continues de remuer.

Le Risotto, c’est un plat presque… asocial. Si tu as des invités, tu es obligé de les abandonner. Mais quand tu reviens, c’est il Miracolo dans leurs assiettes. Ce secret, avant de le livrer, tu vas attendre un peu. Parce que bon, tous ces efforts, hein, c’est quand même pas pour les jeter en pâture au premier venu.

9. C’est une des bases possibles du Risotto. Si tu sais faire ça, tu sais faire n’importe quel risotto. Pour l’Amarone, je te conseille des bons cèpes. Des bons Funghi Porcini, à la saveur forte, qui reste en bouche, qui embaume ta cuisine.

Tu les cuisines comme tu les aimes, et tu les rajoutes quelques minutes avant la fin de la cuisson, et tu saupoudres avec le Dieu Parmigiano.

Et n’oublie pas, l’Italie aime quand c’est joli. Alors tu gardes quelques cèpes pour les rajouter par dessus tout ça, directement dans les assiettes. L’Italie te remercie.

Tu sers les assiettes immédiatement, il Risotto n’attend pas.

Il Miracolo est bref, c’est un instant sacré, insaisissable. Crois-moi, tu ne commanderas plus jamais un Risotto au restaurant après ça.

Mais avant, sers-toi donc un bon verre d’Amarone. Il est perfetto ce Risotto, bravo. Il donne envie de rester à table jusqu’à 4h du matin pour refaire le monde.

J’espère que tu as prévu une deuxième bouteille d’Amarone.

Baci
@flonot

(1) Il faut atomiser les restaurants qui servent un risotto en moins de 20 minutes. Il faut aller en cuisine, et couper la main du «cuisinier», en pénitence. Si tu commandes un Risotto et qu’il arrive illico, cela signifie que CES BANDITS L’ONT PRÉPARÉ A L’AVANCE. Et ça, ça mériterait que je les envoie au fond de l’Adriatique accrochés à des parpaings. Pour donner à manger aux poissons. Et encore. Les pauvres poissons.

 

Il Duomo e La Cotoletta Alla Milanese.

Milano.

La Milano Bella, La Milano Sofisticata, La Milano da Bere, La Milano Autentica.

Les Milanais. Les beaux Milanais. Des Parisiens, mais beaux, sympas et de bonne humeur. Bon pas des Parisiens donc. Oups !

Qu’a-t-on pu entendre sur Milano… Que c’est une ville moche, sans âme, sans Dolce Vita. Une ville triste. C’est sur, ce n’est pas une ville du Sud de l’Italie. Mais elle a tellement à offrir aussi.

Ma Milano n’est pas triste. Ma Milano, c’est cette Italie qui cultive méticuleusement le bon goût, l’élégance, le raffinement. Un peu superficielle parfois. Allez d’accord, beaucoup, même. Les Italiennes perchées sur 12cm de talons pour aller acheter le pain le dimanche, elles sont là. Les beaux Italiens en costard pour aller boire l’Aperitivo, et activer le radar-scanner à 360 degrés, ils sont là.

C’est une grande ville, avec ses inconvénients, son métro honteux et ses bouchons infernaux. Mais on lui pardonne.

Parce qu’à Milano tu vois, il y a des monuments.

Il Duomo.

Là sur la photo. Imposant. Immense. Démesuré. Incroyable. Majestueux. Parfait. En Hiver, la nuit, ils éclairent il Duomo de l’intérieur, pour qu’on puisse admirer les vitraux et leurs couleurs chatoyantes.

Et la Cotoletta alla Milanese. La vraie, celle qui croustille et fond dans la bouche. Oui, un monument. Simple et sophistiqué. Comme Milano.

Après avoir vécu un an à Milano, je crois – je crois – que je maîtrise à peu près l’art de la Cotoletta alla Milanese. Mais ce que j’adore plus que tout, c’est lorsque ce sont mes amis Milanais AOC qui prennent les commandes dans MA cuisine.

Aspetta, bouge-toi de là, je vais le faire.

Les plats typiques de Milano, ils ne sont pas nombreux. Alors ils en sont fiers, les Milanais. La Cotoletta alla Milanese, c’est la leur. Et la Schnitzel Autrichienne, c’est la petite sœur. Comme te l’explique si bien @mwyler. On les aime bien les Autrichiens, ils en ont fait une variante absolument exquise.

Toute une histoire cette Cotoletta alla Milanese. Un monument parce que les Milanais en parlent comme si c’était un bébé. On la mange en été, en hiver, quand on a envie de rien, on a envie d’une Cotoletta alla Milanese. Con Rucola e Pomodorini.

COMMENT CA UNE ESCALOPE DE VEAU PANÉE ?! MALHEUREUX !

A la grande différence de la Schnitzel, la Cotoletta est – comme son nom l’indique – une côtelette. Avec l’os donc. Elle peut se préparer de deux manières : soit telle quelle, soit on la coupe en deux dans le sens de la hauteur puis on l’ouvre comme un livre. Puis on l’aplatit pour qu’elle soit bien fine. Et elle prend la forme d’une “Oreille d’éléphant”.

L’orecchio di elefante.

J’adore la Cotoletta alla Milanese. J’adore, j’adore, j’adore, j’adore, j’adore…

Le secret, c’est l’impanatura. La chapelure. C’est d’une simplicité insolente. Si tu sais la faire, tes Cotolette seront réussies à tous les coups. Encore un plat qui va épater tout le monde avec trois fois rien.

A l’Italienne quoi.

Il ne faut pas que le pain soit trop sec, tu l’écrabouilles très très finement, puis tu râpes du Parmigiano et tu mélanges bien tout ça. Pour donner une petite touche de goût incomparable. D’ailleurs on se demandera ce qui donne ce goût. Et toi tu ne diras rien, comme d’habitude, tu les laisseras se décarcasser. Il tuo segreto.

J’ai vu certains Milanais réduire en poussière des Grissini pour les ajouter à leur chapelure. C’est très, très bon. C’est surprenant, même. Ca donne une belle couleur, et beaucoup de saveur.

Le deuxième secret, c’est la friture. Il ne faut pas que ta cotoletta soit grasse, lourde. Il faut qu’elle soit juste bien frite. Dorée. Brillante. Légère.

Et pour ça, les Milanais m’ont toujours dit de frire dans une quantité abondante d’huile extrêmement chaude. En ajoutant du beurre dans l’huile. Oui, bon, c’est pas grave, hein, tu ne le dis pas à tes invités de toutes façons.

Comme ça, ça frit, mais la viande n’absorbe pas la matière grasse. Et ça marche. Vrai.

Donc tu aplatis tes côtelettes de veau, tu les imprègnes de farine, hop tu les plonges dans le jaune d’œuf (tiens mets un peu de sel et de poivre dans tes jaunes d’œufs), puis tu les noies sous la chapelure. Tu n’hésites pas, tu les tournes, tu les retournes, et tu les secoues un peu pour enlever le surplus.

La chapelure, c’est la robe de soirée Giorgio Armani de ta Cotoletta alla Milanese.

Il faut qu’elle habille, qu’elle mette en valeur.

Classe mais sobre.

Il faut les faire sur le moment, c’est bien meilleur. Les amener à table encore frétillantes, pendant qu’elles chantent encore.

Et tu les sers comme à Milano. Alla Primavera. Recouvertes de Rucola et de Pomodorini, avec une tranche de citron.

J’ai cherché longtemps, là où on mange la meilleure Cotoletta de la ville. Ce n’est pas facile de se décider. Je crois que partout où j’ai été, j’ai commandé une Cotoletta. Et voici mon verdict : La Rotonda di Segrino (Via Alserio, 30).

Il ne faut pas aller à La Rotonda di Segrino pour le quartier, mais c’est le genre de trattorie qu’on aime bien toi et moi, parce que les serveurs sont sympas et se font des petites blagues entre eux, et on te parle comme si tu faisais partie de la maison depuis toujours.

Demande-leur aux serveurs “Com’è la cotoletta oggi ?” – ils te diront qu’elle est bonne, ils se porteront garants, puis il viendront vérifier que tu as effectivement aimé. Et quand tu leur diras que oui, tu as aimé, ils débarrasseront ta table avec un grand sourire.

All’Italiana.

Pas une vulgaire escalope panée donc.

Mais une simple et belle côtelette de veau, avec un peu de magie dessus.

Regarde, mon ami Matteo, Milanais de père en fils depuis des générations, te donne l’ultime ingrédient secret : L’AMORE.

[youtube http://www.youtube.com/watch?v=UevUfeNk9Yg]

 

Un bacione.

@flonot

Buongiorno al Latte ed al Caffè

photo via @SophieCeugniet

Forcément.

Quelque part je savais que tu n’aurais pas résisté et que je t’aurais conquis(e) avec le caffè.

Irrésistible.

Et tu m’en vois ravie ! Oui, ravie que tu aies non seulement envie de boire ton caffè debout au bar avec moi, mais envie de le retrouver – aussi – chez toi.

Parce qu’au-delà de redonner – en forçant le trait et en étant un poil excessive, je l’admets – ses lettres de noblesse à certains des plats italiens que je trouve qu’on torture beaucoup trop POUR RIEN, je cherche surtout à partager les choses qui font que j’adore vivre en Italie. Et dont je suis convaincue de manière très subjective qu’on ne trouve d’égales nulles parts ailleurs.

Même si elles ont été exportées, elles ont souvent perdu un peu de leur saveur en route. Et c’est dommage et ça me rend triste. J’en veux un peu aux Italiens d’ailleurs, de ne pas avoir protégé ce patrimoine avec plus de ferveur. C’est un peu parti dans tous les sens, c’est notre coté bordélique. Alors du coup, pour rattraper ça, avec notre excessivité légendaire, on en fait une histoire d’honneur de la patrie, de notre sang, de notre histoire.

Mais ça veut juste dire qu’on fait les choses avec le cœur :)

Voilà.

Donc je suis beaucoup moins triste maintenant, et je suis ravie.

Et je vais te donner quelques règles de base pour utiliser une cafetière moka comme celle sur la photo, là. Comme ça, tu pourras faire un bon caffè rigoureusement all’Italiana chez toi.

Déjà, elle est jolie, tu as envie de l’exposer dans ta cuisine, et ça, ça fait plaisir. J’aime que les Italiens mettent de la beauté dans les choses les plus simples, c’est tellement agréable.

Celle-ci est la plus traditionnelle, celle des puristes, mais Bialetti en a développé des dizaines d’autres, avec des fonctionnalités différentes, des couleurs flashy, et des formes plus designs.

Mais le principe de fonctionnement est le même pour toutes.

L’odeur du caffè qui envahit toute la maison, ça vient de cette petite moka. Moi, quand elle chante parce qu’ “il caffè è pronto !” je vois des petits cœurs voler dans la pièce…

Donc déjà, sélectionne ton café moulu. Je n’ai pas vraiment de religion de ce coté-là, à part que je le choisis rigoureusement de marque Italienne.

C’est fou, non ?

Puis j’aime parce que beaucoup des maisons Italiennes productrices de caffè sont encore souvent entre les mains des entrepreneurs et familles qui les ont créées en leur temps, dans de simples boutiques de torréfaction : Lavazza, Illy, Segafredo Zanetti, Kimbo,… et continuent de commercialiser dans le monde l’autentico espresso italiano.

J’aime ces nombreuses success story all’Italiana, elles me rendent fière !

Si tu veux être un vrai, il faut prendre carrément les grains et les moudre toi-même. Mais encore une fois, c’est vraiment une question de goût, et surtout d’habitude. Tu vas voir, plus tu vas boire le même, et plus tu vas l’aimer.

C’est une histoire d’amour exponentielle, si c’est pas fabuleux ça sans déconner !

La seule chose à savoir quand tu choisis ton paquet, c’est vérifier sur l’étiquette que la torréfaction est adaptée à la cafetière moka. Par exemple, pour les machines à espresso – type celles des Bars – le caffè est torréfié différemment.

D’autre part, et je vais te donner un truc qu’un vieux professeur d’italien à la fac m’avait dit et que tous les Italiens te diront : Oui, le choix du caffè et de la cafetière est important. Mais le plus important… c’est la qualité de l’eau ! Tu n’y penses pas mais c’est vrai, plus tu mettras de l’eau de qualité, plus ton café sera bon. Donc eau minérale ou filtrée, pour ne garder que le meilleur.

Presqu’élémentaire, comment toi et moi on a pas pu y penser avant, sérieux.

Donc la moka tu vas adorer parce qu’elle est parfaite pour tous les moments de la journée.

Elle ne fait jamais le même caffè.

NON PARCE QU’IL EST MEILLEUR A CHAQUE FOIS.

Oui, oui. Tu vas avoir envie de lui faire des bisous d’amour.

Je te parie un tour en Vespa que dans quelques temps, tu deviendras aussi extrémiste que moi grâce à la Moka. Tu vas comprendre, ça va s’insinuer en toi comme si de rien n’était, ça va s’intégrer dans ton ADN sans que tu t’en aperçoives, et quand on te servira une tasse de café lambda, tu ne pourras plus t’empêcher un :

“MAIS QU’EST CE QUE C’EST QUE CE TRUC ? ACHÈTE UNE MOKA !”.

La première fois, tu seras toi-même stupéfait de ta propre réaction.

Ou alors tu feras comme moi, tu offriras une Moka à tout ton entourage. Pour la contagion positive. Et aussi parce que comme ça, très égoïstement, tu es certain que tu boiras du bon caffè presque partout où tu seras invité.

Machiavel était Italien, ce n’est pas pour rien.

Satisfaction machiavélique, donc.

Alors, les quelques principes de base de la Moka :

Petit a : L’eau bout dans le récipient inférieur puis avec la pression va passer au travers du filtre/réceptacle du café, se concentrer dedans, tourbillonner entre les grains tous fins pour finalement être emportée dans le récipient du haut.

(Je ne suis pas chimiste, ce que je te raconte là, c’est comme je l’imagine dans ma tête)

(bon je sais que tu aimes les schémas, alors hop)

Petit b : Tu ne laves JAMAIS ta cafetière avec du savon ou du liquide vaisselle.

Tu démontes les 3 parties (récipient inférieur, filtre, récipient supérieur), tu rinces avec de l’eau et tu laisses (bien) sécher.

Si ta Moka s’approche à moins de 10 cm d’une bulle de Paic Citron je te coupe la tête et je te condamne au café dégueu jusqu’à la nuit des temps.

C’est clair ? Tu ne veux pas ruiner le goût du café. Donc non.

Petit c : Ta cafetière est neuve, donc tu fais les premiers caffè (3 ou 4) et tu les jettes. Il faut la roder. Ça enlève le goût de l’aluminium au début. Pareil si tu ne l’utilises pas pendant longtemps, si tu peux en faire un et le jeter c’est mieux.

Petit d : Tu fais ATTENTION.

C’est une mini-cocotte minute ta Moka. Donc tu la surveilles. Dès qu’elle chante, tu la retires immédiatement du feu, et tu attends qu’elle arrête de bourdonner. D’ailleurs tu la fais chauffer toujours à feu doux. Le repère, c’est la flamme qui ne doit pas dépasser du récipient inférieur, toujours bien cachée la flamme.

TU NE FAIS PAS BOUILLIR LE CAFÉ.

Mais je ne te jetterai aucune pierre, parce que les mésaventures suivantes sont arrivées à absolument tous les Italiens. Ceux qui te disent que non te mentent de manière éhontée.

1) Tu n’entends pas chanter la Moka, donc tu ne la retires pas du feu, donc le caffè dans le récipient du haut se met à bouillir. Caffè bouillu, Café foutu.

2) Tu oublies de mettre du caffè moulu dans le filtre. Les Italiens appellent ça “il caffè in bianco”, parce que, ben, y’a que de l’eau chaude qui sort. Donc il est blanc.

Mais ça à la limite ce n’est pas très grave. Ce qui est bien plus grave, parce que dangereux…

3) … Tu oublies de mettre de l’eau. Alors ça, c’est radical. Non seulement ça bousille ta cafetière mais en plus elle peut exploser. Ben oui parce que le caffè ne sort jamais, donc tu ne l’entends pas, donc tu peux oublier, donc elle reste sur le feu pendant des plombes.

Tout m’est arrivé à moi, mais je ne recense aucun blessé.

Je te sens un peu soulagé, là.

Voilà, donc une fois que tu sais ça, tu peux te lancer !

Vas-y je te regarde, je suis derrière, je ne t’abandonne pas.

Je regarde juste les bras croisés et je te dirai si ton caffè est bon et si tu es un digne héritier de la tradition Italienne.

Pression.

Alors tu dévisses ta cafetière, et dans le récipient du bas tu mets de l’eau jusqu’au trait. Et dans tous les cas, jamais au-dessus de la valve de sécurité.

Tu mets le filtre dans le récipient et tu le remplis bien de café, SANS TASSER.

(Cette manie qu’ont mes amis français de vouloir tasser à tous prix le café dans le filtre, ça me dépasse)

Si tu le tasses il sera purement et simplement imbuvable parce que beaucoup trop fort. Aucun besoin donc, surtout que la vapeur fera tout le boulot.

Tu visses fort – très fort – le récipient supérieur et tu mets sur le feu. Tu te souviens de ce que je t’ai dit, hein, au sujet du feu.

Si tu as des plaques électriques, tu places la cafetière sur le bord de la plaque, pour que le manche en plastique ne soit pas directement exposé à la chaleur. Çà peut l’abîmer.

Tu as vu ça comme je pense a tout. Ça m’épate moi-même.

Quelques minutes de patience et ça y est… elle chante. Si j’osais je dirais qu’elle jouit. Mais je suis pudique.

Elle chante parce que ce sont les dernières gouttes de caffè qui tombent dans le récipient du haut, bien noir, bien fumant, avec sa merveilleuse odeur qui vient te dorloter. Il y a un mot que j’adore en Italien, c’est “avvolgente”- ça veut dire que ça t’enrobe. Comme la chaleur du feu de cheminée en hiver. Comme la couette dans laquelle tu t’enroules bien pour t’endormir au chaud.

C’est doux, et ça fait des câlins dans le cou.

Avvolgente.

D’ailleurs, généralement, il y a toujours quelqu’un dans la maison pour dire : “Mmmmh ça sent bon le café dis-donc !

Ça te fait sourire.

Parce que maintenant tu sais. Tu fais partie de ceux qui savent, ce n’est pas rien. On se reconnaîtra quand on se croisera tu verras. Parce que nous, on sait !

Je vais te donner un truc. Parce que j’aime bien quand tu sais.

Les premières gouttes qui tombent sont les meilleures. Si tu les récupères et tu les mets dans un petit bol avec du sucre fin, et que tu touilles bien, ça te fera une crème de caffè. Tu pourras la mettre au fond de chaque tasse et verser le caffè directement dessus. Tu verras, ça fait une délicieuse petite mousse.

Bon, c’est le moment fatidique. Il caffè è pronto.

Fais-moi goûter ce caffè. Arrête de trembler tu vas en foutre partout. Puis je suis douce, je t’ai dit, je ne veux que ton bien.

Colore ? Perfetto.

Odore ? Perfetto.

Gusto ? Perfetto.

Bravo.

Et bienvenue.

Tu vas voir, c’est un monde formidable. Parce qu’un peu d’Italie est rentrée dans ton cœur. Un peu comme quand tu passes du bon coté de la force. Un peu comme quand tu as lâché ton PC et tu as découvert le magnifique monde d’Apple.

La Moka, c’est la Steve Jobs du caffè.

Tu ne reviendras jamais en arrière.

:-)

Un bacione, e grazie per il caffè.

@flonot

PS: Une cafetière Moka 3 tasses, ça coûte dans les 20-25 euros. Aucune raison de se priver.

 

Je voudrais Ragù avec vous*

Tu as saisis toute la beauté du Ragù. Tu sais maintenant que c’est une mini-oeuvre d’art (designed by Michelangelo).

Donc écoute bien ce que Sand te conseille de boire avec et pourquoi.

Tu ne vas pas en croire tes papilles.

@flonot

PS: Tu l’écoutes sur le Pinard, tu l’ignores sur l’Andouillette. Parce que toi et moi on sait que l’Andouillette C’est La Vie.

—-

lapinardotheque:

* je m’appelle Emilie jolie, je voudrais Ragù avec vous sur l’air de la comédie musicale, donc.

Quand j’étais jeune -et sotte, note que je le suis toujours un peu- rien ne me réjouissait plus que de manger les spaghettis bolo du vendredi soir. Ne me juge pas, je te parle d’un temps que les moins de vingt ans, tu connais la suite, c’est une époque où le seul vin qui avait inondé mon gosier était le Liebfraumilch. Si ce mot ne t’évoque rien, je t’en conjure ne GOOGLE pas. Crois moi, il vaut mieux laisser cette affreuse… chose dans les profondeurs de l’internet et de quelques caves mal famées. Et allemandes. Je ne te dis pas ça pour le simple bonheur de commettre un suicide social, mais aussi pour te prouver qu’on peut très bien partir de très loin (plus loin que ça j’étais sur la grande muraille) et quand même quelques années plus tard devenir une activiste du Bon, du Beau, et de l’Authentique. Hé ouais. Y a de l’espoir pour toi aussi. Je te sens rasséréné là non? Alors let’s go.

Maintenant JE SAIS. Que le liebfraumilch c’est dégueulasse. Et que les spaghettis bolo n’existent PAS. Si tu veux confirmation, demande à Flo. Regarde, elle t’explique tout très bien.

Tu l’as compris, ma mission c’est de t’aider à trouver LE flacon qui va mettre ton Ragù en valeur. Parce que mettons nous d’accord, quand tu as passé un certain nombre d’heures en cuisine, à suer sans et eau (mais pas dans la marmite hein, c’est pas hygiénique) tu ne voudrais pas tout foutre par terre en y accolant un vin qui ne va pas SUBLIMER** ton plat? Hein? HEIN QUE TU VEUX PAS.

Répète après moi: je veux sublimer mon plat.

Voilà. c’est bien, je te sens au taquet là.

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La carbo, la carbo, la carbo-naaaa-ra*.

Grace à @sandlablonde qui répond à mon billet sur la Carbonara, tu vas savoir quelle bonne bouteille de vin déboucher pour que le bonheur soit total.

Un peu comme si elle avait débarqué dans ma cuisine avec le pinard qui va bien.

On aime. Beaucoup.

@flonot

—-

lapinardotheque:

*sur l’air de “la Passionata” de monsieur Guy Marchand*

Tu as acheté des pâtes, de la pancetta, tu as tes œufs, et du parmesan, tu t’apprêtes à cuisiner LA Carbonara. Maintenant que tu sais comment on en fait UNE VRAIE (si tu ne sais pas, je t’encourage vivement à aller lire ça, en fait non, je t’en intime l’ordre, carrément) il serait dommage que tu ne saches pas quoi boire avec, n’est ce pas ?

Tu as beaucoup de chance, je vais te dire exactement où chercher, quoi déboucher, et surtout POURQUOI. Avoue qu’on ne peut pas rêver mieux. Je sais que quand tu entends « accords mets-vins » tu flippes. C’est normal, je suis passée par là, j’ai flippé avant toi. Parce que dans ta tête (j’insiste, oui, c’est dans TA TÊTE) tu penses que c’est compliqué, réservé à un club d’initiés, de spécialistes, qui doivent avoir des connaissances encyclopédiques… (accessoirement tu les visualises barbus blanchis un peu chiants plein de mots doctes et de formules ésotériques. Ne nie pas, les préjugés sont comme les sangliers, ils ont la peau dure).

Je vais te mettre à l’aise, recta : on décompose le bouzin, tu veux bien ?

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Il Ragù. L’Unico.

Tagliatelle al ragù

Comment te dire.

Je sais que ça va être difficile à entendre. J’ai beaucoup hésité.

Ce n’est peut être pas entièrement de ta faute. Mais il va falloir que je te le dise. Il faudra un peu de temps à t’en remettre. De la force et du courage. Mais tu t’en sortiras parce que je vais t’aider.

Tu sais le plat de pâtes que tu penses être le plat typiquement Italien ? Celui que tous les pseudos-restaurants Italiens te servent en France ? Celui que tu cuisines tout fier, en pensant à tes ancêtres Italiens – on en a tous – qui doivent te couver d’un œil bienveillant ?

Je te vois, là, gonflé d’orgueil quand tu le sers à table en te disant que tu fais honneur à la gastronomie de la Botte. Mais oui, tu sais bien…

… les “Spaghetti Bolognaise”.

Ou pire. Les “Spaghetti Bolo”.

Quand tu cuisines ça, tes ancêtres Italiens te tournent le dos en sanglotant, je te jure.

Je vais donc devoir sévir à nouveau. Mais gentiment cette fois. Je serai douce, c’est promis.

Parce que je me rends bien compte que ce que je vais t’annoncer est une nouvelle aussi retentissante que lorsque tu as appris que le Père-Noel était une invention des capitalistes.

Les “Spaghetti Bolognaise”…

…N’EXISTENT PAS.

Non, non.

Vas-y, je te laisse un peu de temps pour googler les meilleurs sites gastronomiques Italiens, tu ne trouveras aucune trace de tes “Spaghetti Bolo”, fais-moi confiance.

Je sais c’est dur d’être désemparé comme ça. C’est un vrai pilier de ta cuisine qui s’écroule là. Je t’ai déjà dit de balancer par la fenêtre tes lardons en plastique et d’enterrer ta crème fraîche, et maintenant je te dis de ranger tes spaghetti… c’est cruel.

Je te vois penser, un sourcil levé, que pourtant, le Clochard, bah il séduit la Belle grâce à des “spaghetti bolo”.

Oui mais non.

Et dire que tu avais presque compris comment cuire ta pasta al dente

Bon.

Si tu es prêt à entendre la vérité, si tu promets d’être patient et de mettre en œuvre tous les efforts nécessaires, je te garantis que ta vie va changer là-dessus. Tu vas goûter le plat originel, celui qui, de la Sicilia jusqu’au Trentino met tous les Ritals d’accord. Et en plus, je te laisserai être un peu créatif.

C’est pas beau, ça.

Oui parce qu’il y a une origine aux “Spaghetti Bolo” :

Le Ragù alla Bolognese (n’oublie pas l’accent sur le “ù”, hein).

Le rubis Italien. La meilleure manière possible de faire honneur à ce légume (fruit ?) que toute l’Italie vénère : Il Pomodoro (la tomate). Du rubis, je te dis.

Ici aussi je ne m’explique pas comment on est passé de ce plat si savoureux, qui chante l’Italie, a cette sorte de plat de nouilles à la viande hachée et aux tomates pas cuites.

J’ai cessé d’essayer de comprendre, ça me colle la migraine.

Le Ragù alla Bolognese, c’est donc la sauce. Comme son nom l’indique, ça vient de Bologne, en Emilie-Romagne.

Le coeur de la gastronomie Italienne. Et toi, tu vas le faire battre.

Tu ne peux pas la servir avec des spaghetti. Tu ne peux juste pas. C’est interdit. C’est comme ça.

Elle se sert avec des Tagliatelle, des Papardelle, ou des pâtes courtes comme les Mezze-Maniche, les Penne Rigate,… Mes préférées : les Tortiglioni ! Siiiiii… Mammamia que c’est bon !

Attention, on va monter de plusieurs niveaux d’un coup par rapport à la Carbonara.

Il faut des années d’expérience pour réussir parfaitement un Ragù. Il faut de la patience. Mais un jour le Ragù te le rendra au quintuple.

D’ailleurs c’est un des plats que seule la Mamma sait faire mieux que tout le monde. Les Italiens ne plaisantent pas avec le Ragù. Je pense même que c’est le sujet de dispute conjugale le plus répandu en Italie : “Celui de ma mère est meilleur que le tien, Dio Bono !

Bon ils ont tout faux, c’est bien entendu ma mère Giovanna qui fait le meilleur ragù alla bolognese de la Terre. C’est sans aucun doute le plat de pâtes le plus représentatif en Italie. Et tu sais pourquoi ? Parce qu’on le fait tous avec amore. Parce qu’on se sent porté par la grandeur de l’Italie toute entière quand on soulève le couvercle et qu’on voit ce magnifique Sugo rouge-orangé mijoter doucement et calmement. Parce que tout le monde aime. Parce qu’en Italie, toutes les cuisines sentent bon le Ragù.

Et bientôt dans ta propre cuisine. Alors, c’est parti.

Les ingrédients :

Petit a : Des tomates. Celles-ci. Des BELLES tomates. Bien rouges.

Alors, si tu n’as pas une Mamma qui durant l’été en ramène 100kg d’Italie pour ensuite les préparer avec passion et en faire des conserves (et ici, les Franco-Italiens savent de quoi je parle… on s’est tous cassé le bras à mouliner des tomates en Septembre), et bien, tu peux prendre des tomates pelées ENTIÈRES en conserve. Pas n’importe lesquelles. En France, les conserves Mutti peuvent faire l’affaire. Il va falloir les essayer et trouver tes préférées.

Petit b : Du concentré de tomate.

Petit c : De la viande hachée 100% pur boeuf.

Petit d : De la viande de porc. Moi j’aime bien la saucisse, mais il ne faut pas qu’elle soit aromatisée. Nature.

Petit e : Un oignon. UN SEUL.

Petit f : Du céleri. CHUT ! Je ne veux rien entendre, tu notes.

Petit g : Une carotte.

Petit h : Du sel, du poivre, du laurier, de l’Huile d’Olive extra vierge, du vin rouge, du Parmigiano Reggiano

Petit i : La Pasta. Allez, on prend tous son paquet de Tagliatelle Barilla (ou Voiello, pour les faillots) et on y va.

Il te faut minimum 1 heure devant toi. Le Ragù, ça se prépare avec beaucoup de patience, pour que tous les ingrédients puissent s’exprimer dans un concert harmonieux. Ouais, la recette est longue. Mais c’est un marathon de joie.

Seuls les vrais arrivent au bout. Mais après ce que tu as pris avec la Carbonara, je sais maintenant que tu es un vrai, toi.

Carotte, céleri, oignon. Tu coupes tout ça en petits cubes très petits, ça cuit mieux.

Tu prends une casserole et tu fais chauffer l’Huile d’Olive. Quand l’huile est bien chaude, tu mets les légumes et tu fais les fais bien cuire. Avec le laurier. Pour parfumer. A feu moyen.

Bon tu remues hein, on veut pas que ça brûle. Quand tu vois que c’est bien cuit, tu fais saisir la viande et la saucisse (que tu auras émiettée avant).

La viande doit presque devenir croustillante, donc surtout tu fais bien évaporer toute l’eau. SANS FAIRE BRÛLER. Tu remues (avec une cuillère en bois s’il te plait, j’ai la colonne vertébrale qui se raidit quand j’entends crisser ta fourchette contre la casserole, brrr)

Une fois que tout ça, ça sent bon, et qu’il n’y a plus d’eau, tu verses un peu de vin rouge et tu laisses évaporer tout ça joyeusement. Tiens, télécharge Volare de Domenico Modugno, ça fera plaisir à ton Ragù.

Une fois que tu ne voies plus de traces ni d’eau, ni de vin, tu mets une cuillère à café (ou deux, selon) de concentré de tomates. Juste ce qu’il faut pour bien aromatiser la viande et les légumes.

Puis ton pot de tomates (que tu auras bien mixé avant, faut vraiment que je te dise tout ?!).

Pas trop de tomates je t’en prie. Il faut juste COLORER la sauce. Ne pas noyer la pasta. Non. Jamais. Pour aucune raison.

CE N’EST PAS UNE SOUPE ! (Je t’ai pratiqué, BoloTroll, tu le sais.)

Tu laisses mijoter tout ça pendant une quarantaine de minutes… Ca va faire ploc-ploc et si tout va bien, et ta sauce prendra une magnifique couleur rouge-orangé, ni trop liquide, ni trop épaisse.

Tu remues de temps en temps. Tu surveilles. Comme un bébé.

Tu goûtes.

Oui cette fois je te laisse goûter, j’avais dit que je serai douce. Et tu ajustes de sel et de poivre.

Allez, là c’est facile tu connais la suite. Tu prends une grande casserole et tu mets l’eau à bouillir. Tiens, je te donne même les proportions exactes : 1/10/100. 1 litre d’eau pour 10 grammes de sel pour 100 grammes de Pasta. Avec ça si tu te plantes, franchement, laisse tomber, déménage en Italie et viens manger chez moi, ce sera encore plus simple.

Évidemment, cette fois-ci, tu ne t’es pas laissé avoir et tu as du gros sel (eheh).

Évidemment, tu ne mets toujours pas d’huile dans l’eau. Jamais, en fait.

Tu fais tout bien comme on a dit, tu remues tes tagliatelle de temps en temps et tu retires une minute au temps indiqué sur la boite. Si tu vois que ta sauce a trop réduit, ça marche aussi ici, hop ! Une petite lichette d’eau des pâtes dans la sauce.

Je me laisserais presque amadouer en te laissant goûter.

Mais j’ai peur que tu jettes ta tagliatelle contre le carrelage de ta cuisine. Je sais qu’on t’a dit de le faire. Cette personne te voulait du mal, vraiment. A toi, et à moi, et aux Italiens.

Il faut les dorloter tes tagliatelle.

Tu en prends une ou deux, 1m30 avant la fin de la cuisson.

Tu la touches. Elle doit être soyeuse.

Tu souffles doucement. Tu la regardes. Tu vois comme elle brille comme de l’Or ?

Tu la goûtes. C’est tellement bon que tu pourrais les manger comme ça, sans rien. Elle est al dente si elle résiste un peu sous la dent.

Je sais… Il te faut encore quelques essais.

Mais tu es sur la bonne voie, ne te décourage pas.

Tu égouttes tes tagliatelle et tu les remets immédiatement dans la casserole.

Et là, juste pour les colorer, tu prends une louche de sauce et tu la verses dans les pâtes. Tu remues pour que tes tagliatelle s’imprègnent bien.

AVEC UNE PINCE, tu les saisis et tu les déposes dans tes assiettes, et tu rajoutes de la sauce sur chacune d’entre elles.

Et pour terminer le chef d’œuvre, une bonne poignée de parmesan fraîchement râpé, comme ferait la Mamma, avec la main, un petit tourbillon de fromage qui se pose délicatement sur tes tagliatelle.

Je suis douce mais je ne suis jamais bien loin à te menacer de ma fourchette.

Regarde. Ca fond.

Là.

Là, tes ancêtres te regardent avec fierté.

Tu devrais voir le Colosseo dedans. Ou le Duomo de Firenze. Ou les Volcans de Sicile. Ou les ruelles de Parme et de Bologne. Ou les grands lacs Italiens. Ou les falaises du Gargano. Ou les collines Toscanes. Ou…

… Ca y est ! Tu es dans un film de Ettore Scola.

Tu as mis une serviette autour de ton cou, dans ton verre il y a ce bon conseil de Sand, et tu tournes tes tagliatelle le nez dans l’assiette.

Ca fait du bien ?

;-)

Mais de rien !

@flonot